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die, aucune révolution dans le corps humain vivant qui soit capable d'opérer un pareil changement. Ce figne eft vraiment caractéristique, & j'ofe le donner pour indubitable. Tant que le globe de l'œil conferve fa fermeté naturelle, on ne peut pas prononcer que la perfonne eft morte, quelles que foient les autres marques qui induisent à le penser; l'affaissement & la molleffe des yeux difpenfera d'attendre la putréfaction. C'eft une obfervation que j'ai faite pendant plufieurs années fur un très-grand nombre de fujets, d'âge & de fexe différens, morts de maladies différentes, & dans toutes les faifons de l'année. L'abfence de ce figne a empêché qu'on n'enfevelit, il y a quelques mois ( en Avril 1751.) le Cocher de S. Exc. M. Durini, Nonce du Pape, plufieurs heures avant fa mort.

Cet homme étoit âgé d'environ quarante-cinq ans : il étoit d'un tempérament fort & vigoureux. Depuis quelques jours il fe plaignoit d'une douleur à la région de l'eftomac qu'il attribuoit à une chute qu'il avoit faite fur cette partie. Un matin, après avoir rempli les exercices de fon état, étant à l'Eglife, vers les onze heures, il fe trouva mal. On fut obligé de le foutenir en le ramenant chez lui. On effaya de le faire revenir de fa défaillance en lui frottant les tempes les narines & la bouche avec du vi naigre, de l'eau de la Reine de Hongrie, &c. l'on fit inutilement tout ce qu'on a coutume de faire dans des cas femblables. Un Chirurgien qui fur appellé jugea à propos de lui tirer du fang. La foibleffe continuant, on lyi fit donner de l'émétique : le reméde opéra fort bien par haut & par bas; mais le Malade fuccomba dans cette

opération, & il parut mort aux affiftans. On pria M. Mofcati* de voir cet homme fur les fix heures du foir:

il

y avoit cinq heures qu'il étoit reputé mort; on fe disposoit déja à l'enfevelir. Le corps étoit froid, on ne fentoit aucun mouvement aux artéres ni à la région du cœur ; les irritations faites, avec le bout d'une plume dans les narines, dans la gorge & fur le globe de l'œil, ne produifirent aucun figne de sensibilité. M. Moscati fe détermina enfin à cautérifer profondément l'extrémité du petit doigt: cette derniére épreuve fut auffi fans fuccès. Cependant l'inspection du vifa. ge qui avoit confervé une couleur & une certaine fraicheur qui n'eft pas naturelle aux morts; les yeux brillans & pleins, & la flexibilité des mem

* Docteur en Chirurgie, Chirurgien-Major de l'Hôpital, & Profeffeur en Anatomie & en Chirurgie à Milan, Affocié de l'Académie Royale de Chirurgie de Paris.

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bres porterent M. Mofcati à empêcher qu'on enfevelit cet homme,

& il recommanda qu'on le tint bien couvert, & chaudement dans fon lit. Je l'allai voir le lendemain matin avec M. Mofcati, nous le trouvâmes roide; le vifage étoit flétri & décoloré; les yeux avoient perdu leur brillant & ils étoient devenus flafques. Nous ne craignîmes point d'affurer alors qu'il n'y avoit aucun doute fur la réalité de la mort. Il faut obferver que la veille, l'émétique avoit encore opéré plufieurs heures après les

apparences qui avoient fait illufion aux Affiftans. Tels font, Monfieur, les fignes fur lesquels je pense qu'on peut compter : ils font puifés dans la nature même. Ce font des connoiffances d'ufage qui me paroiffent avoir toute la certitude poffible.

Je fuis très-parfaitement, &c,

CINQUIÈME LETTRE.

L

'IMPOSSIBILITÉ de connoître tous les phénoménes de la nature, & la vanité de l'efprit humain qui voudroit franchir les bornes que la nature lui a marquées, ont introduit, Monfieur, dans la Médécine, comme dans toutes les Sciences qui ont un rapport immédiat à la Phyfique, beaucoup d'hypothèses fujettes à être éternellement contestées. Notre esprit n'eft pas auffi vafte que la nature; il ne peut la fuivre dans fon cours immense; mais elle ne fe cache pas partout. » Les principes qu'elle veut bien nous dévoi» ler, doivent être comme autant de » pas qui nous rapprochent des objets que nos foibles yeux nous

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