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Jamais un danger plus pressant n'avait in1801. vité les puissances maritimes à s'unir pour la défense commune. Les Anglais ne cachaient plus leur orgueil et leur cupidité. Ils avaient presque tout envahi, et ils voulaient envahir encore. Leurs flottes égalaient en nombre celles de tous les autres peuples européens ; et depuis qu'ils se croyaient assez forts pour les insulter tous, tous étaient insultés. Pouvait-on prévoir où s'arrêteraient les interdictions de leur droit maritime? Après avoir déterminé l'espèce de marchandises qu'il était permis aux peuples de voiturer sur l'océan, qui pouvait les empêcher d'ordonner que telle nation n'aurait que tel nombre de vaisseaux, que telle autre n'en aurait point du tout?

Ces interdictions ne sont pas nouvelles. N'avons-nous pas vu la république de Venise interdire la navigation de l'Adriatique ? Il est vrai que le doge de Venise épousait ce golfe. Mais le roi d'Angleterre pouvait aussi s'embarquer sur la Tamise, pour épouser l'océan à l'embouchure de cette rivière,

La conduite secrète tenue par le ministère anglais pendant la révolution de France, n'était plus un mystère en Europe. On savait que Marat était en Angleterre en relation avec le chancelier Pitt, lorsqu'on le croyait caché à Paris dans un souterrain; que Pitt avait accueilli cet être exécrable, et qu'il avait plusieurs fois répété que c'était l'homme qui lui

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serait le plus utile. On savait que par

l'inter

mède de Marat, de Danton et de quelques AN 9. hommes de cette trempe, le perfide Pitt avait soulevé en France toutes les tempêtes révolutionnaires, avait répandu le sang de plusieurs milliers d'individus, et peut-être celui de Louis XVI et de son épouse.

Le but que se proposaient les ministres anglais dans ces horreurs, était de ruiner entiérement la France, d'attirer sur elle toute l'Europe, et, au sein d'une subversion dont l'histoire fournit peu d'exemples, de pomper tout l'or de l'univers, et de rendre l'Angleterre seule heureuse, seule paisible au milieu d'un volcan dont les laves brûlantes menaçaient de couvrir la terre entière de débris dévastateurs.

Ces sinistres projets furent arrêtés par une convention conclue à Pétersbourg, le 16 décembre 1800, par la Russie, la Suède et le Danemarck et à laquelle la Prusse adhéra le lendemain. Cette convention était exactement calquée sur la neutralité armée de 1780. Les puissances contractantes convenaient que les stipulations relatives à la contrebande conserveraient leur force, mais qu'à l'avenir il ne serait conclu aucun traité de commerce sans prendre pour base le principe que le pavillon neutre neutralise la cargaison; que la garantie des vaisseaux de guerre, escortant des bâtimens de commerce, affranchissait ces bâti

mens de toute visite de la part des puissances 1801. belligérantes ; et qu'il serait pris les mesures

les plus rigoureuses pour empêcher qu'aucun commerce prohibé ne pût avoir lieu sous la protection de la neutralité armée.

Cette mesure n'était pas hostile, mais l'Angleterre qui prétendait dominer sur toutes les mers, la regarda comme une violation de ses droits. Les vaisseaux russes, danois, suédois et prussiens furent arrêtés dans les ports britanniques. Ces dispositions amenèrent des représailles.

Les forces maritimes britanniques peuvent balancer les forces maritimes de toute l'Europe, mais cette colossale puissance serait détruite dans ses fondemens par la seule inertie de l'Europe. L'Angleterre ne produit pas assez de blé pour la subsistance de ses habitans ; elle ne produit presque point de bois; elle tire du continent les objets nécessaires à sa marine. La prospérité britannique ne se maintient que par l'étendue de son commerce; ce commerce n'aura plus d'activité du moment où le continent refusera de communiquer avec les Anglais.

On peut fermer tous les marchés au peuple' qui veut tout vendre exclusivement; que ses vaisseaux sillonnent toutes les mers, mais que la haine les repousse de tous les ports ; que ses marchandises s'entassent inutilement dans les magasins; que ses denrées ne circulent plus; chargé des richesses du monde, il maudira

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bientôt l'excès de son abondance, et comme Midas, il périra de faim sur des monceaux

d'or.

Qu'on ne dise pas que cette interruption du commerce britannique nuirait à tous les peuples; elle produirait, sans doute, quelques privations momentanées, mais elle ruinerait entiérement l'Angleterre. Les Anglais, ne pouvant débarquer le produit de leur industrie, sur aucun rivage, depuis le détroit du Sund jusqu'aux Dardanelles, désavoueraient des ministres qui forcèrent les ressorts de la puissance publique, ou qui ne se flattèrent de la maintenir qu'en éternisant la faiblesse des Etats voisins. Déjà le cours forcé, donné par Pitt aux billets de banque, annonce une crise précédant un orage terrible; les capitalistes étrangers ont pris l'alarme, ils retirent leurs fonds de cette banque dont on croyait les fondemens inébranlables; l'Angleterre se hâtera de signer, avec le continent de l'Europe, un traité de navigation sur les principes de la réciprocité; ou si ce gouvernement persiste dans son systême oppresseur, les jours de sa détresse succéderont rapidement à ceux de sa prospérité. Après avoir étonné l'Europe par sa vaste puissance, sa chûte servira d'exemple pour arrêter les prétentions des peuples qui voudraient à l'avenir neutraliser la libre industrie de leurs voisins.

AN-9.

1801.

CHAPITRE XXVII.

Traité de Lunéville. Traité de paix entre la
France et le roi des Deux-Siciles.

PENDANT

que

ENDANT que cette combinaison diplomatiinclinait d'une manière nouvelle la balance de l'Europe, la paix entre la France, l'Allemagne et la Hongrie, était signée à Lunéville, le 9 février (20 pluviose), par Joseph Bonaparte, plénipotentiaire français, et par le comte de Cobenzel, plénipotentiaire impérial. Les avantages assurés à la France par ce traité et par celui de Campo-Formio, étaient les mêmes; le Rhin et les Alpes devenaient les limites françaises vers l'Allemagne et l'Italie. L'empereur cédait à la France le petit pays de Frichtal, que la maison d'Autriche avait conservé à la gauche du Rhin dans les enclaves du canton de Bâle. Le gouvernement français se proposait de donner cette province au corps helvétique en échange du Bas-Vallais, dont la possession livrait à la France tous les passages de France en Italie, depuis le Simplon, sur lequel pouvait être ouverte une superbe route. Les choses s'arrangèrent autrement.

Il était stipulé que les princes séculiers, privés de leurs possessions à la gauche du Rhin,

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