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Le jugement des affiftans a fa fource dans l'ignorance de ceux qui l'ont porté : celui du Médecin au contraire eft dicté par la fageffe & le difcernement. M. Bruhier fe décide néanmoins pour le fentiment des affiftans, puifque c'eft d'après eux qu'il argumente il donne plus de poids à leur fentiment qu'à celui du Docteur Wier. Il le falloit bien; car le jugement de ce Médecin prouve directement contre l'incertitude des fignes de la Mort.

Confultez de grace l'article où M. Bruhier croit donner des preuves de l'incertitude des fignes de la Mort, tirées de la fyncope & des maladies convulfives; vous y lirez que,*» Jacques de Lavaur, Châtelain de Boudry, dans la Comté de Neufchâtel, » fut attaqué de douleurs cardialgi » ques qui le firent tomber dans une

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fyncope fi violente, qu'on le jugeoit mort à l'arrivée d'un Médecin qu'on avoit envoyé chercher à Fribourg pour le foulager. Le Docteur » n'en jugeant pas de même, lui fouffla » dans les narines du poivre pulvérisé

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qui fit éternuer le Châtelain, lequel » vécut encore un bon espace de tems » en l'éxercice de fa Charge. »

Qu'il faut être diftrait pour préfenter au public, avec confiance, des preuves auffi inconféquentes! En effet, quel point M. Bruhier peut-il prendre en faveur de fon opinion dans cet éxemple : Sera-ce cette expreffion vague & indéterminée, on le jugeoit mort. C'eft à la vérité l'endroit de l'obfervation qui l'a frappé. Mais n'y a-t-il pas dans cette histoire un fait auffi facile à faifir, & qui paroît se présenter plus naturellement. C'est le jugement qu'a porté le Médecin fur l'état de cet homme. Il n'étoit point

mort; le Médecin l'a reconnu. Par conféquent les fignes de la Mort, dans cette occafion, n'ont pas été incertains pour ce Docteur; & par une autre conféquence auffi légitime que la premiere, M. Bruhier n'auroit pas dû rapporter cette hiftoire au nombre des preuves qu'il croit donner de l'in certitude des fignes de la Mort. Penfez-vous, Monfieur, que les Académies qui ont approuvé le Livre de M. Bruhier, se foient donné la peine' d'en faire la lecture? Ces observations forment un contrafte bien fingulier avec leurs fuffrages. Vous voyez que des Médecins ont reconnu que ces perfonnes n'étoient pas mortes, & l'on rapporte ces faits pour prouver l'incertitude des fignes de la Mort! Mais pourfuivons cet éxamen : je me. contenterai de rappeller encore un fait ou deux. Je ne pafferai pas outre de crainte d'abuser de votre patience.

*

M. Bruhier* cite avantageusement une obfervation qu'il a extraite du Traité des Rapports d'Ambroise Parć. Ce célébre Chirurgien fut appellé le 10 Mars 1575. avec M.. Greaulme, Docteur en Médecine de la Faculté de Paris, pour faire le rapport de deux hommes réputés morts. Ils n'avoient aucune apparence de poulx, une froideur univerfelle s'étoit emparée d'eux, ils avoient la face livide, on les pinçoit & on leur tiroit rudement le poil fans qu'ils le fentiffent. Paré, déterminé principalement par la face teinte de couleur plombine, s'informa fi ces hommes n'avoient point été exposés. à la

vapeur du feu de charbon. On en trouva effectivement fous la tableune grande terrine à demi brûlé. On adminiftra à ces deux hommes les remédes convenables à leur état, & on leur fauva la vie.

* Tome fecond de fon Traité, p. 317...

Le fruit de cette obfervation eft fenfible. Elle prouve uniquement qu'Ambroise Paré étoit un homme éclairé qui ne prit pas le change à l'égard de ces deux hommes qui avoient été réputés morts, & qu'il fçut remédier à l'accident funeste dont ils étoient attaqués, avec autant de capacité que de fuccès. Nous porterons le même jugement fur un fait à peu près femblable rapporté auffi par M. Bruhier. * Il l'a copié des Obfervations de Médecine de la Société. d'Edimbourg. En voici le précis. Le feu avoit pris à plusieurs mesures de charbon au fond d'une mine. Ce charbon fut étouffé pour éteindre la flamme. Un des tas où le feu avoit été, lailla échapper une vapeur extrê mement forte, & telle que perfonne n'ofoit en approcher qu'en fe mettant au-deffus du vent. Quelques heures:

*Tome premier, feconde édition, p. 242..

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