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çoit à travers la peau, qui prend enfin elle-même cette derniére couleur. Ces obfervations font faites d'après la nature même; & fi l'on croyoit devoir attendre la putréfaction des fujets, il faudroit bien diftinguer ces fignes: car la vie d'un homme étant d'un prix ineftimable, on ne doit rien négliger de ce qui peut prévenir le danger de donner la fépulture à un homme vivant. Quand dans la révolution de plufieurs fiécles, il n'y auroit qu'une perfonne, qui par le défaut de ces connoiffances, put devenir la victime du fentiment que nous réfutons, cela fuffroit pour juftifier les diftinctions caractéristiques que nous avons indiquées.

Paffons, Monfieur, à l'exameır des inconvéniens inféparablement attachés à la confervation des morts Je me trouve embarraffé du choix des

preuves qui en montrent le danger. Les coutumes des anciens, les loix de police qu'ils ont faites, le fentiment des perfonnes les plus éclairées, fe réuniffent

pour combattre le projet de conferver les morts juf qu'à la putréfaction.

Tous les corps, de quelque nature qu'ils foient', exhalent quelque chofe de très-fubtil, une matiére dont les particules font extrêmement fines & déliées. Cette matiére s'infinue aifément, & eft reçue avec facilité dans les corps qui l'avoifinent. Les matiéres qui tranfpirent de certains corps, font de néceffité un changement dans les parties des corps qui en reçoivent les impreffions. Lorfque ces matiéres font corrompues, elles communiquent l'infection dont elles font atteintes aux corps qui les reçoivent. Telle eft, Monfieur, l'origine & la cause de la propagation

pour

de la pefte & de toutes les maladies contagieufes. La Provence en a fait de nos jours une trifte expérience. Un paquet de marchandises venant d'un lieu infecté a mis cette Province à deux doigts de fa perte : un dégré de corruption de plus, auroit peutêtre fuffi détruire toute la nature humaine. Confultez l'Hiftoire, voyez quelle a été la fource de ces catastrophes particuliéres qui ont détruit des Villes & des Royaumes entiers; lifez les descriptions de ces peftes universelles qui ont tour à tour défolé l'Univers ; cherchez quelle eft la premiere caufe des effets prodigieux de ces terribles maladies; vous reconnoîtrez que les ravages affreux qu'elles ont caufés font toujours venus de quelque exhalaifon corrompue : tous les peuples de la terre ont été attentifs à fe garantir du danger des exhalaifons putrides;

putrides; c'étoit pour en prévenir les fâcheux inconvéniens que Moyfe ordonna aux Ifraëlites de fortir du camp pour les besoins de la nature, & de couvrir leurs déjections *. Il est certain que les écoulemens qui s'élévent des excrémens fe mêlant à l'air que l'on refpire, peuvent par-là dèvenir très-nuifibles. Les Turcs, au rapport de Portius ** , pour conferver la propreté dans leurs camps,ont soin d'enterrer les excrémens dans des fofles fouterraines. Selon cet Auteur, la corruption de l'air, par les exhalaifons qui fortent des cadavres des hommes & des animaux, est une des principales caufes des maladies qui détruifent les armées. La coutume d'embaumer les morts n'a été

* Deuteronom. Cap. 23. V. 12. & 13. habebis locum extrà caftra ad quem egredie ris ad requifita natura, gerens paxillum in balteo. Cumque federis, fodies per circuitum, egefta humo operies.

**De militum in caftris fanitate tuendâ.

P

établie que pour le préferver de l'infection qu'ils auroient infailliblement caufée fans cette précaution, Elle étoit indifpenfable en Egypte, puifqu'on y confervoit refpectueufement les corps ; & les Romains qui ne gardoient les morts que pendant quelques jours,en attendant que tout fût prêt pour la folemnité des funérailles, avoient grand foin de les laver & de les frotter de baumes plus ou moins précieux, afin de n'être pas incommodés des vapeurs fætides que la corruption de ces corps auroit produites.

Le confeil de conferver les morts jufqu'à la putréfaction, eft le confeil le plus funefte à l'humanité qu'on ait pu concevoir. Il n'y a rien qui foit plus oppofé aux notions les plus généralement reçues. Lilius Gyraldus, dans fes Recherches fur les

*

Cap. I. de origine & caufis fepultura.

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