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logne, au Havre, sur toute cette côte que nos ennemis appèlent une côte de fer, de grands ouvrages s'exécutaient et s'achevaient. La digue de Cherbourg sortait enfin des eaux et déjà elle était un écueil pour nos ennemis. A l'abri de cette digue, au fond d'une rade immense, un port se creusait, où dans quelques années la république aurait ses arsenaux et des flottes, A la Rochelle, à Cette, à Marseille, à Nice, on réparait les ravages de l'insouciance et du tems.

La navigation intérieure périssait; elle venait d'être soumise à un régime tutélaire et conservateur. Un droit fut consacré à son entretien, sous la surveillance des préfets. Le droit de pêche, dans les rivières navigables, était redevenu une propriété publique, sous la garde de l'administration forestière.

L'année dernière, les régies avaient heureusement rendu plus qu'on en espérait; les contributions directes avaient été perçues avec plus d'aisance; on formait un cadastre général qui rendrait la répartition invariable. Toutes les communes devaient avoir chacune, dans une carte particulière, le plan de leur territoire, les divisions, les rapports des propriétés qui le composent.

La caisse d'amortissemnt, déjà propriétaire d'une partie de la dette publique, chaque jour accroissait un trésor qui garantissait à l'Etat une prompte libération.

La refonte des monnaies se faisait sans mou

AN 12.

1804.

vement et sans secousse. Au trésor, le crédit public s'était soutenu au milieu des secousses de la guerre et des rumeurs intéressées.

Dans la dispersion de nos vaisseaux, dans la sécurité de notre commerce, nos pertes doivent être immenses. Heureusement nos vaisseaux rentrèrent dans les ports de l'Europe; un seul était tombé au pouvoir de l'ennemi ; il était condamné depuis long-tems à n'être plus qu'un vaisseau de transport. De deux cent millions que les croiseurs anglais pouvaient ravir à notre commerce, plus des deux tiers avaient été sauvés. Nos corsaires avaient vengé nos pertes par des prises importantes, et devaient encore les venger par de plus importantes.

Tabago, Sainte-Lucie étaient sans défense; elles furent obligées de se rendre aux premières forces qui s'étaient présentées; mais nos grandes colonies nous restaient, et les attaques dirigées contre elles avaient été vaines.

Le Hanovre était en notre pouvoir. Vingtcinq mille hommes des meilleurs troupes ennemies avaient posé les armes et étaient restées prisonnières de guerre. Notre cavalerie s'était remontée aux dépens de la cavalerie ennemie. Les drapeaux que l'armée française y avait perdus dans la guerre de cinquante-sept,avaient été renvoyés en France.

Dans la dernière guerre, le despotisme britannique avait épouvanté les neutres par une

prétention inique, révoltante, le droit de déclarer des côtes entières en état de blocus; AN 12. dans celle-ci, il venait d'ajouter à son code monstrueux le prétendu droit de bloquer des rivières, des fleuves.

La Louisiane venait d'être associée à l'indépendance des Etats-Unis d'Amérique. Ils devaient cette indépendance à la monarchie française; ils devront à la république leur affermissement et leur grandeur. L'Espagne restait neutre; l'Helvétie était rassise sur ses fondemens; nos troupes s'étaient retirées, et les anciennes capitulations renouvelées. Le calme régnait en Italie. Une division de l'armée de la république italienne allait camper avec les nôtres sur les côtes de l'Océan. L'empire ottoman, travaillé par des intrigues sourdes, attendait de la France l'appui que lui promettaient d'antiques liaisons, un traité récent et sa position géographique.

Les derniers actes de la diète de Ratisbonne assuraient au continent la tranquillité que lui avait rendue le traité de Lunéville.

Tel était le compte que le premier consul rendait de la situation de la France au corps législatif, lorsque le grand juge annonça à toute l'Europe, que le ministère anglais, après avoir été parjure, voulait faire assassiner celui qu'il désespérait de vaincre, Napoléon Bonaparte, alors premier consul.

1804.

CHAPITRE III.

Emissaires du gouvernement anglais sur le continent. Rapport du grand jugé sur l'assassinat prémédité du premier consul, leur condamnation et celle du duc d'Enghien.

LE
E 27 pluviosé, le grand juge, ministre de
la justice, dans un rapport qu'il fit au gou-
vernement, exposa qu'au milieu de la paix
l'Angleterre avait ourdi de nouvelles trames,
et qu'en violant le traité d'Amiens, elle avait
bien moins compté sur ses forces que sur le
succès de ses machinations: il dit que, pen-
dant qu'à Londres on semait les bruits les plus
sinistrés, qu'on s'y repaissait des plus coupa-
bles espérances, tout-à-coup les artisans de la
conspiration furent saisis; que les preuves s'ac-
cumulaient, qu'elles étaient d'une telle force,
d'une telle évidence, qu'elles portaient la con-
viction dans tous les esprits.

Georges et ses complices étaient restés en Angleterre; ses agens parcouraient encore lá Véndée, le Morbihan, les côtes du Nord, et y cherchaient en vain dés partisans.

Pichegru avait porté en Angleterre sa haine contre sa patrie; en l'an 8, il était aveo

Villot, à la suite des armées ennemies, pour se rallier aux brigands du Midi; en l'an 9, il conspirait avec le comité de Bareuth, et depuis la paix d'Amiens, il était encore le conseil et l'espoir des ennemis de la France. La perfidie britannique associait l'infâme Georges à ce Pichegru que la France avait estimé,

En l'an XI, une réconciliation criminelle avait rapproché Pichegru et le général Moreau, deux hommes entre lesquels l'honneur devait mettre une haine éternelle. La police saisit à Calais un de leurs agens, au moment qu'il retournait en Angleterre pour la seconde fois. A l'arrestation de cet agent, le général Moreau parut un moment agité; il fit des démarches obscures pour s'assurer si le gouvernement était instruit : mais tout se tut et lui-même, rendu à sa tranquillité, cacha au gouvernement un événement qui avait droit d'alarmer sa surveillance; il garda le silence lors même que Pichegru fut appelé publiquement aux conseils du ministère britannique, lorsqu'il s'unit avec éclat aux ennemis de la France.

Cependant les événemens se pressaient. Lajollais, l'ami, le confident de Pichegru, alla furtivement de Paris à Londres, porta à Pichegru les pensées du général Moreau, et rapporta à celui-ci les desseins de Pichegru et de ses associés. Les brigands de Georges

AN 13.

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