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artére de cet animal. II adapta à cette ouverture un tuyau d'argent qui fe joignoit avec un autre tuyau de même espéce, par une bonne vis à écroue. Ces deux tuyaux joints enfemble faifoient environ quinze pouces de hauteur. On a plongé le chien ainfi accommodé à fond d'une cuve pleine d'eau, enforte que le tuyau furmontoit l'eau de quelques pouces. Le chien a refté plus d'un quart d'heure dans cet état refpirant toujours par le tuyau qui étoit adapté à fa trachée artére: après quoi il a été délié & mis en liberté. Le chien parut alors un peu étourdi par l'humidité & la froideur qu'il avoit contractées; mais peu de tems après il a fecoué les oreilles, & s'eft fauvé en courant dès qu'il a fenti qu'il étoit libre.

*La trachée artére eft un tuyau cartilagineux fitué au milieu de la partie antérieure du col qui donne paffage à l'air qui entre & qui fort de la poitrine dans la refpiration.

Cette expérience a été répétée plufeurs fois, elle a toujours réuffi de même, l'on en a conclu 1°. qu'elle prouve démonstrativement que l'animal n'a pû être noyé, c'est-à-dire, qu'il n'a pu mourir dans l'eau, tant que fa refpiration a été libre, 2°. que les Noyés mouroient fuffoqués comme ceux à qui on auroit bouché les conduits de la refpiration. Mais ces conféquences ne peuvent fe déduire de l'expérience qu'on a faite. Peuton établir la caufe de la mort des Noyés d'après des expériences faites fur des animaux qu'on n'a point noyés? Dès que l'air a pû entrer & fortir librement du poumon dans les animaux préparés à la méthode de M. Gauteron; la respiration a dû fe faire comme fi ils euffent eu la tête hors de l'eau : l'expérience est donc fans application à l'égard des Noyés; & le raifonnement eft en con tradiction avec les faits.

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Les Anciens croyoient que l'eau entroit en quantité dans l'eftomach de ceux qui fe noyoient. Les obfervations de Becker ont fait voir le contraire, mais cet Auteur affure des chofes qu'il n'a fûrement point apperçues. Il cite d'abord l'histoire d'un chien fubmergé depuis une heure, dont le bas-ventre parut gonflé, ainfi que l'eftomach & les inteftins, fans cependant qu'il s'y trouva une goutte d'eau, ce qui lui parut fort extraordinaire. Les poumons, dit-il, étoient gonflés de même fans contenir d'eau; ils s'affaifferent promptement lorfqu'on eut fait à la trachée artère une incifion qui laiffa à l'air la liberté de fortir.

On lit enfuite l'hiftoire d'un Paylan tiré de l'eau tout pourri au bout de quelques femaines. On fir

*V. Becker de fubmerforum morte fine potâ aquê.

Fouverture de l'inteftin duodenum qui étoit très-gonflé; il n'en fortit qu'une liqueur chyleuse mêlée avec de la bierre dont ce malheureux avoit bû avec excès. Le gonflement de l'eftomach faifoit foupçonner qu'il contenoit beaucoup d'eau, on n'y trouva pourtant qu'une chopine de liqueur qui ne fentoit que la bierre. Les poumons étoient fi gonflés, qu'ils fortirent de la poitrine lorsqu'on eut ouvert cette cavité; mais leur gonflement, dit l'Auteur, fe diffipa promptement quand on eut fait une incifion à la trachée artére, dont il ne fortit que de l'air qui s'échappa avec bruit. Ils ne donnerent en les coupant par morceaux aucun figne d'humidité extraordinaire.

Il fuffit de rapporter ces deux faits pour démontrer en quoi les obfervations de Becker font défectueuses. Les poumons des Noyés font excef

fivement gonflés: c'eft un fait inconteftable. Ce gonflement ne vient point de l'engorgement du fang dans les vaiffeaux pulmonaires; c'eft encore un fait conftant & généralement reçu: il ne refte donc que l'extrême dilatation des bronches qui puiffe être la caufe du gonflement des poumons. Comment l'air pour

roit-il entrer dans les bronches d'un homme qui eft fubmergé, & les dilater au point où Becker dit l'avoir vû? L'examen du corps d'un Noyé prouve qu'il meurt dans une inspiration violente; l'élévation des côtes, le gonflement des hypocondres, la dilatation des poumons ne peuvent être l'effet d'une infpiration forcée.. Un homme caché fous la furface des eaux peut-il infpirer de l'air? Nous avions conçû jufqu'à préfent, après M. Senac que la trachée artére ne

que

* Hiftoire de l'Académie Royale des Sciences, année 1725. pag. 12.

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