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"Ce ne serait pas la première fois que nous aurions vaincu l'Europe armée contre nous.

"Ces droits sacrés, imprescriptibles, que la moindre peuplade n'a jamais réclamés en vain au tribunal de la justice et de l'histoire, c'est à la nation française, qu'on ose les disputer une seconde fois au 19e siècle, à la face du monde civilisé.

"Parce que la France veut être la France, faut-il qu'elle soit dégradée, déchirée, démembrée, et nous réserve-t-on le sort de la Pologne ?

"Vainement veut-on cacher de funestes desseins sous l'apparence du dessein unique de vous séparer de nous pour nous donner à des maîtres avec qui nous n'avons plus rien de commun, que nous n'entendons plus, et qui ne peuvent pas nous entendre; qui ne semblent appartenir ni au siècle ni à la nation qui ne les a reçus un moment dans son sein, que pour voir proscrire et avilir par eux ses plus généreux citoyens.

"Leur présence a détruit toutes les illusions qui s'attachaient encore à leur nom.

"Ils ne pourraient plus croire à nos sermens; nous ne pourrions plus croire à leurs promesses. La dime, la féodalité, les priviléges, tout ce qui nous est odieux était trop évidemment le but et le fond de leur pensée, quand l'un d'eux pour consoler l'impatience du présent, assurait ses confidens qu'il leur répondait de l'avenir.

"Ce que chacun de nous avait regardé pendant vingt-cinq ans comme titres de gloire, comme services dignes de récompenses, a été pour eux un titre de proscription, un sceau de réprobation.

Un million de fonctionnaires, de magistrats qui, depuis vingt-cinq ans, suivent les mêmes maximes, et parmi lesquels nous venons de choisir nos représentans, cinq cent mille guerriers, notre force et notre gloire, six millions de propriétaires investis par la révolution, un plus grand nombre encore de citoyens éclairés qui fout une profession réfléchie de ces idées devenues parmi nous des dogmes politiques, tous ces dignes Français n'étaient point les Français des Bourbons; ils ne voulaient régner que pour une poignée de privilégiés, depuis vingt-cinq ans punis ou pardonnés.

"L'opinion même, cette propriété sacrée de l'homme, ils l'ont poursuivie, persécutée jusques dans le paisaible sanctuaire des lettres et des arts.

“Sire, un trône un moment relevé par les armes étrangères, et environné d'erreurs incurables, s'est écroulé en un instant devant vous, parce que vous nous rapportiez de la retraite, qui n'est féconde en grandes pensées que pour les grands hommes, tous les erremeus de notre véritable gloire et toutes les espérances de notre véritable prospérité.

"Comment votre marche triomphale, de Cannes à Paris,

n'a-t-elle pas dessillé tous les yeux ? Dans l'histoire de tous les peuples et de tous les siècles, est-il une scène plus na❤ tionale, plus héroïque, plus imposante. Ce triomphe qui n'a point coûté de sang ne suffit-il pas pour détromper nos ennemis: En veulent-il de plus sanglans? Eh bien, Sire attendez de nous tout ce qu'un héros fondateur est en droit d'at tendre d'une nation fidèle, énergique, généreuse, inébranlable dans ses principes, invariable dans le but de ses efforts, l'indépendance à l'extérieur et la liberté au-dedans.

"Les trois branches de la législature vont se mettre en action, un seul sentiment les animera: confians dans les promesses de V. M., nous lui remettons, nous remettons à nos représentans et à la chambre des pairs, le soin de revoir, de consolider, de perfectionner de concert, sans précipitation, sans secousse, avec maturité, avec sagesse, notre système constitutionel et les institutions qui doivent en être la garantie.

"Et cependant si nous sommes forcés de combattre, qu'un seul cri retentisse dans tous les cœurs! Marchons à l'ennemi qui veut nous traiter comme la dernière des nations! Serronsnous tous autour du trône, où siége le père et le chef dụ peuple et de l'armée."

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Sire, rien n'est impossible, rien ne sera épargné pour nous assurer l'honneur et l'indépendance, ces biens plus chers que la vie. Tout sera tenté, tout sera exécuté pour repousser un joug ignominieux. Nous le disons aux nations: puissent leurs chefs nous entendre! s'ils acceptent vos offres de paix, le peuple Français attendra de votre administration forte, libérale, paternelle, des motifs de se consoler des sacrifices que lui a coûtés la paix; mais si l'on ne nous laisse que le choix entre la guerre et la honte, la nation tout entière se lève pour la guerre; elle est prête à vous dégager des offres trop modérées, peut-être, que vous avez faites pour épargner à l'Europe un nouveau bouleversement. Tout Français est soldat: la victoire suivra vos aigles, et nos ennemis qui comptaient sur nos divisions, regretteront bientôt de nous avoir provoqués,”

L'énergie et la sensibilité de l'orateur se sont communiquées de proche en proche à tous les assistans, et l'enceinte entière du Champ-de-Mars a retenti des cris de vive la nation! vive l'empereur !

En ce moment S. A. S. le prince archi-chancelier a proclamé le résultat des votes portant que l'acte additionnel aux constitutions de l'empire est accepté à la presqu'unanimité des votans (le nombre des votes, négatifs étant de 4206.)

Le chef des héraults d'armes, sur l'ordre de Sa Majesté, transmis par S. Exc. le grand maître des cérémonies a dit: "Au nom de l'empereur, je déclare que l'acte additionnel aux constitutions de l'empire a été accepté par le peuple français,"

De nouvelles acclamations se sont fait entendre de toutes parts.

Le grand chambellan ayant fait apporter devant le trône une table sur laquelle était placé l'acte additionnel aux constitutions de l'empire, S. A. S. le prince archi-chancelier a remis la plume à S. A. I. le prince Joseph, qui l'a présentée à l'empereur, et S. M. a revêtu de sa signature l'acte de promulgation de la constitution.

La table ayant été retirée, l'empereur, assis et couvert, a parlé en ces termes :

"Messieurs les électeurs des colléges de département et d'arrondissement;

"Messieurs les députés de l'armée de terre et de mer au Champ-de-Mai.

"Empereur, Consul, Soldat, je tiens tout du peuple. Dans la prospérité, dans l'adversité, sur le champ de bataille, au conseil, sur le trône, dans l'exil, la France a été l'objet unique et constant de mes pensées et de mes actions.

"Comme ce roi d'Athènes, je me suis sacrifié pour mon peuple dans l'espoir de voir se réaliser la promessse donnée de couserver à la France son intégrité naturelle, ses honneurs et ses droits.

L'indignation de voir ces droits sacrés, acquis par vingt-cinq ans de victoires méconnus et perdus à jamais; le cri de l'honneur français flétri; les vœux de la nation, m'ont ramené sur ce trône qui m'est cher parce qu'il est le palladium de l'indépendance, de l'honneur et des droits du peuple.

Français, en traversant au milieu de l'allégresse publique les diverses provinces de l'empire pour arriver dans ma capitale, j'ai dû compter sur une longue paix; les nations sont liées par les traités conclus par leurs gouvernement, quels qu'ils

soient.

"Ma pensée se portait alors toute entière sur les moyens de fonder notre liberté par une constitution conforme à la volonté et à l'intérêt du peuple. J'ai convoqué le Champ-deMai.

"Je ne tardai pas à apprendre que les priuces qui ont mécounu tous les principes, froissé l'opinion et les plus chers intérêts de tant de peuples, veulent nous faire la guerre. Ils méditent d'accroître le royaume des Pays-Bas, de lui donner pour barrières toutes nos places frontières du Nord, et de coucilier les différends qui les divisent encore, en se partageant la Lorraine et l'Alsace.

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Il a fallu se préparer à la guerre.

"Cependant, devant courir personnellement les hasards des combats, ma première sollicitude a dû être de constituer sans

retard la nation. Le peuple a accepté l'acte que je lui ai présenté.

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Français, lorsque nous aurons repoussé ces injustes agressions, et que l'Europe sera convaincue de ce qu'on doit aux droits et à l'indépendance de 28 millions de Français, une loi solennelle, faite dans les formes voulues par l'acte constitutionnel, réunira les différentes dispositions de nos constitutions aujourd'hui éparses.

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Français, vous allez retourner dans vos départemens, Dites aux citoyens que les circonstances sont grandes!!! Qu'avec de l'union, de l'énergie et de la persévérance, nous sortirons victorieux de cette lutte d'un grand peuple contre ses oppresseurs; que les générations à venir scruteront sévèrement notre conduite; qu'une nation a tout perdu quand elle a perdu l'indépendance. Dites-leur que les rois étrangers que j'ai élevés sur le trône, ou qui me doivent la conservation de leur couronne; qui tous, au tems de ma prospérité, ont brigué mon alliance et la protection du peuple français, dirigent aujourd'hui tous leurs coups contre ma personne. Si je ne voyais que c'est à la patrie qu'ils en veulent, je mettrais à leur merci cette existence contre laquelle ils se montrent si acharnés. Mais dites aussi aux citoyens, que tant que les Français me conserveront les sentimens d'amour dont ils me donnent tant de preuve, cette rage de nos ennemis sera imguissante.

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Français, ma volonté est celle du peuple; mes droits sont les siens; mon honneur, ma gloire, mon bonheur, ne peuvent être autres que l'honneur, la gloire et le bonheur de la France."

Il serait difficile de décrire l'émotion qui s'est manifestée sur tous les visages aux accens de S. M. et les cris prolongés qui ont suivi son discours.

Alors M. l'archevêque de Bourges, ler aumônier, faisant les fonctions de grand aumônier, s'est approché du trône, à présenté à genoux les Saints Evangiles à l'empereur, qui a prêté

serment en ces termes :

Je jure d'observer et de faire observer les constitutions de l'empire.

Le prince archi-chancelier, s'avançant au pied du trône, a prononcé le premier le serment d'obéissance aux constitutions et de fidélité à l'empereur. L'assemblée a répété d'une voix unanime: Nous le jurons.

Pendant le discours et le serment les membres de la députation centrale des colleges, au lieu de retourner à leurs places dans l'enceinte circulaire en face du trône, se sont assis sur les marches même du trône, auprès de l'empereur qui s'est vu environné d'eux comme un père de sa famille. Ils ne se sont retirés que pendant le Te Deum qui a été chanté après le

serment, et au moment où les présidens des colléges électoraux se sont avancés pour recevoir les aigles destinées aux gardes nationales de leurs départemens, respectifs. L'aigle de la garde nationale du département de la Seine, celle du 1er régiment de l'armée et celle du ler corps de la marine ont été tenues, ainsi que l'annonçait le programme de la cérémonie, par les ministres de l'intérieur, de la guerre et de la marine. L'empereur ayant quitté le manteau impérial, s'est levé de son trône, s'est avancé sur les premières marches; les tambours ont battu un banc, et S. M. a parlé en ces termes:

"Soldats de la garde nationale de l'empire, soldats des troupes de terre et de mer, je vous confie l'aigle impériale aux couleurs nationales, vous jurez de la défendre au prix de votre sang contre les ennemis de la patrie et de ce trône! Vous jurez qu'elle sera toujours votre signe de ralliment! vous le jurez."

Les cris universellement prolongés nous le jurons! ont retenti dans l'enceinte, et c'est au milieu de ces acclamations et environné des aigles de tous les corps armés de France, que l'empereur est allé se placer avec tout son cortége sur le trône élevé, au milieu du Champ-de-Mars, où, en qualité de colonel de la garde nationale de Paris et de la garde impériale, il a donné les aigles aux présidens du département et des six arrondissemens, et aux chefs de sa garde. Le comte Chaptel, président des colléges électoraux de Paris, et le lieutenantgénéral comte Durosnel, tenaient l'aigle de la garde nationale, et le lieutenant-général comte Friant, celle de la garde impériale. Toutes les troupes ont marché par bataillon et par escadron, et ont environné le tróne: les officiers placés eu première ligne. L'empereur a dit:

"Soldats de la garde nationale de Paris,
"Soldats de la garde impériale,

"Je vous confie l'aigle impériale aux couleurs nationales. Vous jurez de périr, s'il le faut, pour la défendre contre les ennemis de la patrie et du trône. (Toute cette armée qui, grouppée autour du trône, était à la portée de la voix, a interrompu l'empereur par ces cris mille fois répétés; nous le jurons.) Vous jurez de ne jamais reconnaître d'autre signe de ralliement. (De nouveau cris unanimes ont fait entendre: Nous le jurons. Les tambours ont battu un banc et le silence s'est rétabli.) Vous soldats de la garde nationale de Paris, vous jurez de ne jamais souffrir que l'étranger souille de nouveau la capitale de la grande nation. C'est à votre bravoure que je la confierai. (Ces cris, nous le jurons! ont été répétés mille et mille fois.) Et vous, soldats de la garde impériale, vous jurez de vous surpasser vous-mêmes dans la campagne qui va s'ouvrir, et de mourir tous plutôt que de souffrir

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