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4°. Il devait être donné au prince Eugène, fils adoptif de Napoléon, qui a honoré la France, qui le vit naître, et conquit l'affection de l'Italie qui l'adopta, un établissement convenable hors de France, et il n'a rien obtenu.

5°. L'empereur avait (article 9 du traité) stipulé, en faveur des braves de l'armée, la conservation de leurs dotations sur le Monte Napoleone; il avait réservé sur le domaine extraordinaire et sur des fonds restans de sa liste civile des moyens de récompenser ses serviteurs, de payer les soldats qui s'attachaient à sa destinée; tout a été enlevé, réservé par les ministres des Bourbons. Un agent des militaires français, M. Bresson, est allé inutilement à Vienne réclamer pour eux la plus sacrée des propriétés, le prix de leur courage et de leur

sang.

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6. La conservation des biens, meubles et immeubles de la famille de l'empereur est stipulée par le même traité (art. 6); et elle a été depouillée des uns et des autres: savoir, à main armée en France par des brigands commissionnés; en Italie par la violence des chefs militaires; dans les deux pays par des sequestres et des saisies solennellement ordonnées.

7°. L'empereur Napoléon devait recevoir 2 millions, et sa famille 2,500,000f. par an, selon la répartition établie art 6 du traité; et le gouvernement français a constamment refusé d'acquiter cet engagement, et Napoléon se serait vu bientôt réduit à licencier sa garde fidèle, faute de moyens pour assurer sa paie, s'il n'eût trouvé dans les reconnaissans souvenirs des banquiers et négocians de Gênes et d'Italie, l'honorable res source d'un prêt de 12 millions qui lui fut offert.

8°. Enfin ce n'était pas sans motif qu'on voulait par tous les moyens éloigner de Napoléon ces compagnons de sa gloire, modèles de dévouement et de constance, garaus inébranlables de sa sûreté et de sa vie. L'ile d'Elbe lui était assurée en toute propriété (art. 3 du traité); et la résolution de l'en dépouiller, désirée par les Bourbons, sollicitée par leurs agens avait été prise au congrès,

Et si la Providence n'y eût pourvu dans sa justice, l'Europe aurait vu attenter à la personne, à la liberté de Napoléon, relégué désormais à la merci de ses ennemis, loin de sa famille, et séparé de ses serviteurs, ou à Sainte-Lucie, ou à Sainte-Hélène, qu'on lui assignait pour prison.

Et quand les puissances alliées, cédant aux vœux imprudens, aux instances cruelles de la maison de Bourbou, out condescendu à la violation du contrat selennel, sur la foi duquel Napoléon avait dégagé la nation française de ses sermens, quand lui-même, et tous les membres de sa famille, se sont yus menacés, atteints dans leurs personnes, dans leurs propriétés, dans leur affections, dans tous les droits stipulés en

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leur faveur comme princes, dans ceux mêmes assurés par les lois aux simples citoyens, que devait faire Napoléon ?

Devait-il après avoir enduré tant d'offenses, supporté tant d'injustices, consentir à la violation complète des engagemens pris avec lui, et se résignant personnellement au sort qu'on lui préparait, abandonner encore son épouse, son fils, sa famille, ses serviteurs fidèles à leur affreuse destinée?

Une telle résolution semble au-dessus des forces humaines; et pourtant Napoléon aurait pu la prendre si la paix, le bonheur de la France eussent été le prix de ce nouveau sacrifice. Il se serait encore dévoué pour le peuple français, duquel, ainsi qu'il veut le déclarer à l'Europe, il se fait gloire de tout tenir, auquel il veut tout rapporter, a qui seul il veut répondre de ses actions, et dévouer sa vie.

C'est pour la France seule et pour lui éviter les malheurs d'une guerre intestine qu'il abdiqua la couronne en 1814. It rendit au peuple français les droits qu'il tenait de lui; il le laissa libre de se choisir un nouveau maître, et de fouder sa liberté et son bonheur sur des institutions protectrices de l'un et de l'autre.

Il espérait pour la nation la conservation de tout ce qu'il avait acquis par 25 années de combats et de gloire, l'exercice de sa souveraineté dans le choix d'une dynastie et dans la stipulation des conditions auxquelles elle serait appelée à réguer.

Il attendait du nouveau gouvernement, le respect pour la gloire des armées, les droits des braves, la garantie de tous les intérêts nouveaux, de ces intérêts nés et maintenus depuis un quart de siècle, résultant de toutes les lois politiques et civiles, observées, révérées depuis ce tems, parce qu'elles sont identifiées avec les mœurs, les habitudes, les besoins de la nation. Loin de là, toute idée de la souveraineté du peuple a été écartée.

Le principe sur lequel a reposé toute la législation politique et civile depuis la révolution a été écarté également.

La France a été traitée par les Bourbous comme un pays révolté, reconquis par les armes de ses anciens maîtres, et asservie de nouveau à une domination féodale.

Louis-Stanislas-Xavier a méconnu le traité qui seul avait rendu le trône de France vacant, et l'abdication qui seule lui permettait d'y monter.

Il a prétendu avoir régné 19 ans; insultant ainsi et les gouvernemens établis depuis ce tems, et le peuple qui les a consacrés par ses suffrages, et l'armée qui les a défendus, et jusqu'aux souverains qui les ont reconnus dans leurs nombreux traités.

Ene charte rédigée par le sénat, toute imparfaite qu'elle fût,. a été mise en oubli.

On a imposé à la France une loi prétendue constitutionnelle, aussi facile à éluder qu'à révoquer, et daus la forme des simples ordonnances royales, sans, cousulter la nation, sans entendre même ces corps devenus illégaux, fantômes de représen tation nationale.

Et comme les Bourbons ont ordonné sans droits, et promis sans garantie, ils ont éludé sans bonne foi et exécuté sans fidélité.

que

La violation de cette prétendue charte n'a été restreinte par la timidité du gouvernement; l'étendue des abus d'autorité n'a été bornée que par sa faiblesse.

La dislocation de l'armée, la dispersion de ses officiers, l'exil de plusieurs, l'avilissement des soldats, la suppression de leurs dotations, la privation de leur solde ou de leur retraite, la réduction des traitemens des légionnaires, le dépouillement de leurs honneurs, la prééminence des décorations de la monarchie féodale, le mépris des citoyens, désignés de nouveau sous le nom de Tiers-Etat, le dépouillement préparé et déjà commencé des acquéreurs de biens nationaux, l'avilissement actuel de la valeur de ceux qu'on était obligé de vendre, le retour de la féodalité dans ses titres, ses priviléges, ses droits utiles, le rétablissement des principes ultramontains, l'abolition des libertés de l'église gallicane, l'anéantissement du concordat, le rétablissement des dimes, l'intolérance renaissante d'un culte exclusif, la domination d'une poignée de nobles sur un peuple accoutumé à l'égalité, voilà ce que les Bourbons ont fait ou voulaient faire pour la France.

C'est dans de telles circonstances que l'empereur Napoléon a quitté l'île d'Elbe, tels sont les motifs de la détermination qu'il a prise, et non la considération de ses intérêts personnels, si faibles près de lui, comparée aux intérêts de la nation à qui il a consacré son existence.

Il n'a pas apporté la guerre au sein de la France; il y a au contraire éteint la guerre que les propriétaires de bieus na tionaux, formant les quatre cinquièmes des propriétaires frauçais, auraient été forcés de faire à leurs spoliateurs; la guerre que les citoyens opprimés, abaissés, humiliés par les nobles, auraient été forcés de déclarer à leurs oppresseurs; la guerre que les protestaus, les juifs, les hommes des cultes divers, auraient été forcés de soutenir contre leurs persécuteurs.

Il est venu délivrer la France, et c'est aussi comme libérateur qu'il a été reçu.

Il est arrivé presque seul; il a parcouru 220 lieues sans obsta cles, sans combats, et a repris sans résistance, au milieu de la capitale et des acclamations de l'immense majorité des citoyens, le trône délaissé par les Bourbon-, qui, dans l'armée, dans leur maison, dans les gardes nationales, dans le peuple, a'out pu armer personne pour essayer de s'y maintenir.

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Et cependant, replacé à la tête de la nation qui l'avait déjà choisi trois fois, qui vient de le désigner une quatrième fois par l'accueil qu'elle lui a fait, dans sa marche et son arrivée, rapides et triomphales; de cette nation par laquelle et pour l'intérêt de laquelle il veut régner, que veut Napoléon ?

Ce que veut le peuple français: l'indépendance de la France, la paix intérieure, la paix avec tous les peuples, l'exécution du Traité de Paris du 30 Mai, 1814.

Qu'y a-t-il donc désormais de changé dans l'état de l'Europe et dans l'espoir du repos qui lui était promis? Quelle voix s'élève pour demander ces secours qui, suivant la déclaration, ne doivent être donnés qu'autant qu'ils seront réclamés?

Il n'y a rien de changé si les puissances alliées reviennent, comme on doit l'attendre d'elles, à des sentimens justes, modérés ; si elles reconnaissent que l'existence de la France dans un état respectable et indépendant, aussi eloigné de conquérir que d'être conquise, de dominer que d'être asservie, est nécessaire à la balance des grands royaumes, comme à la garantie des petits états.

Il n'y a rien de changé: si respectant les droits d'une grande nation qui veut respecter les droits de toutes les autres, qui, fière et généreuse, a été abaissée mais ne fut jamais avilie, on lui laisse reprendre un monarque et se donner une constitution et des lois qui conviennent à ses mœurs, à ses intérêts, à ses habitudes, à ses besoins nouveaux.

Il n'y a rien de changé: si, n'essayant pas de contraindre la France à reprendre avec une dynastie dont elle ne peut plus vouloir, les chaînes féodales qu'elle a brisées, à se soumettre à des prestations seigneuriales ou ecclésiastiques dont elle est affranchie, on ne veut pas lui imposer des lois, s'immiscer dans dans ses affaires intérieures, lui assigner une forme de gouvernement, lui donner des maîtres au gré des intérêts ou des passions de ses voisins.

Il n'y a rien de changé: si, quand la France est occupée de préparer le nouveau pacte social qui garantira la liberté de ses citoyens, le triomphe des idées généreuses qui dominent en Europe et qui ne peuvent plus y être étouffées, on ne la force pas de se distraire pour combattre, de ces pacifiques pensées et des moyens de prospérité intérieure auxquels le peuple et son chef veulent se consacrer dans un heureux accord.

Il n'y a rien de changé: si, quand le nation française ne demande qu'à rester en paix avec l'Europe entière, une injuste coalition ne la force pas de défendre, comme elle l'a fait en 1792, sa volonté et ses droits, et son indépendance, et le souverain de son choix.

(Signés)

Le ministre d'état président de la section des finances,
Le comte DEFERMON.

Le ministre d'état président de la section de l'intérieur,
Le comte REGNAUD DE ST.-JEAN-D'ANGELY.

Le président de la section de législation,

Le comte BOULAY.

Le président de la section de la guerre,

Le comte ANDRÉOSSI.

Certifié conforme,

Le ministre secrétaire d'état,

Le duc de BASSANO.

14 Avril, 1815.

Paris, le 13 Avril.

Une dépêche télégraphique de Lyon, du 13 Avril, 1815, adressée par le duc d'Albufera au ministre de la guerre, contient ce qui suit:

"Le 10, Avignon et Toulon ont arboré le drapeau tricolore.

"Le prince d'Essling a fait tirer à Toulon, cent coups de canon, et a fait publier une proclamations pleine des sentimens de tout bon Français pour l'empereur et pour la patrie.

Sire,

RAPPORT A L'EMPEREur.

Si la prudence m'impose le devoir de ne point offrir indiscrètetement à V. M. un fantôme de dangers chimériques, c'est pour moi une obligation non moins sacrée de ne pas laisser endormir dans une sécurité trompeuse la surveillance que me prescrit le soin de la conservation de la paix, ce grand intérêt de la France, ce premier objet des vœux de V. M. Voir le péril là où il n'existe pas, c'est quelquefois le provoquer et le faire naître d'un autre côté; fermer les yeux aux indices qui peuvent en être les précurseurs, serait un acte d'un inexcusable aveuglement. Je ne dois pas le dissimuler, Sire, quoiqu'aucune notion positive ne constate jusqu'à ce jour, de la part des puissances étrangères, une résolution formellement arrêtée qui doive nous faire présager une guerre prochaine, les apparences autorisent suffisaniment une juste inquiétude: des symptômes alarmans se manifestent de tous côtes à-la-fois. En vain vous opposez le calme de la raison à l'entraînement des passions. La voix de V. M. n'a pu encore se faire entendre. Un inconcevable systême menace de prévaloir chez les puissances, celui de se disposer au combat sans admettre d'explication préliminaire avec la nation qu'elles

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