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1805.

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intrépidité qui en imposaient à l'ennemi. L'empereur, avant son voyage d'Italie, avait par sa présence, porté sur toute cette Côtede-Fer une audace extrême; l'armée brûlait de se trouver à l'autre bord. A son retour d'Italie, où il laissa le prince Beauharnois son fils adoptif, pour vice-roi, la confiance des camps et des flottilles s'accrut encore de tout ce que la renommée avait publié de merveilleux. Le bruit se répandit sur l'autre côte que, pour cette fois, la descente allait se faire, et par-tout les volontaires reçurent l'ordre de se tenir prêts pour se rendre à leurs postes.

Pitt restait seul chargé de tout le poids de l'Etat, et depuis sa rentrée au ministère chaque opération lui faisait perdre de son crédit. On eût dit que l'abjection ou la disgrace de ses amis avait passé jusqu'à lui. Addington s'était vu obligé de donner sa démission; lord Melville gémissait sous la honte d'une enquête criminelle. Accusé d'avoir détourné à son profit des fonds de la marine, il fut obligé de résigner tous ses emplois, et d'attendre d'un jugement incertain le rétablissement d'une réputation flétrie, ou la peine qui devait suivre le crime. Pitt, dans ces circonstances, crut devoir encore chercher son salut, et celui de sa patrie dans l'étranger: mais à quelle puissance s'adresser ?

L'Autriche et tout le nord de l'Allemagne étaient désolés par une extrême disette de AN 13. vivres. Il avait même fallu contenir les peuples désespérés et révoltés par la crainte de la force armée. L'Autriche dans cette situation, saignant encore de ses blessures, pouvait-elle se jeter imprudemment dans les dangers d'une autre guerre qui pouvait lui enlever plus qu'elle n'avait perdu? La Russie qui avait offert sa médiation pour maintenir la paix sur le continent, se prêterait-elle à une autre coalition? Seule, elle ne pouvait rien contre la France, et rien conséquemment pour l'Angleterre. Pitt employa le grand mobile de ses premiers succès. Si les tems étaient changés, il eut lieu de se convaincre que les hommes ne l'étaient pas. Il fit voter des subsides pour un traité sur le continent. Les subsides passèrent aux cours de Pétersbourg, de Suède et d'Autriche, et ils furent écoutés.

L'ambassadeur de Russie fut chargé de se rendre en Prusse et d'apporter en France un plan de médiation; il avait même demandé des passeports qui lui furent envoyés. Les subsides vinrent à la traverse; l'ambassadeur russe retourna à sa cour et la négociation n'eut pas lieu. Cependant l'Autriche faisait filer ses troupes en Italie et dans le Tyrol, lorsque l'Empereur fit remettre à la diète de Ratisbonne, une note par laquelle elle regarderait comme

une déclaration de guerre toute augmentation 1805. de troupes dans les armées de l'Empereur, ou toute dislocation qui se ferait vers les frontières de l'Italie et de la Bavière.

Les choses en étaient là, lorsque l'an 14 s'ouvrit et fit connaître dans peu les succès des intrigues de l'Angleterre, et la foi que l'on peut donner à des traités faits avec des ennemis que la victoire a humiliés.

CHAPITRE VIII.

Coalition de l'Autriche et de la Russie avec l'Angleterre. Marche des armées. Prise d'Ulm. Les Autrichiens rechassés de la Bavière. Anéantissement de l'armée autrichienne.

1805. PAR les traités de Lunéville et d'Amiens,

AN 14.

la paix avait été rétablie sur le continent et sur les mers. La rupture du premier fut suivie de la guerre sur le continent. Il fut facile de prévoir qu'elle n'était pas éloignée, lorsque M. Pitt, dans la séance du 18 février 1805 après avoir présenté le budjet de l'année demanda et obtint, pour être employé sur le continent, cinq millions de livres sterlings, et que dans la séance du 12 juillet, jour de

la clôture du parlement, il demanda encore et obtint pour le même usage un supplément Ax 14. de trois millions et demi. Ses flottes et ses assassins n'avaient pu dissiper le danger qui la menaçait, elle sema l'or sur le continent et séduisit la Russie et l'Autriche. Le ministère avait compté plus particuliérement sur la première et l'avait hautement annoncé au parlement; plus inaccessible aux représailles par sa position, la Russie peut commencer des hostilités par caprice ou par intérêt, les suivre quelque tems et les quitter, sans avoir à crain dre d'être poursuivie dans ses déserts: mais l'Autriche, plus proche et presque sous la main de la France, à peine échappée aux calamités de deux guerres malheureuses, craignait ou devait craindre, qu'en s'engageant dans une troisième coalition elle ne perdît pour toujours ce que lui avaient laissé les deux premières. Cependant le gouvernement britannique avait dit, et il en était intimement persuadé, que sans l'adhésion de l'Autriche les secours éventuels de la Russie ne pouvaient répondre au but proposé. Il fallut donc éblouir, gagner, entraîner l'Autriche, et l'on y réussit. Mais il fallait dérober à la France et la pente secrette qui la portait vers ses ennemis et les préparatifs nécessaires, tant pour se couvrir, que pour attaquer ouvertement et avec succès.

Pour parvenir à ce double but, l'Autriche,

employant tour-à-tour les menaces et les sé1805. ductions, se fit céder par de petits princes des possessions à sa convenance; Lindau sur le lac de Constance et l'ile de Ménau dans le lac même, ce qui mettait entre ses mains une des clefs de la Suisse : elle s'était fait céder, par l'ordre Teutonique, Altkousen, ce qui la rendait maitresse du poste important de la Rhinau. Par un systême combiné de séquestres, de prétentions, de caresses et de menaces, chacun de ses actes était une infraction du recès de l'empire, conséquence et complément du traité de Lunéville. Ce recès avait pour objet la répartition des indemnités dues aux princes qui avaient été possessionnaires sur la rive gauche du Rhin. Il avait encore pour objet d'ôter par cette répartition tout point de contact immédiat entre les territoires de la France et de l'Autriche, pour en écarter les mésintelligences et les causes éventuelles de guerre. Sous le prétexte d'un droit d'épave, auquel elle avait renoncé, elle s'appropriait des possessions destinées aux indemnités. Elle ôtait par-là des capitaux considérables à l'Helvétie; en Bohême, elle séquestrait les fiefs appartenant à un prince voisin; en Franconie et en Souabe, et dans les provinces Bavaroises, elle s'arrogeait avec menaces le droit d'y conserver des recruteurs, et nuisait, de tout son pouvoir, à la conscription de l'armée électorale,

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