Page images
PDF
EPUB

maisons, étoient fomptueux en édifi ces funébres, Perfuadés qu'ils étoient étrangers fur la terre, ils regardoient leurs habitations comme de fimples hôtelleries toujours affez commodes pour loger des paffans *, Mais ils élęvoient à grands frais de magnifiques tombeaux où ils devoient établir leur demeure éternelle,

Pendant que la plupart des peuples montroient de l'affliction à la mort de leurs proches, il y avoit des Pays où les Loix défendoient avec févérité les mouvemens naturels qui expriment la trifteffe de l'ame, Les pleurs & les gémiffemens n'étoient point permis à Sparte, ** On les regardoit comme peu convenables à des hommes que leur Législateur vouloit for

✦ Diverforia vita momento tranfeuntiș. Dulph, Loc. citat.

**Voyez l'Hiftoire Univerfelle depuis le commencement du monde jufqu'à préfent: tra fuit de l'Anglois par une Société de gens de Lettres. Tome IV,

mer à la conftance & à la grandeur d'ame.

Une pareille Loi auroit été fans application chez les Troglodites. Dès qu'un homme étoit mort, ils lui attachoient le col avec les pieds, & l'emportoient ainfi en peloton pour l'enterrer. Cette cérémonie fe faifoit avec beaucoup de précipitation : les affiftans y rioient & fe divertiffoient comme s'ils euffent été à une partie de plaifir. Les Japonois enterrent encore leurs morts avec de grandes réjouiffances.

Vous me difpenfez, fans doutes de vous rapporter ici les cérémonies que tous les différens peuples ont obfervés en différens tems. Ce détail deviendroit aussi ennuyeux, qu'il est inutile. La lecture du Livre de Monfieur Bruhier vous en a fait connoître un grand nombre ; & vous pouvez confulter à ce fujet plufieurs Auteurs

outre ceux qu'il a indiqués, qui ont traité particulierement cette matië se *. J'ai lû leurs ouvrages avec attention: toutes les pratiques qu'ils ent décrites m'ont parues marquer bien triftement l'abus que les hommes peuvent faire de leur raifon. La plupart de ces coutumes font directement oppofées aux premieres notions du fens commun. Je ne comprends pas pourquoi on a voulu en tirer des conféquences en faveur de l'opinion de l'incertitude des fignes. de la Mort.

*LAVORIUS, de prisco & recenti funerandŝ

more.

FLORIANUS DULPHUS, de fepulturis, &c. Bononiæ 1641.

JACOB. GUTHERUS, de jure Manium Parif 1615.

Le Réveil de Chyndonax Prince des Druides Dijonois, par GUENEBAUD Médecin, Dijon 1621.

CLAUDE GUICHARD, des funérailles des anciens. 1581.

LILIUS GYRALDUS, de fepulturâ ac vario fepeliendi ritu cum notis Joh. Faës, HelmNad. 1676. &c.

M. Bruhier prétend que tous les peuples, du moins ceux qui ont été un peu policés, ont gardé les corps plufieurs jours avant que de les enterrer ou de les brûler; & que le mo tif de ce délai étoit de s'aflurer fi la mort étoit réelle. Il prétend même que les lamentations & les pleurs font des établissemens politiques par lefquels on a eu dessein de prévenir l'inhumation des perfonnes vivantes. Je me bornerai à la difcuffion de ces deux points. Je crois pouvoir démontrer que les anciens peuples n'ont jamais pris plus de précautions que nous pour s'affurer de la mort; & qu'il n'y a aucune preuve qu'ils ayent jamais pensé, d'une façon particuliere, à ne pas courir le rifque de donner la fépulture à des corps vivans. Leurs procédés à l'égard de ces corps les expofoient même bien plus que nous ne le fommes à ce danger

terrible, comme je vous le ferai voir. On fçait que certaines coutumes peurvent changer fuivant les faifons, fuivant les climats, fuivant les caprices des Princes ou des peuples, fuivant les différens principes de gouvernement, de religion & de police. Mais comment celle de différer les funérailles qui devroit être uniforme & univerfelle, qui devroit être observée de tour tems & par toutes les nations de la terre, fe feroit-elle perdue ? L'expérience auroit dû, de bonne heure, inftruire les hommes des dangers qu'il y avoit à précipiter les enterremens. Pour peu qu'on y réfléchit, il feroit bien difficile de fe perfuader que fi la coutume de différer les inhumations eût été une fois établie fur des motifs auffi intéreffans que ceux que l'on fuppofe, on eût négligé de l'observer. En effet, les hommes les plus groffiers ne font pas moins fortement attachés

« PreviousContinue »