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et la Vallière. Ces divisions eurent à soutenir 1802. des combats très désagréables par les localités; les rebelles se cachaient dans les hasiers, dans les bois impénétrables qui bordent les vallées; et lorsqu'ils en étaient repoussés, ils avaient une retraite assurée dans les Mornes. Les Alpes n'ont rien de comparable aux obstacles de toute espèce que présente le pays. Cependant l'armée dispersa en cinq jours les principaux rassemblemens des ennemis, s'empara d'une grande partie de leurs bagages et d'une portion de leur artillerie. La défection se mit dans le camp des rebelles; plusieurs chefs noirs, ou hommes de couleur, se soumirent. Les plantations du Sud furent entiérement conservées, et toute la partie espagnole soumise.

Le général Leclerc était arrivé au PortRépublicain, le 18 ventose. Il trouva la ville intacte et entiérement conservée. Il n'en fut pas de même de Léogane; Dessalines avait incendié cette ville; mais là du moins s'étaient arrêtés les ravages. Toute la partie du Sud, à partir de Léogane, était parfaitement conservée, ainsi que toute la partie espagnole, dont les habitans étaient armés et marchaient pour établir le cordon.

Les lettres trouvées dans les bagages de Toussaint, et celles qui avaient été remises par les noirs qui avaient abandonné son parti, caractérisaient une ame aussi atroce qu'hypo

crite, une cruauté et une barbarie sans exemple. Heureusement pour la colonie, que beau- AN 10. coup de noirs, et particulérement le général Laplume, avaient fait tout le contraire des ordres qu'ils avaient reçus.

Toutes les divisions se mîrent en marche, pour se rendre sur la Petite-Rivière et occuper le poste important de la Crête-à-Pierrot, où l'ennemi avait son principal magasin à poudre, ainsi que ses autres provisions. Il paraissait déterminé à s'y défendre jusqu'à la dernière extrémité, d'autant plus qu'on avait enlevé aux rebelles une si graude quantité de niagasins à poudre, que le dépôt central de la Crêteà-Pierrot commençait à leur devenir très-essentiel.

Le général Desfourneaux avait sa position à Plaisance, pour protéger le département du Nord. Les divisions Hatry, Rochambeau, Boudet, Debelle, étaient en mouvement. Les approvisionnemens de l'armée étaient de six mois; c'était déjà une grande inquiétude de moins. Depuis l'expédition de Toussaint dans la partie espagnole, les boeufs étaient assez abondans; et comme les bagages des ennemis tombaient souvent au pouvoir des soldats français, il leur était plus facile de les faire transporter, et de soutenir les fatigues inouies d'une guerre aussi difficile.

L'ennemi n'épargna rien pour défendre la

position où il avait établi son chef-lieu, près 1802. de l'Artybonite, à huit lieues de Saint-Marc et à quinze du Port-Républicain. Il avait mis ses redoutes à l'abri de toute attaque, en bordant tout son front par un abattis de bois de campêche de dix pieds en profondeur sur trois de hauteur. Du premier au trois germinal, le fort la Crête fut bombardé, et le feu y éclata plusieurs fois. Il fit plusieurs sorties qui ne lui réussirent pas. Le fort fut enlevé; on y trouva un magasin à poudre, les bagages de Dessalines, sa musique, beaucoup de fusils et quinze pièces de canon. Plus de trois mille hommes périrent dans la défense de ce fort et des lieux dont il fallut s'emparer avant d'y parvenir. L'armée française eut, dans toutes ces affaires, cinq cents hommes tués ou blessés.

Toussaint Louverture, après sa défaite aux Gonaïves, dans les premiers jours de ventose, s'était retiré dans les bois avec cinq cents hommes seulement. Pendant que l'armée était occupée contre Dessalines, revenu de sa première frayeur, il avait rassemblé cinq cents autres hommes et avait fait sa jonction avec Christophe, qui avait conservé trois cents hommes, et conçu le projet de soulever tout le département du Nord, et d'enlever tout le Cap. II se présenta à Plaisance, où le général Desfourneaux le repoussa vivement. Cet échec ne le découragea point. S'étant porté au Dondon

et à la Marmelade, il fit insurger une partie des cultivateurs du Nord, et se présenta de- AN 10. vant le Cap. Les habitans du Nord savaient qu'il n'y avait qu'une faible garnison au Cap; trompés par les faux bruits que Toussaint fit courir sur l'inutilité des secours qu'on attendait de Flessingues et du Havre, ils furent encore une fois égarés. Cependant le général Boyer tint l'ennemi à un certain éloignement, de la ville, fit de fréquentes sorties, et le Cap, du moins, n'éprouva aucune espèce de

mal.

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Après la prise de la Crête, le général Rochambeau se mit à la poursuite de Toussaint. La férocité de ce rebelle n'a pas de nom; il avait égorgé plus de dix mille habitans, blancs noirs ou mulâtres. Dans les différentes expéditions que fit l'armée, elle eut le bonheur de ramasser plus de huit mille individus, hommes et femmes, qu'il se proposait d'égorger. Plusieurs généraux avaient été blessés, mais aucun ne le fut mortellement.

Immédiatement après la prise de la Crête Dessalines, poursuivi, se retira sur les GrandsBois. Le général Leclerc, ayant fait couper les chemins par un détachement qui occupait le Mirabelais, Dessalines voulut forcer le passage et fut repoussé, d'où il se rejeta sur les Cahous avec une poignée d'hommes, errant de positions en positions, mais favorisé

1802.

par les localités dont il est difficile de se faire une idée.

Dans le cours de germinal, battus, dispersés, la terreur était dans le camp des rebelles; sans magasins, presque sans poudre, ils étaient réduits à manger des bananes. L'arrivée des escadres de Flessingues et du Hâvre acheva de porter le dernier coup. Christophe fit des ouvertures au général en chef, qui lui fit dire qu'avec le peuple français il y avait toujours une porte ouverte au repentir. Après avoir hésité encore quelque tems, il accepta les ordres qui lui furent donnés, de se rendre seul au bourg du Cap; de renvoyer tous les cultivateurs qu'il avait encore avec lui; de réunir toutes les troupes qui étaient sous ses ordres, et tout fut ponctuellement exécuté. Plus de deux mille habitans du Cap, qui étaient dans les mornes les plus éloignées, rentrèrent. Il remit les magasins, les pièces d'artillerie et douze cents hommes environ de troupes de lignes.

La soumission de Christophe acheva de consterner Toussaint. Il employa tous les moyens pour faire connaître au général Leclerc la situation douloureuse où il se trouvait ; qu'il voyait avec peine se continuer une guerre sans objet et sans but; que des circonstances. très-malheureuses avaient déjà occasionné bien des maux; mais qu'il serait toujours assez fort,

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