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1803.

CHAPITRE VII I.

Prétextes de la guerre. Griefs du gouvernement britannique.

IL

L n'était pas difficile de prévoir que les explications qui venaient de commencer entre les deux gouvernemens, aboutiraient à une nouvelle rupture. La France réclamait, d'une part, l'exécution entière du traité d'Amiens, et de l'autre, l'Angleterre voulait se prévaloir des circonstances, pour garder le cap de Bonne-Espérance, l'île de Gorée, Malte et peut-être l'Egypte, ou forcer le gouvernement français, qui avait besoin de la paix pour consolider ses institutions, à faire un traité de commerce qui pùt la dédommager de toutes les possessions dont elles ne voulait point se dessaisir.

C'est en tems de paix que, le 31 décembre 1802, les agens britanniques forçaient le commandant en chef de la flotte batave, à signer une convention, en vertu de laquelle, au lieu de rendre le Cap, ainsi que le portait le . traité d'Amiens; ils se réservaient la domination de cette place, et permettaient seulement aux troupes bataves de camper dans

certaines limites qui leur furent assignées et au-delà desquelles elles ne pouvaient point A 1. aller. Une convention en tems de paix ! Quelle singulière manière d'exécuter un traité!

Le général Blanchot, commandant français, pour le Sénégal, réclamait inutilement la restitution de l'île de Gorée. John Frazer, gouverneur pour S. M. britannique, s'épuisait à trouver des moyens plausibles de différer, et tout en promettant de rendre l'île il persistait à la conserver. A Malte, les agens britanniques tenaient la même conduite.

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En vertu d'un accord fait entre les grandes puissances intéressées à l'ordre de Malte, et consenti par le roi d'Angleterre, le 8 juin 1802 la nomination du grand-maître avait été déférée, pour cette fois, au Saint-Siège, sur la présentation des prieurés de l'ordre. Le pape et les prieurés avaient accédé à cet arrangement en conséquence, le 9 février 1803, Sa Sainteté nomma grand-maître de l'ordre, M. le bailly de Thomasy, qui accepta sa nomination.

Le nouveau grand-maître avait cru nécessaire d'envoyer à Malte M. le commandeur Bussy, qu'il nomma à cet effet, son fondé de pouvoirs et son lieutenant. Il se rendit dans l'île le 9 ventose, exposa au ministre d'Angleterre, qui y résidait, l'objet de sa mission. Le ministre répondit qu'il n'avait point

reçu d'ordre pour faire évacuer l'île par la 1803. garnison anglaise, et que le grand - maître ferait bien de ne pas s'y rendre. M. de Bussy insista; il exposa, d'après le quatrième paragraphe de l'article X du traité d'Amiens, que les forces de S. M. B. devaient évacuer l'île et ses dépendances, dans les trois mois qui suivraient l'échange des ratifications, ou plutôt, s'il était possible; il dit que ce délai était expiré depuis long-tems, que le traité ajoutait que cette île serait remise à l'ordre dans l'état où elle se trouvait, pourvu que le grandmaître, où des commissaires pleinement autorisés suivant les statuts de l'ordre, fussent dans ladite île pour en prendre possession, et que la force qui devait être fournie par S. M. Sicilienne, y fût arrivée.

Or, cette force y était arrivée depuis longtems; il ne restait donc plus qu'une condition à remplir, celle de la présence du grandmaître, ou de ses commissaires , pour en prendre possession. Le ministre d'Angleterre répondit que quelques-unes des grandes puissances, qui avaient été invitées à garantir l'indépendance de Malte, n'avaient pas encore répondu, et qu'il ne se croyait pas autorisé à mettre un terme au gouvernement de Sa Majesté britannique, jusqu'à ce qu'il eût reçu des instructions spéciales de sa cour, et qu'en attendant, le grand-maître ferait bien d'at

tendre ce résultat à Messine; et c'est dans le cours même de ces négociations, qu'on AN 11. assurait, dans la chambre des communes, qu'il fallait ne point rendre Malte, parce que, M. Bussy étant français ( ce qui n'était pas ), l'indépendance de l'île ne pouvait avoir de garantie.

En Egypte, pays que l'armée anglaise devait évacuer dans un délai de trois mois, en exécution du traité d'Amiens, le séjour prolongé de cette armée indiquait certaines vues, certains projets de la part de l'Angleterre. On pouvait le pressentir par ses démarches à l'égard de la Porte, et par l'extrême inquiétude de cette dernière puissance; par les escarmouches qui avaient déjà eu lieu entre l'armée anglaise et les troupes turques; par la correspondance de cette armée avec les Mameloucks, qu'elle soldait et auxquels elle fournissait des munitions de guerre ; enfin par l'opinion où était la Porte que les Anglais voulaient garder Alexandrie et Suès comme comptoirs, dans le tems même qu'ils accusaient le gouvernement français de vouloir s'emparer de la Morée, pendant que dans son traité de paix il garantissait à la Porte l'intégrité de ses Etats.

Le message de S. M. B. était du 7 ventose; les négociations, pour ne pas rendre l'Europe à un état de guerre, furent continuées à Paris *

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jusqu'au 23 floréal que partit lord Whitworth. 1803. Le lendemain le gouvernement fit communiquer au sénat la note adressée la veille au ministre anglais par le ministre des relations extérieures.

Cette note portait que le 17 ventose S. M. B. avait fait connaître à son parlement, que des armemens formidables se préparaient dans les ports de France et de Hollande, et que des négociations importantes, dont l'issue était douteuse, divisaient les deux gouvernemens. Cette déclaration avait excité un étonnement général, puisque l'Angleterre et l'Europe savaient qu'il n'y avait d'armemens formidables, ni dans les ports de France, ni dans les ports de Hollande. Cette assertion était une supposition manifeste à laquelle le gouvernement anglais ne pouvait se méprendre, et moins encore se laisser induire en erreur sur l'existence des négociations. L'ambassadeur de la république à Londres demanda des explications au lord Hawkesbury, ainsi que le ministre des relations au lord Whitworth à Paris. Lord Hawkesbury remit, le 24 ventose, une note vague, aggressive, absolue. La réponse du gouvernement français, 8 germinal, fut aussi pacifique, aussi modérée que celle du ministre britannique était hostile.

Le premier consul déclara qu'il ne relevait point le défi de guerre de l'Angleterre ; qu'il

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