Infirmiers avoient à ôter la chemise des cadavres qu'ils vouloient coudre dans le drap mortuaire. Cet obftacle venoit de la roideur des membres je penfois qu'elle étoit occafionnée par la diminution de la chaleur & par la coagulation des fucs. Je ne voyois alors que les fujets qu'on avoit déposés dans un lieu commun, & qu'on ne venoit enfevelir que quelques heures avant celle de l'inhumation. Ce n'eft que depuis la lecture du Livre de M. Bruhier que j'ai voulu affifter au lit de la mort & être préfent au moment fatal où le corps ceffe d'être animé. J'ai été dans le cas d'obferver à l'Hôpital de la Salpétriere, que la roideur des membres, dont il s'agit, n'eft point l'effet de la diminution de la chaleur: car les Sours & Filles de fervices ont un cérémonial particulier qu'on ne fuit point dans les Hopitaux

des

des Troupes du Roi. Elles font dans l'ufage de revétir les morts d'une chemife blanche avant que de les envelir, & elles leur entrelaffent les doigts fur la poitrine comme s'ils prioient à mains jointes. Pour faire aifément toutes ces chofes, on ne perd point de tems; & dès qu'on juge qu'une perfonne eft morte, on travaille à ces arrangemens. L'expérience a appris aux perfonnes qui en font chargées, que le moindre délai leur donneroit beaucoup de peines, parce que les cadavres deviendroient roides, quoiqu'ils confervent fouvent une chaleur plus qu'ordinaire pendant plufieurs heures *.

Joh. Chrift. Formannus affurant qu'un enfant étoit réellement mort, quoiqu'on l'eut vu fuer trois jours après avoir été réputé tel rapporte en preuve la roideur des membres & la difficulté que l'on eut de mettre une chemife à cet enfant... Mortuus erat infans, adeoque omnis in eo calor vitalis abfuit: id quod etiam partium rigor, & ob bunc induendi indufiume difficultas prodidit. Inter notas autem finite BA

Il est démontré par beaucoup de

faits

que l'attention qu'on a donnée à la fléxibilité des membres, a fauvé la vie à plufieurs perfonnes. M. Winflow dans fa Thèfe fur l'incertitude des Epreuves Chirurgiques, rapporte une obfervation qu'il a tirée des Ephémerides d'Allemagne ; adoptée par un homme auffi judicieux, elle donnera un grand poids à ce que je propose pour établir la certitude des fignes de la mort.

» Un Médecin s'étant apperçu » qu'un homme qu'on croyoit mort » avoit encore les membres fléxibles; » quoiqu'on ne fentit point de pouls, » que l'immobilité du coton approché » de la bouche déposât contre l'exif»tence de la refpiration, & que les

vita etiam membrorum rigiditatem referri teftatur Paulus Zacchias, quæft. Med. Legal. Lib. IV.

Vide Bibl. Med. prað. Manget. artic. de Sudore.

» lavemens les plus acres fuffent fans » effer, fit frotter fortement pendant

"

» trois quarts d'heure la plante des

pieds de cet homme avec une toile » de crin, pénétrée d'une faumure très-forte, & par ce moyen le rappella à la vie *. »

On lit dans Pechlin, Cap. VI. de aëris & alimenti defectu, qu'une petite fille de huit ans qui s'étoit fauvée de chez fes parens, fut trouvée dans un bois au bout de fept jours fans mouvement ni sentiment, & fans la moindre apparence de refpiration. On l'auroit traitée en morte, fi la fléxibilité des membres n'eut engagé à lui donner des fecours qui la rappellerent d'une mort apparente à la vie **.

Il feroit fuperflu de donner ici tou

* Eph. Acad. Natur. Curios. Dec. I. anno 8. pag. 159.

** Artus omnes adhuc molles flexilesque. V. Bibl. Med. pract. Manget. Tom. I. de Caro, pag. 446.

tes les obfervations capables de con firmer ce que j'ai avancé. Je ne rapporterai plus à ce sujet que le fait fuivant. Je le tire du Journal des Sçavans, Janvier 1749. où M.. Bruhier l'a inféré. *

M. Rigaudeaux. Chirurgien AideMajor des Hôpitaux du Roi, & Chirurgien juré Accoucheur à Douay, fut appellé le 8. Septembre. 1745pour accoucher la femme de François Dumont, du Village de Lowarde à une lieuë de Douay.. On étoit venu le chercher à cinq heures du matin 5 mais il n'avoit pu y arriver qu'à huit & demie. On lui dit en entrant dans. la maifon que la Malade, étoit morte. depuis deux heures, & que malheureufement on n'avoit pu trouver de Chirurgien pour lui faire l'Opération Céfarienne. Il s'informa des accidens.

*On le lit auffi à la page 137..de la feconde édition du premier Volume de M. Btuhier