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1800.

Lunéville. Ses plénipotentiaires auraient mis en avant le systême des compensations, pro-. posé déjà deux fois par le lord Malmesbury; et telle était la puissance de l'or, qu'on se flattait qu'une pluie abondante de ce métal applanirait bien des difficultés. En conséquence, l'empereur témoignait un desir extrême de traiter de concert avec le roi d'Angleterre, son allié.

Les vues secrètes dans lesquelles la cour de Londres voulait entrer dans la négociation de paix continentale, étaient parfaitement connues à Paris. D'ailleurs, les personnalités gratuites et indécentes que s'étaient permises, envers Bonaparte, les chefs du gouvernement anglais, lorsqu'après la révolution du 18 brumaire, le premier magistrat de la république française avait écrit au roi d'Angleterre, pour lui proposer de terminer une guerre qui dépeuplait et dévastait l'Europe, autorisaient le gouvernement français à rejeter cette mesure. Mais la grandeur d'ame de Bonaparte ne lui avait pas permis de balancer ses ressentimens particuliers avec les grands intérêts de la France, dont il était dépositaire. Il avait saisi avec empressement une ouverture qui pouvait accélérer la paix de l'Europe.

Le commissaire du gouvernement, Otto, résidant à Londres, pour l'échange des prisonniers français et anglais, fut chargé des

opérations préliminaires pour donner à l'empereur la satisfaction qu'il desirait.

Devait-on continuer à se battre, en parlant de paix? C'était assurément se placer sur un terrein peu favorable. Les événemens de la guerre amènent à chaque instant des circonstance qui fortifient les prétentions d'un parti, et aigrissent le ressentiment de l'autre. Une suspension d'armes avait été le préliminaire des paroles de paix entre la France et l'Autriche; puisque l'Angleterre voulait faire cause commune avec son allié, ce préliminaire de la négociation devait lui être commun. Il était dans la nature des choses, qu'une trève maritime entre la France et l'Angleterre s'établît, avant d'entrer dans la discussion des objets qui divisaient les deux gouvernemens.

AN 9.

CHAPITRE XVII.

Projets d'une trève maritime entre la France et l'Angleterre.

LE
E commissaire français présenta une note
au lord Grenville, le 4 septembre. Il observait
que la suspension d'armes accordée à l'empe-
reur, dans l'espoir d'une paix prochaine
allait bientôt cesser, et que l'intervention de

,

l'Angleterre compliquait tellement les négo1800. ciations, qu'il était impossible au gouvernement français de prolonger l'armistice conclu sur le continent, si le roi ne consentait à l'étendre aux opérations maritimes. En même tems, il présentait un projet de trève, qui aurait permis aux vaisseaux de guerre et à ceux du commerce français, espagnols ou bataves, de naviguer librement, et de porter les secours nécessaires aux places de Malte et d'Alexandrie. Ce projet fut rejeté. Le ministre anglais présenta un contre-projet. Il n'offrait aucun avantage à la France, et ne fut pas admis.

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Alors le gouvernement de France réduisit la question à l'alternative d'entamer une négociation commune avec l'Angleterre et l'Autriche, en concluant l'armistice suivant le projet proposé par Otto; ou de négocier une paix séparée avec l'Angleterre, en concluant l'armistice suivant le projet proposé par Grenville. Les deux points essentiels de la contes-. tation étaient la possibilité et les conditions d'un armistice maritime ou la convenance d'une paix séparée.

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Il n'était pas nécessaire de prouver la possibilité d'un armistice maritime; il n'était pas douteux aussi que cette trève ne fût plus favorable à la France qu'à l'Angleterre. Cette considération n'était ni dissimulée, ni éludée par le négociateur français, mais les avantages

!

qui en résultaient pour la France, compensaient à peine ceux que l'armistice continen- AN 9. tal procurait à l'Autriche.

Cet armistice continental avait donné à la cour de Vienne le moyen de réorganiser ses armées, de convertir en soldats, en armes, en munitions, les subsides que lui donnait l'Angleterre, et de fortifier ses places en seconde et en troisième ligne.

se

Le refus du cabinet de Saint-James d'adopter les propositions qui lui étaient faites, présentait sous un point de vue remarquable. Grenville avait établi pour base des négociations ce principe spécieux, que la position. des deux peuples devait rester telle qu'aucun des deux n'acquît aucun avantage qu'il n'aurait pas eu sans l'armistice. Ce principe offrait une apparence de justice; mais en l'appliquant à la rigueur, il donnait lieu à des difficultés interminables; car dans une suspension d'hostilités entre deux peuples en guerre, il ne saurait jamais se trouver une telle parité de circonstances, un tel équilibre d'intérêt, que l'une des deux ne gagne quelque chose dans la trève.

Si la France avait conclu un armistice, à la condition de ne porter aucun secours aux garnisons de Malte et d'Alexandrie, elle se serait mise dans une position plus défavorable qu'en restant en état de guerre; elle pouvait

espérer, dans ce dernier cas, de faire ce qu'elle 1800. avait déjà fait plusieurs de ses vaisseaux, échappant à la vigilance des croiseurs anglais, entraient dans les places bloquées; nulle ressource ne restait à la France dans le plan des Anglais; une telle suspension d'armes équivalait à la mesure la plus hostile.

CHAPITRE XVIII.

Prise de Malte par les Anglais. Voyage de la reine de Naples à Vienne.

u surplus, pendant les pourparlers, la garnison de Malte, réduite aux dernières extrémités de la famine, avait été contrainte à capituler; les Anglais étaient entrés dans cette place le 28 fructidor an 8. Cette circonstance qui semblait devoir faciliter la conclusion d'un armistice maritime, n'avait fait qu'augmenter les prétentious du ministère anglais.

Pour donner plus de poids à ces prétentions, la reine de Naples avait été engagée de faire le voyage de Vienne, accompagnée de l'ambassadeur britannique à Naples, le chevalier Hamilton, célèbre par ses recherches sur les éruptions du Vésuve. Il n'est pas probable que le cabinet de Vienne se flattât avec un grand espoir de succès de conserver les Pays-Bas

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