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tion formelle de s'étendre aux dépens des provinces ottomanes et ioniennes, lui, roi d'An- AN 11. gleterre, n'aurait pu se justifier de l'évacuation de Malte, sans une compensation, laquelle lui paraissait nécessaire à sa sûreté. Quelques plaintes contre le colonel Sébastiani, et contre le premier consul, accusé d'avoir dit au corps législatif, que l'Angleterre seule ne pouvait lutter contre la France, formaient le reste du manifeste.

Ce qu'il y a de plus clair dans l'exposé des griefs, c'est la ferme résolution de conserver Malte. L'Angleterre avait recherché la paix, parce que l'état de ses finances et le vœu national la demandaient impérieusement. Le premier consul, de son côté, la recherchait pour consolider sa gloire, en raffermissant la France ébranlée par dix années de révolution.

La déclaration du roi n'est pas restée sans réponse. Le reproche d'ambition ne convenait pas à la cour de Londres, qui avait conservé Ceylan, pour s'assurer d'immenses conquêtes dans l'Inde; la Trinité, qui lui ouvrait les possessions espagnoles d'Amérique. La France n'a rien acquis par le traité d'Amiens; elle s'est bornée à des restitutions, sauf une partie insignifiante de la Guiane portugaise. La restitution de Malte était une condition nécessaire des concessions faites à la Grande-Bretagne.

Elle jouissait de ces concessions, pourquoi vou1803. loir encore en conserver l'équivalent?

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Le Piémont était au pouvoir de la France, lors de la signature du traité d'Amiens. Si sa restitution eût sérieusement occupé le ministre anglais, il aurait exigé qu'elle fût une des conditions de la paix; il aurait stipulé la réintégration du roi de Sardaigne. Le traité d'Amiens ne contient rien qui ait rapport à ce prince ni à ses Etats; c'est une année après la conclusion de la paix, que les ministres ont réclamé et pour le prince et pour le duché.

Le duché de Parme méritait peu qu'on en fît mention; c'est un point imperceptible dans les grands intérêts de l'Europe.

A l'égard du danger que courait la liberté de l'Europe, par l'énormité de la puissance française, le ministère anglais aurait dû préjuger ce danger, le lire dans le traité de Lunéville, et l'atténuer par celui d'Amiens. Il n'y a songé que lorsqu'il a été question de rendre Malte. D'ailleurs l'Angleterre, qui est hors de tout contact avec le continent, était-elle chargée par les puissances continentales de juger de leurs dangers, de les sauver ou de les venger? Si elle en eût été priée, sollicitée avant le traité d'Amiens, il fallait en parler; et si elle ne l'était pas, pourquoi se plaignit-elle après, puisque les autres gardèrent le silence?

L'influence de la France sur la Suisse existait depuis Henri IV; elle a toujours été exclusive; ni l'Angleterre, ni les autres puissances n'ont cherché à la détruire ni à la diminuer. Et quels rapports politiques l'Helvétie avait-elle avec la cour de Saint-James? Quand on dit que les Suisses ont un intérêt essentiel à être attachés à la France, c'est dire une simple vérité que la carte démontre. La France peut d'un mot faire disparaître la Suisse, comme d'un mot elle peut la maintenir. L'esprit révolutionnaire s'était répandu dans cette malheureuse contrée, le premier consul lui donna un gouvernement qui le fit disparaître. Il rendit le même service en Hollande, qui, depuis Guillaume III, n'était plus qu'une province anglaise. Quant au séjour des troupes françaises. dans ce pays, c'était l'effet d'une stipulation particulière entre les Bataves et le gouvernement français pourquoi ne s'en être pas plaint dans le traité d'Amiens?

Enfin, le cabinet britannique reprochait au gouvernement français des vues secrètes sur l'Egypte, et par là contre les Indes orientales. On présume que c'était l'arrière-pensée des ministres. Dans ce projet, soutenu d'une part par les allégations des ministres, démenti de l'autre par le gouvernement français, on ne pouvait entrevoir qu'un moyen de rendre celui-ci suspect à la Porte, et ce n'était pas une

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raison pour s'autoriser à garder Malte. Mais 1803. pourquoi l'Angleterre attendait-elle ce moment pour avertir la Porte? Il eût été plus prudent d'acquérir les preuves, d'en faire part à l'Europe entière, et protéger de concert Malte et la Turquie.

Mais la conservation de Malte établissait la domination anglaise dans toute la Méditerranée. Cet établissement militaire soumettait à son influence immédiate les puissances Barbaresques, l'Egypte, la Syrie et tout l'Archipel. Il ne fallait que rompre un traité solemnel, les circonstances étaient favorables. La France, qui avait ses forces maritimes au dehors, ne pouvait s'y opposer; et il fallait consommer cette entreprise, avant que la France n'eût restauré sa marine et tenté de recouvrer la liberté des mers. Tels étaient les motifs qu'on reprochait au ministère anglais; il rallumait le flambeau de la guerre, pour étendre son commerce; et c'était particuliérement pour des manufacturiers anglais, que le sang humain

allait encore couler.

CHAPITRE IX.

Premières hostilités. Prise du Hanovre. Des troubles de l'Irlande.

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LORSQUE la guerre recommença, toutes les

autres puissances étaient en paix ; il ne paraissait pas même qu'aucune d'elles voulût s'écarter d'un systême de neutralité que pour lors elles semblaient avoir adopté. C'était la première fois, depuis que les Etats-Unis d'Amérique s'étaient formés en corps de nation, que la France et l'Angleterre se trouvaient l'une contre l'autre avec leurs seules propres forces; et chacune, comptant sur sa supériorité, dédaignait sa rivale. La Russie offrait sa médiation, la France paraissait y consentir, l'Angleterre s'y refusa. On eût dit que les portes de la guerre ne s'ouvriraient jamais assez tôt pour elle. La supériorité de sa marine lui inspirait tant d'orgueil, que, d'après l'opinion commune des deux chambres, si l'on poussait la guerre avec vigueur, elle ne pouvait durer long-tems. Au contraire, dit M. Pitt, elle serą longue et très-longue ; c'est pourquoi il faut s'attendre à beaucoup de sacrifices. L'ex-ministre aimait assez la médiation de la Russie; mais

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