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autres disant que l'armée donnerait le lende1805, main son bouquet à l'empereur.

Cette bataille, que les soldats appèlerent la journée des trois empereurs, que d'autres appellent la journée de l'anniversaire, et que l'empereur nomma la bataille d'Austerlitz, sera à jamais mémorable dans l'histoire de France. Jamais champ de bataille ne fut plus horrible. Des lacs glacés où s'étaient réfugiées des colonnes russes, furent ouverts à coups de canon. Tous enfoncèrent en jetant des cris épouvantables. La moitié de l'armée fut détruite, le reste fut en pleine déroute.

L'empereur d'Allemagne vint trouver celui de France dans son bivouac ; ces deux princes se virent avec intérêt; le vainqueur oublia sa victoire, pour s'entretenir des causes qui avaient failli amener la ruine entière du vaincu. Il l'exhorta à écarter de sa personne celles qui l'avaient si mal conseillé, et à s'environner de quelques autres qu'il lui nomma d'après la voix publique. L'empereur d'Allemagne demanda pour ses troupes un armistice qui lui fut accordé. Il en demanda un autre pour les troupes russes; des quatre-vingt mille hommes qui formaient cette armée, quarante mille n'existaient plus; le reste, sans artillerie ni bagage et cerné par l'armée française, ne pouvait échapper qu'à la faveur d'un armistice. L'empereur eut la générosité de l'accorder. Il dit:

Qu'il sentait que peut-être il faisait une faute contre ses intérêts, mais qu'il en coûterait quel- An 14. ques larmes de moins. » L'armistice fut donc accordé, sous la condition que les Russes évacueraient par journée d'étape l'Allemagne et les deux Gallicies, et retourneraient chez eux. L'armistice de l'Empereur d'Allemagne fut signé à Austerlitz. M. de Taleyrand eut ordre de se rendre à Nicolsburg pour les négociations de la paix.

L'empereur décréta le 7 frimaire à Brünn, qu'il serait levé une contribution de cent millions sur les provinces conquises, en faveur de l'armée ; que les prix de tous les magasins de sel, de tabacs, de fusils, de la poudre et des munitions de guerre, qui ne seraient pas nécessaires à l'armement de l'armée, et qui ne seront point transportés en France, lui seraient également distribués; que les veuves des généraux tués à la bataille d'Austerlitz jouiraient d'une pension de six mille francs, celles des autres officiers en proportion, et les veuves des soldats d'une pension de deux cents francs. Que tous les enfans des généraux, officiers et soldats français, morts à la bataille d'Austerlitz, seraient tous entretenus et élevés aux frais de l'empereur; les garçons à Rambouillet, les filles à Saint-Germain ; que les garçons seraient ensuite placés et les filles mariées par S. M. I. qui les adopta tous, et leur permit

d'ajouter à leurs noms de baptême celui de 1805. Napoléon. Comme il n'y avait pas eu dévouement pareil à celui de son armée, il n'y avait pas encore eu de modèle d'une telle récompense. Tout dans cette campagne fut marqué au coin de la grandeur.

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Le prince de Repnin, colonel des chevaliers-gardes de l'empereur de Russie, avait été pris à la bataille d'Austerlitz; la liberté lui fut rendue, ainsi qu'aux prisonniers de la garde impériale russe. Le 17 frimaire l'armée russe se mit en marche sur trois colonnes, pour retourner dans les Etats de l'empire. Indépendamment de l'artillerie de bataille, cette armée laissait au pouvoir des Français un parc entier de cent pièces de canon avec les caissons. Il est sans exemple que, dans une bataille, l'on ait pris 150 pièces de canon, toutes ayant fait feu et servi dans l'action.

Pendant que les négociations se continuaient à Presbourg, voici quelle était la position de l'armée le maréchal Bernadotte occupait la Bohême; le maréchal Mortier, la Moravie ; le maréchal Davoust, Presbourg, capitale de la Hongrie; le maréchal Soult occupait Vienne; le maréchal Ney, la Carinthie; le général Marmont, la Styrie; le maréchal Massena, la Carniole; le maréchal Augereau restait en réserve en Souabe. Le maré

chal Massena, avec l'armée d'Italie, était devenu le huitième corps de la grande armée. AN 14. Le prince Eugène avait le commandement en chef de toutes les troupes qui étaient dans le pays de Venise et dans le royaume d'Italie. Le maréchal St.-Cyr marchait à grandes journées sur Naples, pour punir la trahison de la reine. On voulut intercéder pour elle auprès de l'empereur, il répondit : « Les hostilités dussent-elles recominencer, et la nation soutenir une guerre de trente ans, une si atroce perfidie ne peut être pardonnée. La reine de Naples a cessé de régner; ce dernier crime a rempli sa destinée. » L'empereur d'Allemagne se tenait à Holitsch, et celui de France à Vienne. Plus de deux mille pièces de canon furent évacuées de l'arsenal de cette ville pour la France. Les canons et les drapeaux pris à la Bavière, en 1740, lui furent rendus. Les dispositions du prince Louis pour la dé-fense de la Hollande furent approuvées, ainsi que la bonne position qu'il prit à Nimegue, et les mesures proposées pour garantir la frontière du Nord.

La paix fut signée à Presbourg, le 5 nivose (26 décembre.) Voici les principales dispositions du traité : l'empereur d'Allemagne renonce aux Etats vénitiens qui lui furent cédés par le traité de Lunéville, lesquels seront réunis à perpétuité au royaume d'Italie; il

reconnaît l'empereur des Français, comme 1805. roi d'Italie; mais les couronnes de France et d'Italie seront séparées à perpétuité, lorsque les puissances nommées dans sa déclaration, lorsqu'il prit la couronne d'Italie, auront rempli les conditions qui y sont stipulées ; l'empereur d'Allemagne reconnaît le successeur que S. M. l'empereur des Français se sera donné comme roi d'Italie.

Les électeurs de Bavière et de Wurtemberg conserveront, avec le titre de rois qu'ils ont pris, celui d'électeur. Le margraviat de Burgaw, Eichstadt, Passaw, le Tyrol, Brixen et Trente, le Voralberg, Hohenems, Konigsegg-Rothenfels, Ternaug, Argen et Lindau sont cédés à la Bavière.

Cession, en faveur du roi de Wurtemberg, des cinq villes dites du Danube, savoir: Ehingen, Munderkingen, Reidlingen Mengen et Sulgaw; du Hohenberg, de Nellenbourg, de la préfecture d'Altorff (Constance exceptée), et d'une partie du Brisgaw.

L'empereur d'Allemagne cède à l'électeur de Bavière l'autre partie du Brisgaw, l'Ortenaw Constance et Meinau; Saltzbourg reste à l'Autriche; l'archiduc, qui en était souverain, sera dédommagé.

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La ville de Venise, les lagunes et les possessions de Terre-Ferme, seront remises à la France, dans le délai de quinze jours; ainsi

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