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bateur à des difcuffions qui pourroient commettre fa fupériorité vis-à-vis des Auteurs. On voit par là que le nom→ bre des approbations & le mérite des Approbateurs ne font que des fignes affez équivoques de la bonté d'un Livre. Je fuppoferai, si on le veut, que tous ces fuffrages ont décidé que les marques de la mort ne font pas fuffifamment certaines ; pourroit-on en conféquence me favoir mauvais gré d'avoir effayé de porter mes recherches plus loin? Les Académies ne prescrivent pas une foumiffion aveugle à ce qu'elles ont jugé; elles n'ôtent point la liberté d'un nouvel éxamen: elles infpirent au contraire cette raifonnable émulation. Ne voit-on pas fouvent les differtations contradictoires des Membres illuftres de ces fçavantes Sociétés être également accueillies dans les Recueils qu'elles donnent au Public. Je pourrois donc

afpirer aux mêmes fuffrages. Mon Ouvrage en feroit digne, fi mes talens répondoient à mon zèle, & au defir que j'ai de devenir utile à mes Concitoyens. J'ai l'honneur d'être, &c.

SECONDE LETTRE.

ON fe fait ordinairement illufion,

MONSIEUR, lorsqu'on cherche

à prouver quelque chofe qu'on croit vrai, ou du moins qu'on a envie de croire & de trouver tel. Les préjugés affoibliffent fouvent l'impreffion de la vérité la plus évidente; mais il est difficile qu'ils fubfiftent long-tems dans les chofes de fait les préventions n'y tiennent point contre l'expérience; elle diffipe bien-tôt tout ce qui pourroit obfcurcir la raison.

La queftion que nous avons à réfoudre fur les fignes de la Mort, eft de nature à ne l'être que par les faits. On en a recueilli fans nombre pour prouver l'incertitude de ces fignes. Si l'on eft dans l'erreur, comme je le penfe, en foutenant cette opinion, il

faut nécessairement ou que les faits rapportés foient faux, ou qu'on en ait fait une mauvaise application. Ceux qui ont contredit M. Bruhier ont choisi la premiere partie de cette alternative. Elle eft fans doute la moins raisonnable; mais c'étoit ce qui éxigeoit le moins de travail : il n'eft donc pas étonnant que ce parti ait été préféré à l'autre qui auroit prescrit beaucoup de recherches, & qui ne peut être foutenu que par la voye laborieufe de l'éxamen & de la difcuffion.

Une des principales objections qu'on ait faite à M. Bruhier, eft de ne recevoir la plupart des faits qu'il a allégués, que comme des hiftoires hazardées ou ingénieusement controuvées pour amufer les femmes & les enfans. Les événemens dont parlent Plutarque, Apulée, Platon, font à la vérité fort fufpects: ceux qu'on cite

d'après Pline ne doivent pas être beaucoup mieux reçûs. L'Abbé Desfontaines a taxé fpécifiquement de faux quelques faits, & M. Bruhier convient lui-même qu'on peut reprocher à plufieurs le défaut d'autenticité. Il est vrai que de la fauffeté de quelques-uns, on concluroit affez mal à propos que tout ce qu'on a avancé fur ce fujer eft fabuleux. M. Bruhier obferve fort judicieusement qu'un fait bien conftaté, fut-il le feul de fa nature, fuffit aux perfonnes prudentes pour faire une impreffion qui les tient continuellement fur leurs gardes: or on ne peut raifonnablement refufer de croire quelques-unes des hiftoires que cet Auteur a rapportées; mais il prétend qu'elles méritent toutes d'être crues. Le fecond volume de fon Ouvrage a été principalement composé dans la vie de prouver qu'on doit ajouter foi aux hiftoires

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