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La conservation des forêts est non-seulement commandée par le besoin impérieux des AN 9. bois de toute espèce, mais pour arrêter la dégradation successive de la couche de terre végétale qui entoure le globe. Presque tous les grands bois s'élèvent sur des plans inclinés depuis les collines ordinaires jusqu'aux plus hautes montagnes couvertes de sapins et de mélèses. Les racines de ces arbres maintiennent le peu de terre végétale que la succession des siècles a laissé parmi les rochers de granit; mais lorsque ces arbres n'existent plus, les ravins, causés par les pluies, entraînent bientôt ces terres. Les montagnes ne présentent que des roches nues, des pics hérissées, rebelles à toute culture, et qui ne servent de retraite qu'aux oiseaux de proie.

Une excessive multiplication des chèvres, depuis la révolution, doit être regardée comme une cause de la dégradation des forêts. Ces animaux aiment de préférence les pays montagneux, et sautent avec beaucoup d'agilité d'un rocher sur un autre ; mais le jeune bois n'a point d'ennemis plus redoutables. Non-seulement elles le broutent avec avidité, mais leur salive venimeuse et brûlante l'empêche de repousser. On sera contraint de rétablir et d'exécuter, à la rigueur, les anciennes lois contre ce quadrupède encore plus malfaisant qu'utile.

1800.

CHAPITRE XIII.

Projet de réorganiser l'instruction publique.

ON

.

N s'occupait du rétablissement de l'instruction publique ; le conseiller d'état Chaptal, chargé du ministère de l'intérieur à la place de Lucien Bonaparte, que le premier consul avait nommé ambassadeur de France à la cour de Madrid, venait de publier à ce sujet un mémoire renfermant des vues salutaires, mais dont l'exécution était assez difficile.

Quelque mode qu'on adopte, on ne remplacera de long-tems les corps enseignans qui existaient avant la révolution. Leur mérite était moins encore cet art d'industrie qu'ils possédaient et se transmettaient les uns aux autres dans les collèges, que l'économie de leur administration. Un collège, aujourd'hui, coûtera ce que coûtaient trois collèges, lorsqu'ils étaient habités par des hommes accoutumés à une vie dure et frugale, portant le même habit, mangeant à la même table, et n'ayant aucun cmbarras de famille.

Le ministre Chaptal proposait l'organisation des écoles primaires. La France, en comp, tant le Comtat-Vénaissin, la Savoie, l'Etat de Nice, les gorges de Porentrui, les pays des

AN

bords du Rhin et la Corse, renferme une étendue de plus de 33 mille lieues carrées, de vingt- Ax g. cinq au degré. Trente mille instituteurs d'écoles primaires, disséminés sur cet immense territoire, auraient chacun un ressort de plus d'une lieue carrée. Comment trouver ces trente mille instituteurs d'écoles primaires, pourvus des connaissances nécessaires pour régénérer simultanément l'éducation routinière de la jeunesse villageoise? Comment assurer l'existence de ces écoles, au milieu de la jalousie entre les villages qui renfermeraient ces institutions, et ceux qui seraient privés de cet avantage? Les enfans de l'un et de l'autre sexe, depuis l'âge de sept ans jusqu'à celui de douze, se rendraient-ils de compagnie à l'école primaire, qui pourrait se trouver à une demi-lieue de leur domicile ? Ces courses, renouvellées matin et soir, à travers les bois et les campagnes, seraient-elles sans inconvéniens physiques et moraux ?

On nous parle de l'éducation de Lacédémone; mais sommes-nous des Spartiates? Les habitans des villages, dans lesquels les écoles primaires ne seraient pas placées, redoutant les suites de ces pélerinages auxquels leurs enfans seraient condamnés pendant l'hiver, seule saison où l'économie rurale permet au plus grand nombre des villageois d'envoyer à l'école leurs garçons et leurs filles, ne don

neraient-ils pas la préférence à un maître 1800. d'école de leur choix qu'ils paieraient ? cette seule disposition atténuerait les fruits des écoles primaires établies à grands frais.

Si les écoles primaires sont moins nombreuses, leur ressort sera encore plus étendu, leur insuffisance deviendra plus frappante. Peut-on sérieusement proposer que des enfans de sept à huit ans, bravant en hiver les mauvais tems et les mauvais chemins, fassent chaque jour une lieue pour aller à l'école, et une autre lieue pour revenir le soir chez eux? Il paraît donc convenable de ne pas s'occuper aujourd'hui des petites écoles, qui resteraient à la charge des communes, du moins jusqu'au tems où nous aurions tous les livres élémentaires à l'usage des enfans et des maîtres, chargés de leur instruction.

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L'enseignement public pourrait consister pour le moment (1), en un petit et un grand collège dans chaque département; en cinq lycées placés dans les villes de Strasbourg, Bruxelles, Lyon, Bordeaux et Marseille; en cinq collèges et un institut national à Paris. On aurait installé ces écoles daus les maisons consacrées autrefois à l'enseignement, et à

(1) Depuis l'édition de cet ouvrage, faite en 1802, une partie de ce plan a été adoptée; le reste pourra l'être dans la suite.

leur défaut, dans les maisons nationales. L'entretien de ces édifices aurait été à la charge AN 9. des communes dans le sein desquelles seraient les collèges. Les avantages dont jouiraient les habitans de ces villes exigeaient quelques sacrifices. Tous les maîtres auraient trouvé leur logement gratuit dans les bâtimens dépendans des collèges.

On composerait les petits collèges d'un gymnasiarque ou principal, et de cinq professeurs. Un concierge y serait établi. Cette place, donnée à un vétéran, lui servirait de récompense. Il enseignerait aux élèves les exercices militaires. Le cours d'éducation serait de cinq ans. On y recevrait les enfans qui sauraient lire et écrire correctement en français et en latin.

Les professeurs resteraient constamment attachés à la même classe, à moins qu'une nouvelle élection les portât à une autre chaire. L'expérience démontre que l'homme qui fait toujours la même chose, y devient par cela même, de jour en jour, plus propre. Les congrégations enseignantes, qui suivaient une autre méthode formaient des professeurs aux dépens de la jeunesse à leurs soins confiée.

Trois maîtres, sous le nom de professeurs de langues, enseigneraient aux enfans, pendant trois ans, les langues française et latine, les élémens de la géographie, de l'histoire et de la constitution française; la connaissance

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