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réelles, étaient au nombre des charges publiques, dont aucun état, aucune dignité ne dispensait. Les vétérans, les sénateurs, les prêtres, les femmes et même les mineurs y étaient soumis. Un fardeau porté par tout le monde, devient léger pour chaque individu. Si cet usage s'introduisait en France, et si les particuliers avaient le choix de faire leur ouvrage, ou de le donner à faire à prix convenu, les routes se trouveraient réparées dans les saisons mortes, sans que personne fut lésé. Ce moyen serait préférable au droit de passe qui surcharge le commerce, et rend écrasant le prix des marchandises apportées de loin.

AN 91

On objecte que ces droits de passe existent en Angleterre depuis long-tems, et que personne ne s'en plaint; mais on n'a pas fait attention que l'Angleterre étant une île, et que ses flottes la rendant assez constamment maitresse de la mer, les marchandises d'un poids considérable sont fransportées par les vaisseaux sur les côtes de toutes les provinces, et de là dans l'intérieur par l'embouchure des fleuves et les routes nautiques, et que les routes de terre ne sont guères broyées que par les voitures de luxe; dès lors les droits de passe ne produisent presque aucun effet fâcheux.

En France, au contraire, où la mer ne baigne que les régions de l'Ouest et une partie de celle du Sud, la moitié du commerce en

800.

tous les tems, et sa presque totalité durant les guerres maritimes, se fait par les routes de terre. La guerre maritime élève donc le prix des marchandises dans un tems où les sacrifices de tout genre, demandés aux citoyens, leur laissent moins de moyens de les payer; et c'est dans cette fâcheuse circonstance que le droit de passe devient plus aggravant, parce qu'il pèse sur une plus grande quantité de marchandises. Je ne m'étendrai pas davantage à ce sujet. Il me suffit d'indiquer au gouvernement le mal et le remède.

CHAPITRE X V.

Paix avec les puissances barbaresques de la
Méditerranée et avec les Etats-Unis de
l'Amérique. Nouvelle suspension d'armes en
Allemagne et en Italie.

LES

ES vues principales du gouvernement se tournaient vers la paix, à laquelle presque toutes les améliorations étaient subordonnées. On vint à bout, malgré les efforts des Anglais, de rétablir avec les puissances barbaresques de Tunis, d'Alger et de Tripoli, la bonne intelligence qu'avaient troublée les hostilités survenues entre la France et la Turquie. Ces traités de commerce et d'amitié, très-favorables

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aux habitans de la Provence et du Languedoc, firent peu de sensation auprès de celui qui fut AN 9. conclu, le 8 vendémiaire, entre la république française, représentée par Joseph Bonaparte, Charles-Pierre Claret de Fleurieu et PierreLouis Roederer, et les plénipotentiaires des Etats-Unis, Olivier Ellsworth, William Richardson Davie et William Vans Murray. Il s'agissait moins de s'entendre sur le passé, que de faire revivre entre les deux nations des relations utiles et honorables pour l'une et pour l'autre. Le traité remplit cet objet. Les ministres français, convaincus que la prospérité des Etats-Unis de l'Amérique ne peut qu'ajouter à la prospérité de la France, s'attachaient particuliérement à consacrer les maximes les plus favorables aux droits de la neutralité pendant les guerres maritimes; droits dont la violation multipliée par les Anglais, décida les puissances du Nord à renouveller l'exemple qu'elles avaient donné, en 1780, d'une neutralité armée, pour protéger leur pavillon.

Le terme de l'armistice conclu à Munich par le général Moreau, était expiré ; cependant les hostilités ne recommençaient pas en Allemagne. On apprit qu'une nouvelle convention avait été signée à Hohenlinden le 20 septembre, troisième jour complémentaire an 8, entre le général Moreau et le comte de Lherbach. Cette

'suspension d'armes devait durer quarante-cinq 1800. jours. L'empereur, pour donner au gouvernement français un gage de son intention de faire la paix, consentait à ce que les places de Philipsbourg, d'Ulm et d'Ingolstadt, enclavées dans la ligne de démarcation accordée aux Français par le traité du 26 messidor, 15 juillet, fussent remises à la disposition du général Moreau. Cet armistice s'étendit en Italie par une convention signée le 29 septembre, 7 vendémiaire an 9, entre le général Marmont et le général prince d'Hohenzolern.

CHAPITRE XVI.

Intrigues des Anglais pour empêcher la conclusion de la paix.

L

Il avait été convenu entre le gouvernement français et le gouvernement autrichien, que les conférences pour la paix seraient tenues dans Lunéville. Le comte de Saint-Julien était venu à Paris, pour proposer, de la part de l'empereur, les premières bases de la pacification. Les principaux obstacles qui s'opposaient à la conclusion du traité, ne venaient pas de Vienne, mais de Londres. Le ministère anglais, qui avait prodigué l'or pour opérer le démembrement de la France, ne voyait arriver qu'avec

les plus noires inquiétudes l'instant où l'empire français, sortant victorieux de la crise la plus AN 9. étonnante, donnerait la loi aux puissances coalisées contre lui. De toutes les conquêtes qui allaient être assurées à la république française, celle de la Belgique intéressait sur-tout le cabinet britannique. Je ne répéterai pas ce que j'ai dit à ce sujet dans plusieurs livres de cet ouvrage; mais cette réunion devait avoir pour l'Angleterre de si fâcheuses conséquences, que tout sacrifice lui eût paru léger pour l'empêcher, ou du moins pour l'éloigner.

Non-seulement les guinées s'expédiaient pour Hambourg, et de là passaient à Vienne; nonseulement les escadres britanniques offraient, sur tous les rivages européens, les ressources en tout genre qui pouvaient faciliter les opérations guerrières; mais le gouvernement de Londres se montrait décidé à soudoyer une armée de terre, qui se combinerait avec les armées impériales en Italie ou en Allemagne. On observait, à la cour de Vienne, que la Belgique, par sa proximité avec la Grande - Bretagne, était la seule province où les armées anglaises. pussent commodément débarquer avec l'attirail nécessaire pour se porter dans les endroits où le service de l'empereur pouvait le requérir. Il ne s'agissait, ajoutait-on, pour conserver ce superbe pays, que d'introduire l'Angleterre comme partie contractante dans le congrès de

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