Page images
PDF
EPUB

de cette rivière. Notre armée déboucha dans la plaine; sa gauche, sous les ordres du maréchal Ney, par Gosselies; le centre, où était l'Empereur, par Fleurus; et sa droite, dirigée par le général Gérard, sur Sombref.

L'affaire s'engagea à deux heures sur la gauche et le centre. On s'est battu avec un acharnement inconcevable de part et d'autre. Les villages de Saint-Amand et de Ligny furent pris et repris plus de quatre fois. Nos soldats se sont tous Couverts de gloire. A huit heures, l'empereur, avec toute sa garde, a fait attaquer et enlever Ligny. Nos braves se sont portés, au pas de charge sur la principale position de l'ennemi. Son armée a été forcée au centre, et obligée de se retirer dans le plus grand désordre. Blücher, avec les Prussiens, sur Namur, et Wellington sur Bruxelles.

Plusieurs pièces de canon ont été enlevées par la garde, qui a tout culbuté devant elle. Le feu n'a cessé qu'à dix heures du soir. Tout marche aux cris mille fois répétés de vive l'Empereur! Ce sont aussi les dernières paroles que prononçaient les braves qui succombaient. Jamais on n'a vu un semblable enthousiasme.

Une division anglaise, de 4 à 5000 Ecossais a été taillée en pièces; on n'en a pas vu de prisonniers. Le noble lord doit être confondu....

Il y a, sur le champ de batailie, huit ennemis pour un Français.

On dit que leur perte est de 50,000 hommes. La canonnade ressemblait à celle de la Moskowa.

Ce matin 17, la cavalerie du général Pajol s'est mise à la poursuite des Prussiens sur la route de Namur. Il est déjà à deux lieues et démie. On les ramasse par bandes.

savent où sont leurs chefs.

Ils ne

La déroute est complette de ce côté, et j'espère qu'on n'entendra pas parler de sitôt des Prussiens, si toutefois ils peuvent se rallier.

Quant aux Anglais, on verra aujourd'hui ce qu'ils devien dront. L'empereur est là.

21 Juin 1815.

NOUVELLE DE L'ARMÉE.

Bataille de Ligny-sous-Fleurus.

Le 16 au matin, l'armée ocupait les positions suivantes : L'aile gauche, commandée par le maréchal duc d'Elchingen, et composée du ler et du 2e corps d'infanterie et du 2e de cavalerie, occupait les positions de Frasne.

L'aile droite, commandée par le maréchal Grouchy, et composée des 3e et de corps d'infanterie et du 3e corps de cavalerie, occupait les hauteurs derrière Fleurus.

Le quarter-général de l'Empereur était à Charleroy, où se trouvaient la garde impériale et le 6e corps.

L'aile gauche eut l'ordre de marcher sur les Quatre-Bras, et la droite sur Sombre. L'empereur se porta à Fleurus avec sa réserve.

Les colonnes du maréchal Grouchy étant en marche, aperçurent après avoir dépassé Fleurus, l'armée ennenie, commandée par le feld-maréchal Blücher, occupant les plateaux du moulin de Bussy, par la gauche, le village de Sombre, et prolongeant sa cavalerie fort avant sur la route de Namur, sa droite était à Saint-Amand, et occupait ce gros village avec de grandes forces, ayant devant elle un ravin qui formait sa posi

tion.

L'empereur fut reconnaître la force et les positions de l'en. nemi, et résolut d'attaquer sur-le-champ. Il fallut faire un changement de front, la droite en avant et en pivotant sur Fleurus.

Le général Vandamme marcha sur Saint-Amand, le général Gérard sur Ligny et le maréchal Grouchy sur Sombre. La 4e division du 2e corps, commandée par le général Girard, marcha en réserve derrière le corps du général Vandamme. La garde se rangea à la hauteur de Fleurus, ainsi que les cuirassiers du général Milhaud.

A trois heures après-midi, ces dispositons furent achevées. La division du général Lefol, faisant partie du corps du général Vandamme, s'engagea la première et s'empara de Saint-Amand, d'où elle chassa l'ennemi à la baïonnette. Elle se maintint pendant tout le combat au cimetière et au clocher de SaintAmand; mais ce village, qui est très-étendu fut le théâtre de différens combats pendant la soirée; tout le corps du général Vandamme y fut engagé, et l'ennemi y engagea des forces considérables.

Le général Girard placé en réserve du corps du général Vandamme, tourna le village par sa droite et s'y battit avec sa valeur accoutumée. Les forces respectives étaient soutenues de part et d'autre par une soixantaine de bouches à feu.

A la droite, le général Gérard s'engagea avec le 4e corps au village de Ligny, qui fut pris et repris plusieurs fois.

Le maréchal Grouchy, à l'extrême droite, et le général Pajol combattirent au village de Sombre. L'ennemi montra de 80 à 90 mille hommes et un grande nombre de pièces de

canon.

A sept heures, nous étions maîtres de tous les villages situés sur le bord du ravin qui couvrait la position de l'ennemi mais il occupait encore avec toutes ses masses le plateau du moulin de Bussy.

L'Empereur se porta avec sa garde au village de Ligny, Le général Gérard fit déboucher le général Pecheux avec ce qui lui restait de réserve, presque toutes les troupes ayant été

engagées dans ce village. Huit bataillons de la garde débouchèrent à la bayonnette, et derrière eux les quatre escadrons de service, les cuirassiers du général Delort, ceux du général Milhaud, et les grenadiers à cheval de la garde. La vieille garde aborda à la bayonnette les colonnes ennemies qui étaient sur les hauteurs de Bussy, et en un instant couvrit le champ de bataille de morts. L'escadron de service attaqua et rompit un carré, et les cuirassiers poussèrent l'ennemi dans toutes les directions. A sept heures et demie nous avions 40 pièces de canon, beaucoup de voitures, des drapeaux et des prisonniers, et l'ennemi cherchait son salut dans une retraite préciptée. A dix heures, la bataille était finie, et nous nous trouvions maîtres de tout le champ de bataille.

Le général Lutzow, partisan, a été fait prisonnier. Les prisonniers assurent que le feld-maréchal Blücher a été blessé. L'élite de l'armée prussienne a été détruite dans cette bataille, Sa perte ne peut être moindre de 15,000 hommes. La nôtre est de 3,000 hommes tués ou blessés.

A la gauche le maréchal Ney avait marché sur les QuatreBras, avec une division qui avait culbuté une division anglaise qui s'y trouvait placée. Mais attaqué par le prince d'Orauge avec vingt-cinq mille hommes, partie Anglais, partie Hanovriens, à la solde de l'Angleterre, il se replia sur sa position de Frasnes. Là, s'engagèrent des combats multipliés; l'ennemi s'attachait à le forcer, mais il le fit vainement. Le duc d'El. chingen attendait le premier corps qui n'arriva qu'à la nuit, il se borna à garder sa position. Dans un carré attaqué par le se régiment de cuirassiers, le drapeau du 69e régiment d'in fanterie anglais est tombé entre nos mains. Le prince de Brunswick a été tué. Le prince d'Orange a été blessé. On assure que l'ennemi a eu beaucoup de personnages et de géné raux de marque tués ou blessés; on porte la perte des Anglais, à 4 ou 5000 hommes, la nôtre de ce côté, a été très-considérable, elle s'élève à 4200 hommes tué ou blessés. Ce combat a fini à la nuit. Lord Wellington a ensuite évacué les QuatreBras, et s'est porté sur Genappes.

Dans la matinée du 17, l'Empereur s'est rendu aux QuatreBras, d'où il a marché pour attaquer l'armée anglaise; il l'a poussé jusqu'à l'entrée de la forêt de Soignes avec l'aile gauche et la réserve. L'aile droite s'est portée par Sombre à la suite du feld-maréchal Blücher, qui se dirigeait sur Savres, où il paraissait vouloir se placer.

A dix heures du soir, l'armée anglaise occupa Mont-SaintJean par son centre, se trouva en position en avant de la forêt de Soignes; il aurait fallu pouvoir disposer de trois heures pour l'attaquer, on fut donc obligé de remettre au lendemain.

Le quartier-général de l'empereur fut établi à la ferme de Caillon près Planchenoit. La pluie tombait par torrens,

Ainsi, dans la journée du 16, la gauche, la droite et la réserve ont été également engagées à une distance d'à peu-près deux lieues.

Bataille de Mont-Saint-Jean.

A neuf heures du matin, la pluie ayant un peu diminué, le ler corps se mit eu mouvement, et se plaça, la gauche à la route de Bruxelles, et vis-à-vis le village de Mont-Saint-Jean, qui paraissait le centre de la position de l'ennemi. Le second corps appuya sa droite à la route de Bruxelles, et sa gauche à un petit bois à portée de canon de l'armée anglaise. Les cuirassiers se portèrent en réserve derrière, et la garde en réserve sur les hauteurs. Le 6e corps avec la cavalerie du général d'Aumont, sous les ordres du comte Lobau, fut destinée à se porter en arrière de notre droite, pour s'opposer à un corps prussien qui paraissait avoir échappé au maréchal Grouchy, et être dans l'intention de tomber sur notre flanc droit, intention qui nous avait été connue par nos rapports, et par une lettre d'un général prussien, qui portait une ordonnance prise par nos

Coureurs.

Les troupes étaient pleines d'ardeur. On estimait les forces de l'armée anglaise à 80 mille hommes; on supposait qu'un corps prussien, qui pouvait être en mesure vers le soir, pouvait être de 15 mille hommes. Les forces ennemies étaient douc de plus de 90 mille hommes. Les nôtres moins nombreuses.

A midi, tous les préparatifs étant terminés, le prince Jérôme, commandant une division du 2e corps, et destiné à en former l'extrême gauche, se porta sur le bois dont l'ennemi occupait une partie. La canonnade s'engagea ; l'ennemi soutint par 30 pièces de canon les troupes qu'il avait envoyées pour garder le bois. Nous fimes aussi de notre côté des dispositions d'artillerie. A une heure, le prince Jérôme fut maître de tout le bois, et toute l'armée anglaise se replia derrière un rideau. Le comte d'Erlon attaqua alors le village de Mont-Saint-Jean, et fit appuyer son attaque par 80 pièces de canon. Il s'engagea là une épouvantable canonnade, qui dut beaucoup faire souf frir l'armée anglaise. Tous les coups portaient sur le plateau, Une brigade de la 1ère division du comte d'Erlon s'empara du village de Mont-Saint-Jean; une seconde brigade fut chargée par un corps de cavalerie anglaise, qui lui fit éprouver beau coup de pertes. Au même moment, une division de cavalerie anglaise chargea, la batterie du comte d'Erlon par sa droite, et désorganisa plusieurs pièces; mais les cuirassiers du général Milhaud chargèrent cette division, dont trois régimens furent rompus et écharpés.

Il était trois heures après midi. L'empereur fit avancer la garde pour la placer dans la plaine sur le terrein qu'avait oc cupé le premier corps au commencement de l'action; ce corps se trouvant déjà en avant. La division prussienne, dont ou

avait prévu le mouvement s'engagea alors avec les tirailleurs du comte Lobau, en prolongeant son feu sur tout notre flanc droit. Il était convenable, avant de rien entreprendre ailleurs, d'attendre l'issue qu'aurait cette attaque. A cet effet, tous les moyens de la réserve étaient prêts à se porter au secours du comte Lobau et à écraser le corps prussien, lorsqu'il se serait avancé.

Cela fait, l'empereur avait le projet de mener une attaque par le village de Mont-Saint-Jean dont on espérait un succès décisif; mais par un mouvement d'impatience, si fréquent dans nos annales militaires et qui nous a été souvent si funeste la cavalerie de réserve s'étant aperçue d'un mouvement rétrograde que faisaient les Anglais pour se mettre à l'abri de nos batteries, dont ils avaient déjà tant souffert, couronna les hauteurs de Mont-Saint-Jean et chargea l'infanterie. Ce mouvement qui, fait à tems et soutenu par les réserves, devait décider de la journée, fait isolément et avant que les affaires de la droite ne fussent terminées, devint funeste.

N'y ayant aucun moyen de le contremander, l'ennemi montrant beaucoup de masses d'infanterie et de cavalerie, et ses deux divisions de cuirassiers étant engagées, toute notre cavalerie courut au même moment pour soutenir ses camarades. Là, pendant trois heures, se firent de nombreuses charges qui nous valurent l'enfoncement de plusieurs carrés et six drapeaux de l'infanterie anglaise, avantage hors de proportion avec les pertes qu'éprouvait notre cavalerie par la mitraille et les fusillades. Il était impossible de disposer de nos réserves d'infanterie jusqu'à ce qu'on eût repoussé l'attaque de flanc du corps prussien. Cette attaque se prolongeait toujours et perpendiculairement sur notre flanc droit, l'empereur y envoya le général Duhesme avec la jeune garde et plusieurs batteries de réserve. L'ennemi fut contenu, fut repoussé et recula; il avait épuisé ses forces, et l'on n'en avait plus rien à craindre. C'est ce moment, qui était celui indiqué pour une attaque sur le centre de l'ennemi. Comme les cuirassiers souffraient par la mitraille, on envoya quatre bataillons de la moyenne garde pour protéger les cuirassiers, soutenir la position, et si cela était possible, dégager et faire reculer dans la plaine une par

tie de notre cavalerie.

On envoya deux autres bataillons pour se tenir en potence sur l'extrême gauche de la division, qui avait manœuvré sur nos flancs, afin de n'avoir de ce côté aucune inquiétude, le reste fut disposé en réserve, partie pour occuper la potence en arrière de Mont-Saint-Jean, partie sur le plateau en arrière du champ de bataille qui formait notre position de retraite.

Dans cet état de chose, la bataille était gagnée, nous occupious toutes les positions que l'ennemi occupait au commencement de l'action, potre cavalerie ayant été trop tôt et mal em

« PreviousContinue »