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blique furent promptement reculées, par les plus mémorables opérations de guerre, et depuis cette époque, les conquêtes du plus grand capitaine qu'aient jamais eu les Français, portèrent si loin, couvrirent si long-tems les limites de l'Empire, que le service de la garde nationale, spécialement vouée à la défense du territoire, offrit moins d'intérêt. Les modifications de son organisation avaient peu d'importance, quand la victoire, fidèle à nos aigles, confondait les projets de nos éternels ennemis, et trompait les voeux impuissans d'une faction presqu'éteinte.

Cependant la prévoyance de l'empereur provoquait une réorganisation qui fut l'objet du sénatus-consulte du 2 Vendemiaire an 14. Cette mesure ne fut encore appliquée qu'aux départemens frontières jusqu'à la fin de 1813. Mais quand les tems de mauvaise fortune de la France furent arrivés, la garde nationale reparut et s'organisa; elle s'accrut au milieu de nos revers, en partageant les fatigues et les dangers, comme les malheurs de l'armée.

A Monmirail, à Montereau, dans toutes les places, les gardes nationales eurent leur part de gloire.

Le dernier gouvernement, qui détruisit les élémens de l'armée, n'osa dissoudre ceux de la garde nationale. La grande masse toujours soutenue par son esprit patriotique, garda son caractère d'indépendance.

Aussitôt que l'empereur, en reprenant les rênes du gouvernement, a connu la situation des gardes nationales, il s'est hâté de faire revivre une institution dans laquelle la nation trouve la garantie la plus positive de son indépendance, et le plus prompt déploiement de ses forces.

Le décret impérial du 10 Avril, basé sur les anciennes lois, a organisé les gardes nationales de l'empire, a ramené à une formation simple et partout semblable, les masses détachées, les corps isolés et composés d'élémens divers, comme les diverses circonstances qui les avaient fait créer.

Cette organisation générale avance rapidement; elle ne présente pas moins de 2, 254, 320 gardes nationaux qui, régulièrement formés et encadrés dans 3, 131 bataillons, comprennent à peu-près le treizième de la population.

Une élite de 751,440 hommes de 20 à 40 ans, formés en compagnies de grenadiers et de chasseurs, pouvant être extraite de cette masse, et rendue mobile, l'empereur á, par des décrets successifs, ordonné la formation de 2,500 compagnies de grenadiers et chasseurs formant 417 bataillons et présentant une force de 300, 240 hommes uniquement destinée à la défense des places, des postes fermés, des défilés retranchés.

Il faut soustraire des bataillons à former ceux de quelques départemens maritimes, qui, à cause de la défense des côtes, n'ont pas été mobilisés, et ceux des frontières des Pyrénées,

dant la formation doit être différente, et a été soumise à des dispositions particulières que réclamaient les localités.

Les départemens de l'intérieur et ceux du nord en exceptant quelques arrondissemens sur l'extrême frontière, sans cesse menacés et travaillés par les intrigues de l'étranger ont rivalisé de zèle. Ceux de l'est ont donné l'exemple du dévouement et la plus forte impulsion.

Indépendamment des battaillons d'élite, de nombreuses compagnies de canonniers ont été formées dans toutes les places, dans les villes fermées et nouvellement retranchées, et dans les principaux chefs-lieux. Toutes les écoles spéciales, tous les lycées ont organisé des compagnies dont les canonniers sont déjà instruits, et s'exercent sous le commandement d'officiers et de sous-officiers d'artillerie. Le nombre de ces canonniers volontaires s'élève environ à vingt-cinq mille, en comptant les dix-huit compagnies de l'artillerie de Paris.

Il resterait encore une partie considérable de la population en état de porter les armes, qui ne se trouvant point aux termes des lois, comprise dans la garde nationale, n'en montrait pas moins la plus ferme volonté de concourir à la défensé de la patrie, et de toute part demandait des armes et une organisation régulière. On a formé de ces volontaires fédérés, de fort beaux bataillons, et S. M. a organisé les cadres avec 'anciens officiers.

Une formation si prompte d'une arinée d'élite aussi considérable, offrirait déjà les résultats les plus satisfaisans, si le travail de l'habillement et de l'équipement eût pu marcher d'un pas égal avec celui de l'organisation; mais l'activité de l'administration, le zèle des préfets, le concours de la bonne volonté des citoyens, n'ont pu vaincre sur ces points les difficultés qu'opposait presque partout le manque de ressources pécuniaires et de matières à confectionner.

En supposant la formation complète des 300,240 grenadiers et chasssurs, mobilisés par les décrets spéciaux des 10, 15 et 27 Avril, ler et 10 Mai, la dépense totale pour leur habillement et équipement complet, à raison de 135 fr. 39 centimes par homme (prix inférieur à celui fixé par les tarifs du ministre de la guerre), exigerait une dépense de 40, 649, 493 fr. 60 centimes.

Le gouvernement n'a pas douté que les grenadiers et chasseurs de la garde nationale ne dussent être aussi complètement habillés, équipés et armés, et dans une tenue aussi parfaite que ceux des troupes de ligne; mais outre que les draps, les étoffes et les matières nécessaires étaient devenues rares, en raison de l'immense consommation qu'en a faite le ministre de la guerre; la pénurie de fonds réellement disponibles a forcé de restreindre cette fourniture aux objets les plus isdispensables, tels que les capottes, les schakos, les effets FF

de petite monture,, et cette dépense, ainsi réduite pour chaque homme à 79 fr. 67 c., s'élève pour les 300,240 grenadiers et chasseurs, à la somme de 23,920, 120 fr. 80 c. laissée à la charge des départemeus.

La répartition proportionnelle entre les contribuables n'en pouvant être faite que par la loi, il a fallu y pourvoir par des moyens divers, comme les circonstances, comme les localités, et partout insuffisans.

Un décret du 24 Avril a affecté aux dépenses de l'habillement et de l'équipement:

1o Le produit de la taxe de remplacement fixée à 120 f. par homme se faisant remplacer ;

2o. Le prélèvement d'un dixième sur les revenus com

munaux;

3o. Un prélèvement sur le produit du quart de réserve des bois communaux;

4. Un fond de secours de 6 millions à prendre dans la caisse d'amortissement, moitié sur les fonds de 50 pour 100 sur le produit de la vente des bois communaux, moitié sur les fonds provenans des communes aujourd'hui étrangères à la France.

Le produit de la taxe de remplacement, en l'évaluant de 10,000 à 15,000 fr. par département, où la garde nationale d'élite a été mise en activité, donnera à peine un million.

Les offrandes patriotiques sont venues accroître cette ressource. Un dixième des hommes mis en activité s'est habillé et équippé à ses frais.

On a considéré que les trois produits pourraient couvrir un tiers de la dépense des 23,920,120 fr. 80 c.

Il restait donc à faire face à une dépense présente de 15,946,747 fr. 20 c. et à rembourser les divers emprunts faits aux caisses comraunales, afin d'y réintégrer les fonds qui ont une application nécessaire.

Mais les produits du prélèvement du dixième, sur les revenus communaux et ceux du quart de réserve sur les bois, ont été bien au-dessous de leur évaluation, et comme on a pu disposer librement de cette ressource, à cause du mode de comptabilité établi par la loi du 25 Septembre 1814, pour les fonds spéciaux, elle a été presque nulle.

Le fond de secours de 6,000,000, accordé par l'empereur, sur lequel une somme de 18,000,000 a d'abord été ordonnancée et mise on distribution, a du moins servi à fonder le crédit des préfets.

Presque tous ont passé des marchés et hâté avec beaucoup de zèle le versement et la distribution ou l'envoi à leurs bataillons d'élite, des divers objets d'habillement et d'équipement; mais il est de la dernière urgence de mettre à leur disposition, et dans les valeurs les plus disponibles, les fonds né

cessaires pour acquitter à mesure des livraisons, les engagemens qu'ils ont pris. On peut dire qu'avec ces prompts secours, l'habillement et l'équipement des gardes nationales seraient complètement assurés et terminés sous un mois.

Quant à leur armement, le grand nombre de fusils de calibre qui ont été retrouvés et réparés, et les distributions d'armes neuves ordonnées par le ministre de la guerre, ne laissent, à cet égard, aucune inquiétude. Le retard que l'armement de quelques battaillons a pu éprouver jusqu'à ce moment, tient à de légers embarras de transport ou de distribution, selon les localités.

Marine.

Jamais, jusqu'au gouvernement impérial, la marine de France ne fut plus imposante qu'en 1791, où elle comptait quatre-vingt-deux vaisseaux de ligne et soixante-onze frégates de tous rangs.

Deux ans après le port de Toulon fut livré aux Anglais par une infâme trahison; ils en furent chassés, et signalèrent leur fuite par la destruction et l'incendie.

Après ces désastres, il ne resta plus à la France que cinquante-cinq vaisseaux et quarante frégates.

Des actions de mer, sanglantes, multipliées, souvent malheureuses, mais toujours honorables, n'ont cessé depuis cette époque, de prouver notre constance dans la lutte pour la défense, de la liberté des mers.

Nous étions parvenus à réparer une partie de nos pertes, et l'accroissement successif de nos forces navales nous permettait d'entrevoir le terme de la tyrannie de l'Angleterre.

Au mois de mars 1814, nous avions cent deux vaisseaux de premier rang et cinquante-trois frégates, armés de 60,000 hommes marins, accroissement sans exemple, pendant la continuation et à travers toutes les difficultés d'une aussi longue guerre !

L'Angleterre nous opposait alors un développement de forces navales qui lui coûtait annuellement 450,000,000.

Les Bourbons qui n'avaient pas balancé à remettre toutes nos places fortes à l'ennemi, hésitèrent encore moins à livrer nos flottes.

Trente-un vaisseaux et douze frégates ont disparu à cette époque, il ne nous reste aujourd'hui que soixante-onze vaisseaux quarante-une frégates.

Nous avions de nombreux équipages fortement organisés: on les a désorganisés, dispersés; nous les réunissons; cette classe précieuse de marins est propre à tout pour la défense de la patrie.

Le sol de la France fournit à sa marine presque tout ce qui Jui est nécessaire.

Nos ports sont dans l'état où ils étaient en 1813, celui de Brest a été entretenu, assaini, agrandi, sous le gouvernement impérial.

A Toulon, le bassin dégradé, des chantiers avariés ont été restitués au service par des réparations du premier ordre, et l'on ne peut s'empêcher d'admirer les difficultés vaincues dans la création du port de Cherbourg où l'on voit une ère nouvelle pour nos opérations navales.

Nos constructions sont ce qu'elles ont toujours été : les plus parfaites de l'Europe.

Conservons donc nos avantages, occupons-nous de les accroître, et bientôt notre systême maritime perfectionné, replacera la marine française au rang d'où notre situation géographique, nos ressources, la force de nos institutions, le courage et l'honneur français n'ont pu la laisser déchoir que pour une courte période.

Finances.

La situation de l'Empire, sous le rapport des finances, sera, suivant l'usage, présentée dans tous ses détails, par les ministres de ce département; les comptes généraux des deux ministères des finances et du trésor, prouveront combien les rapports faits l'année dernière aux deux chambres avaient exagéré l'importance des dépenses arriérées antérieures au 1er Avril 1814: quels dévaient être les funestes résultats du systême irréfléchi qui a été proposé pour le paiement de ces dépenses; enfin tout ce que l'imperfection des budgets de 1814 et de 1815 devait préparer, dès l'année prochaine, d'embarras au dernier gouvernement. On ne craint point de le dire: deux années d'une semblable administration auraient jeté les finances dans un désordre qu'il fût devenu extrêmement difficile de réparer. Heureusement nous sommes à tems encore pour porter remède au mal et en prévenir les conséquences. Le devoir du gouvernement est de présenter avec franchise aux représentans de la nation les besoins que font naître les circonstances graves dans lesquelles la France se trouve engagée, et ce devoir sera fidèlement rempli. Soit que la guerre éclate malgré tout ce que l'empereur a fait pour conserver la paix, soit que l'état défensif seulement doive être plus ou moins prolongé, les dépenses extraordinaires et urgentes qui en sont la suite inévitable, exigeront que des moyens promptement disponsibles assurent la partie du service courant qui repose sur des valeurs dont la réalisation entraînera des retards inévitables, telles que les produits des ventes de bois et de biens des communes; mais le trésor pourra être aidé convenablement sans qu'il soit besoin d'imposer aux citoyens de nouveaux tributs.

Une simple avance, dont le remboursement serait garanti par la loi, suffirait pour donner au service l'aissance qui contribue si

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