à la vie que les plus éclairés; les miférables en font autant de cas que ceux qui paffent leurs jours dans le fein de l'opulence; enfin la nature ne répugne pas moins dans les uns que dans les autres, à fa destruction. Par quel aveuglement auroit-on ceffé d'être attentif à une pratique fi falutaire Perfonne, me direz-vous, ne croît devoir fubir particulierement un fort auffi affreux que l'est celui d'être enterré vivant : on n'aime pas à s'occuper de réflexions auffi chagrines: cela eft vrai, Monfieur, auffi le raisonnement que je viens de faire ne me paroîtroit-il guères plus concluant que les allégations contraires, -fi je ne pouvois y joindre des faits qui ne vous laifferont aucun doute fur la vérité des propofitions que j'ai

avancées..

L'Hiftoire des Juifs, la plus ancienne que l'on puiffe confulter, ne

fournit aucune lumière fur le délai que l'on mettoit entre la mort & l'inhumation. On ne trouve qu'un feul réglement dans le Deuteronome où il eft dit qu'il faut enterrer les fuppliciés le jour même de l'éxécution, & ne les point laisser au gibet. * M. Bruhier, furpris du filence que garde Moyfe fur les cérémonies des funérailles, quoique ce Législateur ait multiplié fi confidérablement les obfervances légales, a cru fuppléer à ce filence en rapportant ce que l'Evangile nous apprend de la mort & de la réfurrection de Lazare. On y voit pofitivement que Lazare a été reffufcité quatre jours après avoir été enterré; mais on n'y trouve rien abfolument qui marque la date de fa mort. C'étoit cependant là le point unique de la queftion. M. Bruhier a donné cette hiftoire dans la premfere

*Deuteronome. Cap. XXI. v. 22 & 23.

partie de fon ouvrage : après quelques détails, il convient de bonne foi qu'el le ne lui a fourni aucun éclairciffement. Plein du projet qu'il avoit médité, il ne s'eft pas fouvenu de cet aveu en compofant la feconde partie de fon Traité, où il affure (pag. 94.) qu'il a prouvé démonstrativement que l'on gardoit, dans la Judée, les morts beaucoup plus longtems qu'on ne ferait fouvent obligé de le faire dans ce Pays-ci.

Perfonne n'ignore que les Juifs font très-éxacts à l'obfervance de leurs loix, & qu'ils ont confervé avec l'attention la plus fcrupuleufe les ufages qué leurs peres leur ont tranfmis: ainfi il pourroit être permis de juger de ce qui s'eft paffé du tems de Lazare, par ce que pratiquent lés Juifs modernes Leur opinion eft, que dès qu'un homme eft mort, il ne demande que la terre. Suivant ce

principe ils enterrent les corps lè plutôt qu'ils le peuvent : il n'y a jamais entre la mort & l'enterrement d'autre délai que celui qui eft néceffaire pour les préparatifs convenables. Pendant que l'on fait une fosse dans le Cimetiere, les uns font occupés dans la maison à laver le corps; d'autrès à faire une espèce d'aube, des chauffons, une coëffe de bonnet, des caleçons fi c'est un homme, ou une juppe fi c'eft une femme, le tout dé toile neuve. On en habille le mort; on le met dans un cercueil, & on le porte en terre. Toute cette cérémo nie ne dure ordinairement pas plus de trois heures. Si les foffoyeurs trouvent un os en creufant la foffe, ils la comblent fur le champ, & en font une autre ailleurs. C'eft l'obftacle le plus à craindre pour le retard. J'ai vû des Juifs mourir la veille du Sabbat à quatre heures. Les priéres devoient

commencer à cinq; on les retardoir d'une heure, & on procédoit à l'enterrement avec toute la diligence poffible, afin d'être libre de ce foin avant que la fête commençât,

La lecture des Actes des Apôtres * fournit un trait capable de prouver démonftrativement que de leur tems on enterroit dès qu'on croyoit que les perfonnes étoient mortes, & qu'on ne faifoit aucun éxamen qui montrât la moindre méfiance fur la certitude des fignes de la Mort, Je vais rappor ter le paffage en entier,

» Alors un homme nommé Ana»nie, & Saphire fa femme, vendi » rent ensemble un fonds de terre,

» Et cet homme ayant retenu de » concert avec sa femme, une partię » du prix qu'il en avoit reçu, il ap»porta le refte aux pieds des Apo

» tres.

*Act. Apoftol. Cap. V.

!