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La pretendue déclaration du congrès, les rapports de Stras bourg et de Metz, ainsi que l'enquête et les interrogatoires qui ont été faits par les ordres du ministre de la police générale, et qui constatent que ladite déclaration est émanée du comte de Lille à Vienne, seront renvoyés aux présidens des sections du conseil.

Certifié conforme:

Le ministre secrétaire-d'état, (Signé) le duc DE BASSANO. DÉCLARATION.

Les puissances qui ont signé le Traité de Paris, réunies en congrès à Vienne, informées de l'évasion de Napoléon Bonaparte et de son entrée à main armée en France, doivent à leur propre dignité et à l'intérêt de l'ordre social une déclaration solennelle des sentimens que cet événement leur a fait éprouver.

En rompant ainsi la convention qui l'avait établi à l'île d'Elbe, Bonaparte détruit le seul titre légal auquel son existence se trouvait attachée. En reparaissant en France, avec des projets de troubles et de bouleversemens, il s'est privé lui-même de la protection des lois, et a manifesté, à la face de l'univers, qu'il ne saurait y avoir ni paix ni trève avec lui.

Les puissances déclarent, en conséquence, que Napoléon Bonaparte s'est placé hors des relations civiles et sociales, et que, comme ennemi et perturbateur du repos du monde, il s'est livré à la vindicte publique.

Elles déclarent en même tems, que fermement résolues de maintenir intact le Traité de Paris du 30 Mai, 1814, et les dispositions sanctionnées par ce Traité, et celles qu'elles ont arrêtées ou qu'elles arrêteront encore pour le completter et le consolider, elles emploieront tours leurs moyens et réuniront tous leurs efforts pour que la paix générale, objet des vœux de l'Europe et but constant de leurs travaux, ne soit pas troublée de nouveau, et pour la garantir de tout attentat qui menacerait de replonger les peuples dans les désordres et les malheurs des révolutions.

Et quoiqu'intimement persuadés que la France entière, se ralliant autour de sou souverain légitime, fera incessamment rentrer dans le néant cette dernière tentative d'un délire criminel et impuissant, tous les souverains de l'Europe, animés des mêmes sentimens et guidés par les mêmes principes, déclarent que si, contre tout calcul, il pouvait résulter de cet événement un danger réel quelconque, ils seraient prêts à donner au roi de France et à la nation française, ou à tout autre gouvernement attaqué, dès que la demande en serait formée, les secours nécessaires pour rétablir la tranquillité

publique, et à faire cause commune contre tous ceux qui eutreprendraient de la compromettre.

La présente déclaration insérée au protocole du congrès réuni à Vienne dans sa séance do 13 Mars, 1815, sera rendue publique.

Fait et certifié véritable par les plénipotentiaires des huit puissances signataires du Traité de Paris.

A Vienne, le 13 Mars, 1815.

Suivent les signatures dans l'ordre alphabétiqe des cours:
Autriche. Le baron de Wessenberg.
Le prince de Metternich.

Espagne. P. Gomez Labrador.

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Extrait des registres de la secrétairerie d'état.

CONSEIL DES MINISTRES.

(Les ministres d'état appelés.)

Séance du dimanche, 2 Avril.

Rapport de la commission des présideus du conseil-d'état. En conséquence du renvoi qui lui a été fait, la commission composée des présidens des sections du conseil-d'état, a examiné la déclaration du 13 Mars, le rapport du ministre de la police générale, et les pièces qu'il y a jointes.

La déclaration est dans une forme si inusitée, conçue dans des termes si étranges, exprime des idées tellement anti-sociales, que la commission était portée à la regarder comme une de ces productions supposées par lesquelles des hommes mé

prisables cherchent à égarer les esprits, et à faire prendre le change à l'opinion publique.

Mais la vérification des procès-verbaux dressés à Metz et des interrogatoires des courriers, n'a pas permis de douter que l'envoi de cette déclaration n'eût été fait par les membres de la légation française à Vienne, et elle doit conséquemment être considérée comme adoptée et signée par eux.

C'est sous ce premier point de vue que la commission a cru devoir d'abord examiner cette production qui n'a point de modèle dans les annales de la diplomatic, et dans laquelle des Français, des hommes revêtus du caractère public le plus respectable, commencent par une espèce de mise hors la loi, ou, pour parler plus nettement, par une provocation à l'assassinat de l'empereur Napoléon.

Nous disons avec le ministre de la police que cette déclaration est l'ouvrage des plénipotentiaries français; parce que ceux d'Autriche, de Russie, de Prusse, d'Angleterre n'ont pu signer un acte que les souverains et les peuples auxquels ils appartiennent s'empresseraient de désavouer.

Et d'abord ces plénipotentiaires, coopérateurs pour la plupart du traité de Paris, savent que Napoleon y a été reconnu comme conservant le titre d'empereur et comme souverain de l'ile d'Elbe: ils l'auraient désigné par ces titres et ne se seraient écartés ni au fond ni dans la forme du respectueux égard qu'ils imposent.

Ils anraient senti que d'après les lois des nations, le prince le moins fort par l'étendne ou la population de ses états, jouit, quant à son caractère politique et civil, des droits appartenans à tout prince souverain à l'égal du monarque le plus puissant; et Napoléon, reconnu sous le titre d'empereur et en qualite de prince souverain par toutes les puissances, n'était pas plus qu'aucune d'elles, justiciable du congrès de Vienne.

L'oubli de ces principes, impossible à supposer dans des plénipotentiaires qui pèsent les droits des nations avec réflexion, sagesse et maturité, n'a rien d'étonnant quand il est manifesté par quelques ministres français, à qui leur conscience reproche plus d'une trahison, chez qui la crainte a produit l'emportement, et dont les remords égarent la raison.

Ceux-là ont pu risquer la fabrication, la publication d'une pièce telle que la prétendue déclaration du 13 Mars, dans l'espoir d'arrêter la marche de Napoléon et d'abuser le peuple français sur les vrais sentimens des puissances étrangères,

Mais il ne leur est pas donné de juger comme elles le mérite d'une nation qu'ils ont méconnue, trahie, livrée aux armes de l'étranger.

Cette nation brave et généreuse se révolte contre tout ce qui porte le caractère de la lâcheté et de l'oppression; ses affections s'exaltent quand leur objet est menacé ou atteint par

une grande injustice; et l'assassinat auquel provoquent les premières phrases de la déclaration du 13 Mars, ne trouvera de bras pour l'accomplir, ni parmi les 25 millions de Français, dont la majorité a suivi, gardé, protégé Napoléon de la Méditerranée à la capitale, ni parmi les 18 millions d'Italiens, les 6 millions de Belges ou riverains du Rhin et les peuples nombreux d'Allemagne qui, dans cette conjoncture solen-nelle, n'ont prononcé son nom qu'avec un souvenir respectueux, ni au sein de la nation anglaise indignée, dont les honorables sentimens désavouent le langage qu'on a osé prêter

aux souverains.

Les peuples de l'Europe sont éclairés: ils jugent les droits de Napoléon, les droits des princes alliés et ceux des Bour

bons.

Ils savent que la convention de Fontainebleau est un traité entre souverais; sa violation, l'entrée de Napoléon sur le territoire français ne pouvait, comme toute infraction à un acte diplomatique, comme toute invasion hostile, amener qu'une guerre ordinaire, dont le résultat ne peut être, quant à la personne, que d'être vainqueur ou vainen, libre ou prisonnier de guerre; quant aux possessions, de les conserver ou de les perdre, de les accroître ou de les diminuer; et que toute pensée, toute menace, tout attentat contre la vie d'un prince eu guerre contre un autre, est une chose inouïe dans l'histoire des nations et des cabinets de l'Europe.

A la violence, à l'emportement, à l'oubli des principes qui caractérisent la déclaration du 13 Mars, on reconnaît les envoyés du même prince, les organes des mêmes conseils qui, l'ordonnance du 9 Mars, mettaient aussi Napoléon hors la loi, appelaient aussi sur lui les poignards des assassins, promettaient aussi un salaire à qui apporterait sa tête.

par

Et cependant qu'a fait Napoléon? il a honoré par sa sécurité les hommes de toutes les natious qu'insultait l'infâme mission à laquelle on voulait les appeler: il s'est montré modéré, généreux, protecteur envers ceux-là mêmes qui avaient devoué sa tête à la mort.

Quand il a parlé au général Excelmens, marchant vers la colonne qui suivait de près Louis-Stanislaus-Xavier, au général comte d'Erlon, qui devait le recevoir à Lille, au général Clausei, qui allait à Bordeaux, où se trouvait la duchesse d'Angoulême, au général Grouchy, qui marchait pour arrêter les troubles civils excités par le duc d'Angoulême, partout eufin des ordres ont été donnés par l'empereur pour que les personnes fussent respectées et mises à l'abri de toute attaque, de tout danger, de toute violence, dans leur marche sur le territoire français, et au moment où elles le quitteraient.

Les nations et la postérité jugeront de quel côté a été, dans cette grande conjoncture, le respect pour le droit des peuples

et des souverains, pour les règles de la guerre, les principes de la civilisation, les maximes des lois civiles et religieuses. Elles prononceront entre Napoléou et la maison de Bourbon.

Si, après avoir examiné la prétendue déclaration du congrès sous ce premier aspect, on la discute dans ses rapports avec les conventions diplomatiques, avec le traité de Fontainebleau du 11 Avril, ratifié par le gouvernement français, ou trouvera que sa violation n'est imputable qu'à ceux-là même qui la reprochent à Napoléon.

Le traité de Fontainebleau a été violé par les puissances alliées et par la maison de Bourbon en ce qui touche l'empereur Napoléon et sa famille, en ce qui touche les intérêts et les droits de la nation française.

1

1o. L'impératrice Marie-Louise et son fils devaient obtenir des passeports et une escorte pour se rendre près de l'empereur: et, loin d'exécuter cette promesse, on a séparé violemment l'épouse de l'époux, le fils du père, et cela dans les circonstances doulourenses où l'âme la plus forte a besoin de chercher de la consolation et du support au sein de sa famille et des affections domestiques;

2o. La sûreté de Napoléon, de sa famille impériale et de leur suite était garantie (art. 14 du traité) par toutes les puissances ;* et des bandes d'assassins ont été organisées en France sous les yeux du gouvernement français, et même par ses ordres, comme le prouvera bientôt la procédure solennelle contre le Sr. Demontbreuil, pour attaquer et l'empereur, et ses frères, et leurs épouses: à défaut du succès qu'on espérait de cette première branche du complot, une émeute a été disposée à Orgon, sur la route de l'empereur, pour essayer d'attenter à ses jours par les mains de quelques brigands; on a envoyé en Corse, comme gouverneur, un sicaire de Georges, le Sr. Brulart, élevé exprès au grade de maréchal-de-camp, connu en Bretagne, en Anjou, en Normandie, dans la Vendée, dans toute l'Angleterre, par le sang qu'il a répandu, afin qu'il préparât et assurât le crime: et en effet, plusieurs assassins isolés ont tenté, à l'île d'Elbe, de gagner par le meurtre de Napoléon, le coupable et honteux salaire qui leur était promis;

3°. Les duchés de Parme et de Plaisance étaient donnés en toute propriété à Marie-Louise, pour elle, son fils et ses descendans; et après de longs refus de les mettre en possession on a consommé l'injustice par une spoliation absolue, sous le prétexte illusoire d'un échange sans évaluation, sans proportion, sans souveraineté, sans consentement; et les documens existans aux relations extérieures que nous nous sommes fait représenter, prouvent que c'est sur les sollicitations, sur les instances, par les intrigues du prince de Bénéveut, que MarieLouise et son fils ont été dépouillés.

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