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nous a fourni le paffage d'Arnobe que nous avons cité plus haut: il nous a appris, d'après Cicéron, que les Perfes confervoient les corps en les enveloppant d'une croute de cire. Il nous a dit que les Ethyopiens fe fervoient de plâtre, enfin qu'on avoit eu recours à divers moyens pour parvenir à ce but *. A Rome on livroit les corps à des gens qui faifoient métier de les laver & de les parfumer. On les leur donnoit à l'inftant même de la mort, emiffo fpiritu, dès qu'on avoit rendu l'ame; paffez-moi l'expreffion **.

Juvenal parle, par hyperbole, d'un certain Crifpin dégouttant de plus de parfums qu'il n'en auroit fallu pour embaumer deux morts.

* Premier Volume, pag. 439. & 440. Leconde Edition.

**Emiffo fpiritu corpus vefpillones lavatritii illud abluebant & ungebant. Dulphus Cap. VII.

Et matutino fudans crispinus amome

Quantùm vix redolent duo funera.

SATYR. IV.

Perfe fait le portrait d'un gour→ mand que le mauvais régime a conduit au tombeau. En décrivant l'appareil des funérailles, ce Poëte dit qu'on expofa le corps bien embaumé fur un lit de parade, & qu'on le mit enfuite à la porte étendu tout de fon long dans un cercueil.

Compofitus lecto, crassisque lutatus amomis In portam rigidos calces extendit.

Il s'eft trouvé des perfonnes qui ont foigneufement recommandé qu'on ne les embaumât point, & qu'on les enterrât dans la plus grande fimplicité *. Il est d'ailleurs certain qu'on n'embaumoit que ceux dont la famille ou la fucceffion pouvoit fournir à

*Emilius Lepidus princeps Senatus decedens pracepit filiis ut fine linieis, fine purpurâ tibicine funus fibi facerent. Sextus Pompeius.

cette dépense; & toujours dans la vûe de les conferver jufqu'à ce que tout fût prêt pour les funérailles. Un fçavant Jurifconfulte qui a écrit au commencement du dernier fiécle fur les coutumes des anciens au fujet des fépultures, dit qu'il ne comprend pas comment ils pouvoient préferver les corps de corruption pendant huic jours; car les anciens, ajoute-t'il, ne diffé quoient pas les corps morts, puifque des perfonnes ont donné des fignes de vie fur le bucher, lorsqu'on alloit les brûler *. Ce que j'ai dit fur la quantité de parfums & de matiéres balfamiques que les anciens employoient, répond à la difficulté

* Quâ verò arte & quibus medicamentis potuerint pollinatores fine fectione corporis, integrum illud & incorruptum ad dies octo in funefta domo affervare, mihi non fatis compertum. Nec enim folebant veteres corpora mortuorum diffecare; cùm aliqui elati, jamque rogo impojiti, revixisse dicantur. Gutherus, Lib. I. Cap. XV.

de Gutherus. Quant aux faits dont il parle, je ne doute point qu'ils ne foient dans l'éxacte vérité. Il en réfulte que la coutume d'embaumer fouffroit quelques exceptions. Elle pouvoit n'avoir pas lieu à l'égard des pauvres. Ceux qui par indigence, ou par quelqu'autre raifon, n'y ont point été foumis, ont été moins expofés aux rifques qui ont excité le zèle de M. Bruhier. Il a preffenti la force de l'objection qu'on pouvoit lui faire,d'après des faits de cette nature, contre ce qu'il a allégué des coutumes des Romains. Voici, Monfieur, comment il réfout la difficulté. » On ne dépofoit, dit-il, les corps dans les tombeaux

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qu'après avoir été bien certain par » leur mauvaise odeur, de leur corruption & de leur mort. Il est vrai, » ajoute immédiatement M. Bruhier, » que les éxemples des Romains, » brûlés vivans malgré toutes les

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précautions que prenoient ces peuples, eft une objection à laquelle » je ne fçai pas de réponse *». Un tel aveu, Monfieur, vous paroît-il éxiger de ma part aucune réflexion ? J'ai prouvé jufqu'ici que les coutumes des différens peuples ou ne difoient rien en faveur du fyftême de M. Bruhier, ou démontroient le contraire de ce qu'il avoit eu deffein d'établir. Je finirai cette Lettre par l'éxamen des conféquences que cet Auteur a tirées des lamentations & des conclamations..

Les pleurs ne font pas feulement 'des fignes de douleur & de tristesse; on pleure de joye; on verse des larmes de tendreffe, Dans nos Piéces de Théâtre la reconnoiffance d'un pere & de fes enfans, l'entrevûe d'une épouse & d'un mari, &c. touche émeut, attendrit, & fait couler des * Premier Vol. feconde Edit. pag. 47.5.

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