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qui avoient pu caufer une mort fi prompte, & on lui répondit que la morte avoit commencé à fentir des douleurs pour accoucher la veille, vers les quatre heures du foir; que la nuit elles avoient été fi violentes, qu'elle en avoit tombée plus de dix fois en foibleffe ou en convulfions; & que le matin, étant fans force & fans autre fecours que celui de la Sage-femme, qui ne fçavoit pas grand chofe, il étoit furvenu vers les fix heures une nouvelle convulfion avec écume à la bouche qui avoit été suivie de la mort.

M. Rigaudeaux demanda à voir la morte, elle étoit déja enfevelie. Il fit êter le fuaire pour examiner le vifage & le ventre. Il tata le poulx au bras, fur le cœur, & au-deffus des clavicules, fans appercevoir aucun mouvement dans les artères. Il préfenta le. miroir à la bouché, & la glace ne

fut point ternie : il y avoit beaucoup d'écume à la bouche, & le ventre étoit prodigieufement gonflé.

Il ne fçait par quel preffentiment il s'avifa de porter la main dans la matrice dont il trouva l'orifice fort dilaté, & où il fentit les eaux formées. Il déchira les membranes & fentit la tête de l'enfant qui étoit bien tourné. L'ayant repouffée pour avoir la liberté d'introduire fa main toute entiére, il mit le doigt dans la bouche de l'enfant qui ne donna aucun figne de vie. Ayant remarqué que l'orifice de la matrice étoit fuffifamment ouvert, il retourna l'enfant, le tira par les pieds avec affez de facilité, & le mit entre les mains des femmes qui étoient présentes ; quoiqu'il lui parut mort, il ne laiffa pas de les exhorter à lui donner des foins, foit en le rechauffant, foit en lui jettant du vin chaud fur

le vifage, & même fur tout le corps. Elles s'y prêterent d'autant plus vo→ lontiers,que l'enfant leur parut beau. Mais fatiguées d'un travail de trois heures, entiérement inutile en apparence, elles fe mirent en devoir de l'enfevelir. Comme elles y procédoient, l'une d'elles s'écria qu'elle lui avoit vu ouvrir la bouche: il n'en fallut pas davantage pour ranimer leur zéle. Le vin, le vinaigre, l'eau de la Reine de Hongrie, furent employés, & l'enfant donna fenfiblement des fignes de vie. On fut fur le champ en avertir M. Rigaudeaux qui étoit allé dîner chez le Curé du Village. Il vint tout de fuite, & connut par lui-même la vérité du rapport. En moins d'un quart d'heure après fon arrivée, l'enfant pleura avec autant de force que s'il étoit né heureusement.

M. Rigaudeaux voulut voir la

mere une feconde fois; on l'avoit encore enfevelie, & même bouchée. Il fit enlever tout l'appareil funebre, examina la femme avec toute fon attention, & la jugea morte comme après le premier examen. Il fut cependant furpris que quoiqu'elle fut morte depuis près de fept heures, les bras & les jambes fuffent reftés flexibles : il avoit de l'efprit volatil de fel armoniac, il en fit ufage, mais inutilement. En conféquence il repartit pour Douay, après avoir recommandé aux femmes préfentes de ne point enfevelir la morte, que les bras & les jambes n'euffent perdu leur flexibi lité; de lui frapper de tems en tems dans les mains, de lui frotter le nez, les yeux & le vifage avec du vinaigre, & de l'eau de la Reine de Hongrie, & de la laiffer dans fon lit. Il partit de Lowarde à une heure après midi.

A

la

145 A cinq heures du foir, le beaufrere de la femme vint lui dire que morte étoit reffufcitée à trois heures & demie. Nous laiffons à penfer au Lecteur, dit M. Bruhier, s'il fut étonné, & fi ce fut avec raison. L'enfant & la mere reprirent fi bien des forces, qu'ils font tous deux pleins de vie (le 10 Août 1748.) & l'on diroit même que tous deux fe portent fort bien, fi la mere n'étoit restée paralitique, fourde & prefque muette: au refte c'est en être quitte à fort bon marché.

Après ce récit, M. Bruhier ajoute la réflexion qui fuit, en parlant de lui, à la troifiéme perfonne... » Cette » obfervation fuffiroit feule pour » confirmer la doctrine que M. Bru» hier a établie dans fa Differtation

fur l'incertitude des fignes de la » mort. On doit en conclure qu'une fufpenfion totale du mouvemeng N

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