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une réponse, et quelle serait cette réponse; mais l'opinion générale a été qu'aucune réponse ne serait faite, et que ces propositions ne seraient point prises en considération.

Dans cette circonstance, comme dans toutes les occasions qui ont suivi l'abdication de l'autorité par Bonaparte, toutes les fois que l'état actuel des états du continent relativement à la France, est devenu l'objet de la discussion, une opinion unanime a semblé diriger les conseils des souverains. Ils adhèrent, et depuis le commencement ils n'ont jamais cessé d'adhérer à leur déclaration du 13 Mars relativement au chef actuel de la France. Ils sont en état d'hostilité avec lui et avec ses adhérans, non par choix, mais par nécessité, parce que l'expérience du passé a démontré, que jamais aucun engagement n'a été gardé par lui, et qu'aucune confiance ne peut être donnée aux protestations d'un homme qui, jusqu'à présent, n'a eu d'égard pour les conventions les plus solennelles, qu'autant qu'il a été à sa convenance de les observer, et dont la parole, seule assurance qu'il puisse donner de ses dispositions pacifiques, n'est pas moins en opposition directe avec sa vie passée qu'avec la position militaire dans laquelle il est actuellement placé. Ils sont convaincus qu'ils ne s'acquitteraient ni de ce qu'ils se doivent à eux-mêmes, ni de ce qu'ils doivent aux peuples que la Providence a confiés à leurs soins, s'ils consentaient aujourd'hui à écouter les protestations pacifiques qui leur sont faites et s'ils se laissaient ainsi séduire par la supposition qu'ils pourraient aujourd'hui soulager leurs peuples de l'énorme fardeau d'une masse militaire immense, et réduire leurs forces à l'établissement de paix, parce que les différens souverains sont bien convaincus par l'expérience du passé, qu'ils n'auraient pas plutôt désarmé, qu'on prendrait avantage de leur situation pour renouveler ces scènes d'agression et de earnage, dont ils avaient espéré que la paix si glorieusement obtenue à Paris, les aurait pour long-tems garantis.

C'est donc pour obtenir quelque sûreté pour leur propre indépendance, qu'ils sont en guerre aujourd'hui, non moins que pour reconquérir cet état de paix et de tranquillité permanent, après lequel le monde asi long-tems soupiré. Ils ne sont pas en guerre, à raison des garanties plus ou moins grandes que la France peut leur donner, relativement à la tranquillité future de l'Europe, mais parce que la France, sous son chef actuel, ne peut leur donner de sûreté d'aucune espèce.

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Dant cette guerre, ils ne désirent point intervenir dans aucuns des droits légitimes du peuple français; ils n'ont point le projet de s'opposer au droit qu'a cette nation de choisir la forme de gouvernement qui lui convient, ni l'intention d'empiéter, sous aucun rapport, sur son indépendance, comme un peuple grand et libre; mais ils croient avoir un droit, et ce droit est de l'ordre le plus élevé, de s'opposer au rétablis

sement, à la tête du gouvernement français, d'un individu dont la conduite passée a démontré invariablement que, dans cette situation, il ne pourrait souffrir que les autres natious restassent en paix; dont l'ambition inquiète, dont la soif des conquêtes, dont le mépris pour les droits et l'indépendance des autres nations doit exposer toute l'Europe à voir se renouveler des scènes de pillage et de dévastation.

Quelques générales que puissent être les dispositions des Souverains en faveur de la restauration du Roi, ils ne cherchent à influencer les actes des Français, relativement à telle ou telle dynastie, ou forme de gouvernement, qu'autant que cela peut être essentiel à la sûreté et à la tranquillité permanente du reste de l'Europe. Si la France donne des garanties raisonnables sous ce rapport, ainsi que les autres états ont le droit de l'exiger pour leur propre défense, leur objet sera rempli, et c'est avec joie qu'ils rentreront alors dans cet état de paix qui, alors, mais seulement alors, s'ouvrira pour eux, et qu'ils poseront les armes qu'ils n'ont prises que pour obtenir cette tranquillité si vivement désirée par chacun d'eux dans l'intérêt de leurs états respectifs.

Tels sont, Mylord, les sentimens qu'ont exprimés généralement tous les souverains et leurs ministres assemblés ici, et il semblerait que la glorieuse indulgence qu'ils ont montrée, lorsqu'ils étaient maîtres de la capitale de la France au commencement de l'année dernière, doit prouver aux Français que cette guerre n'est point dirigée contre leur liberté et leur indépendance, ni excitée par aucun sentiment d'ambi tion, par aucun désir de conquêtes, mais qu'elle naît de la nécessité même, qu'elle est fondée sur le principe de la propre conservation, et sur le droit légitime et incontestable d'obtenir une garantie raisonnable pour leur tranquillité et leur indépendance, indépendance pour laquelle les autres nations n'ont pas moins le droit de demander des garanties à la France, que la France n'en a à en réclamer d'elles

Aujourd'hui on a mis sous les yeux des plénipotentiaires des trois puissances alliées réunis en conférence, la note qui devait être proposée relativement à l'échange des ratifications du traité du 25 Mars. Après ce que je viens de dire de l'opinion des souverains alliés relativement à l'objet de la guerre, il est sans doute inutile d'ajouter que l'explication apportée par cette note, ainsi que l'interprétation donuée par S. A. R. le prince-régent, au huitième article du traité, ont été favorablement reçues. Des instructions seront en conséquence données immédiatement aux ambassadeurs des cours impériales d'Autriche et de Russie, et du ministre de S. M. prussienne, d'adopter cette note dans l'échange des ratifications du traité en question.

Afin d'être bien assuré que je n'ai rien avancé dans cette

dépêche qui ne s'accorde avec les vues des cabinets des souverains alliés, j'ai fait part aux ministres plénipotentiaires de ces puissances du contenu de ma lettre, et j'ai l'honneur de vous informer que les sentimens qui y sont exprimés coïn cident entièrement avec ceux de leur cour respective.

No. 6.

Adhésion de l'Autriche à l'interprétation donnée par le Gouvernement anglais au 8e. article du traité.

Le soussigné, ministre d'état et des affaires étrangères de S. M. l'empereur d'Autriche, ayant informé son auguste maître des communications à lui faites par lord Castlereagh, concernant le 8e. article du traité du 25 Mars dernier, a reçu l'ordre de S. M. de déclarer que l'interprétation donnée à cet article par le gouvernement britannique, est entièrement conforme aux principes sur lesquels S. M. I. se propose de régler sa politique dans le cours de la guerre actuelle.

L'empereur, quoique irrévocablement résolu à diriger tous ses efforts contre l'usurpation de Napoléon Bonaparte, ainsi que cet objet a été exprimé dans le 3e. article dudit traité, et à agir avec ses alliés dans le plus parfait concert, est néanmoins convaincu que le devoir qui lui est imposé par l'intérêt de ses sujets et par ses propres principes, ne lui permettra pas de poursuivre la guerre pour imposer à la France un gouvernement quelconque.

Quelque soit le vœu que forme S. M. l'empereur pour voir replacer sur le trône S. M. très-chrétienne, et quel que soit son constant désir de contribuer conjointement avec ses alliés à atteindre un but aussi désirable, S. M. a cru, juste de ré pondre par cet éclaircissement à la déclaration que S. Exc. lord Castlereagh a remise lors de l'échange des ratifications du traité; laquelle déclaration le soussigné est pleinement autorisé à accepter.

Vienne, 9 Mai 1815.

(Signé) METTErnich.

No. 7.

CONGRÈS DE VIENNE.

Extrait du procès-verbal des conférences des puissances signataires du traité de Paris.

Conférence du 12 Mai 1815.

La commission nommée le 9 de ce mois est chargée d'examiner si après les événemens qui se sont passés depuis le retour de Napoléon Buonaparte en France, et ensuite des pièces publiées à Paris sur la déclaration que les puissances ont fait émaner contre lui le 13 Mars dernier, il serait nécessaire de procéder à une nouvelle déclaration, a présenté à la séance de ce jonr le rapport qui suit.

Rapport de la commission.

La déclaration publiée le 13 Mars dernier contre Napoléon Buonaparte et ses ad'hérens, par les puissances qui ont signé le traité de Paris, ayant depuis son retour à Paris été discutée dans différentes formes par ceux qu'il a employés à cet effet; ces discussions ayant acquis une grande publicité, et une lettre adressée par lui à tous les sonverains, ainsi qu'une note adressée par le duc de Vicence aux chefs des cabinets de l'Europe, ayant également été publiées par lui dans l'intention manifeste d'influer sur l'opinion publique et de l'égarer, la commission nommée dans la séance du 9 de ce mois, a été chargée de présenter un travail sur ces objets; et attendu que dans les publications susdites on a essayé d'invalider la déclaration du 13 Mars, en partant de ce fait :

1°. Que cette déclaration dirigée contre Buonaparte à l'époque de son débarquement sur les côtes de France, se trouvait sans application, maintenant qu'il s'était emparé des rênes du gouvernement sans résistance ouverte, et que ce fait prouvant suffisamment le vœu de la nation, il se trouvait nonseulement rentré dans ses anciens droits vis-à-vis de la France, mais que la question même de la légitimité de son gouververnement avait cessé d'être du ressort des puissances.

2o. Qu'en offrant de ratifier le traité de Paris il écartait tout motif de guerre contre lui.

La commision a été spécialement chargée de prendre en considération ;

1. Si la position de Buonaparte vis-à-vis des puissances de l'Europe a changé par le fait de son arrivée à Paris et par les circonstances qui ont accompagné les premiers succès de son entreprise sur le trône de France.

2o. Si l'offre de sanctionner le traité de Paris du 30 Mai 1814 peut déterminer les puissances à adopter un systême différent de celui qu'elles avaient énoncé dans la déclaration du 13 Mars.

3o. S'il est nécessaire ou convenable de publier une nouvelle déclaration pour confirmer ou pour modifier celle du 13 Mars.

La commission après, avoir mûrement examiné ces questions, rend à l'assemblée des plénipotentiaires le compte suivant du résultat de ses délibérations.

PREMIÈRE QUESTION.

La position de Buonaparte vis-à-vis des puissances de l'Europe a-t-elle changé par les premiers succès de son entreprise ou par les événemens qui se sont passés depuis son arrivée à Paris ?

Les puissances, informées du débarquement de Buonaparte en France, n'ont pu voir en lui qu'un homme qui, en se por

tant sur le territoire français, à main armée, et avec le projet avoué de renverser le gouvernement établi, en excitant le peuple et l'armée à la révolte contre le souverain légitime, et en usurpant le titre d'Empereur des Français, avait encouru les peines que toutes les législations prononcent contre de pareils attentats ; no homme qui en abusant de la bonne foi des souverains, avait rompo un traité solennel; un homme enfin qui, en rappelant sur la France, heureuse et tranquille, tous les fléaux de la guerre intérieure et extérieure, et sur l'Europe, au moment où les bienfaits de la paix devaient la consoler de ses longues souffrances, la triste nécessité d'un nouvel armement général, était regardé à juste titre comme l'ennemi implacable du bien public. Telle fut l'origine, tels furent les motifs de la déclaration du 13 Mars: déclaration dont la justice et la nécessité ont été universellement reconnues et que l'opinion générale a sanctionnée.

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Les événemens qui ont conduit Buonaparte à Paris, et qui lui ont rendu pour le moment l'exercice du pouvoir suprême, ont sans doute changé de fuit la position dans laquelle il se trouvait à l'époque de son entrée en France; mais ces événemens amenés par des intelligences criminelles, par des conspirations militaires, par des trahisons révoltantes, n'ont pu créer aucun droit; ils sont absolument nuls sous le point de vue légal; et pour que la position de Buonaparte fat essentiellement et légitimement changée, il faudrait que les démarches qu'il a faites pour s'établir sur les ruines d'un gouvernement renversé par lui, eussent été confirmées par un titre légal quelconque. Buonaparte établit dans ses publications, que le vœu de la nation française en faveur de son rétablissement sur le trône, suffit pour constituer ce titre légal.

La question à examiner par les puissances se réduit aux termes suivans: Le consentement réel ou factice, explicite ou tacite de la nation française au rétablissement du pouvoir de Buonaparte, peut-il opérer dans la position de celui-ci vis-àvis des puissances étrangères, un changement légal et former un titre obligatoire pour ces puissances?

La commission est d'avis que tel ne peut point être l'effet d'un pareil consentement, et voici les raisons sur lesquelles elle s'appuie.

Les puissances connaissent trop bien les principes qui doivent les guider dans leur rapport avec un peuple indépendant, pour entreprendre (comme on voudrait les en accuser) de lui imposer des lois, de s'immiscer dans ses affaires intérieures, de lui assigner une forme de gouvernement, de lui donner des maîtres au gré des intérêts ou des passions de ses voisins. Mais elles savent aussi que la liberté d'une nation de changer son gouvernement doit avoir ses justes li mites, et que si les puissances étrangères n'ont pas le droit

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