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ministre de la guerre nous a fait de vive voix un rapport peu satisfaisant. Il est en ce moment anx avant-postes, et nous attendons un rapport positif sur notre véritable position militaire.

Quel que soit l'événement, nous ne vous proposerons rien de pusillanime et de contraire à nos devoirs. Nous défen drons jusqu'à la dernière extrémité l'indépendance de la nation, l'inviolabilité des chambres, la liberté et la sûreté des citoyens.

Agréez, M. le président, les nouvelles assurances de ma plus haute considération.

(Signé) Le duc D'OTRANTE.

M. Durbach. Je profite de cette circonstance pour donner connaissance à la chambre d'une lettre écrite par le duc d'Otrante à lord Wellington. Beaucoup d'inquiétudes se sont manifestées; elles ne sont point fondées.

M. Durbach commence la lecture. On demande de toutes parts la date. Elle est du 27 au soir.

A. S. S. Lord Wellington, général en chef de l'armée anglaise.

'Milord, vous venez d'agrandir votre nom par de nouvelles victoires remportées sur les Français. C'est donc par vous surtout que les Français sont connus et appréciés. Vous voterez pour leurs droits au milieu des puissances de l'Europe. Dans ce conseil de souverains, votre crédit et votre influence ne peuvent pas être moindres que votre gloire.

Les vœux des nations qui ne calomnient ni ne flattent, ont fait connaître votre caractère. Dans toutes vos conquêtes, votre droit des gens a été la justice, et votre politique a paru la voix de votre conscience.

Vous trouverez les demandes que nous faisons par nos plé nipotentiaires conformes à la justice la plus rigoureuse.

La nation française veut vivre sous un monarque. Elle veut aussi que ce monarque règne sous l'empire des lois.

La république nous a fait connaître tout ce qu'ont de funeste les excès de la liberté ; l'empire tout ce qu'a de funeste l'excès du pouvoir. Notre væu, et il est immuable, est de trouver à égale distance de ces excès l'indépendance, l'ordre et la paix de l'Europe.

Tous les regards en France sont fixés sur la constitution de l'Angleterre ; nous ne prétendons pas à être plus libres qu'elle, nous ne consentirons pas à l'être moins.

Les représentans du peuple français travaillent à son pacte social. Les pouvoirs seront séparés, mais non divisés. C'est de leur séparation même qu'on veut faire naître leur har monie.

Dès que ce traité aura reçu la signature du souverain qui sera appelé à gouverner la France, ce souverain recevra le sceptre et la couronne des mains de la nation.

Dans l'état actuel des lumières de l'Europe, un des plus grands malheurs du genre humain, ce sont les divisions de la France et de l'Angleterre: unissons-nous pour le bonheur du monde.

Milord, nul homme en ce moment ne peut, aussi puissamment que vous, concourir à mettre l'humanité toute entière sous un meilleur génie et dans une meilleure condition. Je prie votre seigneurie d'agréer l'assurance de ma plus baute considération,

Le président du gouvernement,

Paris, le 27 Juin 1815.

Le Duc D'OTrante.

30 Juin, 1815.

CHAMBRE DES REPRÉSENTANs.

Séance du 29 Juin.

M. le président fait donner communication à la chambre du message suivant, adressé par la commission de gouvernement, et des pièces qui l'accompagnent,

Monsieur le président,

La commission de gouvernement n'a pas perdu de vue un instant que Napoléon par suite de son abdication se trouve placé sous la sauvegarde de l'honneur français.

Son premier soin a été de demander aux généraux ennemis des sauf-conduits pour la sûreté de sa personne.

Le 25 Juin, Napoléon a demandé que deux frégates fussent mises à sa disposition.

La commission a sur le champ autorisé le ministre de la marine à armer ces deux frégates. Le lieutenant-général Beker a été chargé de pourvoir à la sûreté de la personne de Napoléon pendant sa route, et tous les ordres nécessaires ont été donués pour assurer le service des relais.

Cependant, hier 28, Napoléon n'était pas encore parti: Le sauf-condnit n'arrivant pas; l'approche de l'ennemi donnant de vives inquiétudes sur la sûreté de Napoléon, la crainte d'un mouvement de l'intérieur ajoutant encore à ces inquiétudes, la commission s'est décidée à presser de nouveau le départ de Napoléon, et les ordres les plus positifs ont été donnés au ministre de la marine. Ce dernier a été envoyé près de lui avec le comte Boulay.

La chambre verra par la copie ci-jointe de la réponse de Lord Wellington, qu'il ne s'est pas cru autorisé à donner les sauf-con

duits demandés, et que la commission a rempli un de ses devoirs les plus sacrés, en faisant partir Napoléon.

La commission du gouvernement informe la chambre que Napoléon est parti à quatre heures, comme le prouve la lettre ci jointe du général Beker.

La commission invite la chambre à s'occuper de son sort et de celui de sa famille.

Agréez, monsieur le président, l'assurance de ma plus haute considération.

Paris, le 29 Juin, 1815.

(Signé) Le Duc de D'OTRANTE.

Copie de la lettre écrite à M. le compte Bignon.
Au quartier-général, le 28 Juin.

Monsieur le comte,

J'ai eu l'honneur de recevoir la lettre de V. Exc. en date du 25.

J'ai déjà écrit à MM. les commissaires nommés pour traiter, de la paix avec les puissances alliées sur la proposition d'une suspension d'hostilités, une réponse que V. Exc. a vue, et je n'ai rien à y ajouter.

Pour ce qui regarde un passeport et sauf-conduit pour Napoléon Bonaparte pour passer aux Etats-Unis d'Amérique, je dois prévenir V. Exc. que je n'ai aucune autorité de mon gouvernement pour donner une répouse quelconque sur cette demande. J'ai l'honneur d'être avec la considération la plus distinguée, Monsieur le comte,

De Votre Excellence,

Le trés-obeissant serviteur,

(Signé) WELLINGTON.

Malmaison, le 29 Juin, 1815.

Copie de la lettre du général Becker.

Monseigneur,

J'ai l'honneur d'annoncer à la commission de gouvernement que l'empereur va monter en voiture pour se rendre à sa destination, en faisant des vœux pour le rétablissement de la paix et de la prospérité de la France.

Daignez, Monseigneur, agréer l'hommage du profond respect avec lequel j'ai l'honneur d'être,

Le très-humble et très-obéissant serviteur, (Signé) le général comte BECker.

CHAMBRE DES PAIRS.

Séance du 29 Juin.

Deux messages sont adressés à la chambre par la commission

de gouvernement.

Le comte Thibaudeau, secrétaire, en donne lecture.

(Voyez à la CHAMBRE DES REPRÉSENTANS.)

M. le comte de Lavalette demande que le ministre de la marine veuille bien donner des détails sur les dispositions qui ont été prises pour le départ de Napoléon, afin qu'on ne puisse lui supposer de l'obstination à ne pas vouloir partir.

M. le président.-J'invite M. le duc Decrès de vouloir bien donner les détails que la chambre paraît désirer.

M. le duc Decrès.-Je croyais n'avoir pas à occuper ce soir la chambre de cet objet. Je le croyais d'autant moins, que dans le comité secret qui a été tenu hier au soir j'ai donné tous les détails qu'on pouvait désirer. Le fait est que j'ai été chargé par la commission de gouvernement de faire connaître à Napoléon que le gouvernement adhérait à la demande qu'il avait faite d'un certain nombre de bâtimens armés, avec cette condition qu'il se rendrait de suite à sa destination, mais que ne voulant pas compromettre sa personne, son embarquement serait subordonné à l'arrivée des sauf-conduits que l'on avait demandés pour lui.

Je ne me rappelle pas le jour où j'ai été chargé de lui faire cette ouverture qui, au fait, n'était pas une ouverture, puisque la demande avait été faite par lui, et je n'en ai eu connaissance que par l'ordre que j'ai reçu de l'exécuter. Je me suis rendu chez celui qui avait été notre empereur, il n'y a pas long-tems. Je lui ai exposé quel était de la question. Il m'a dit: je désire ne pas me rendre à cette destination, que je ne sois sûr de partir à l'instant même. J'ai fait connaître à la commission le résultat de cette démarche. Les choses restèrent 24 heures en cet état. Je reçus le lendemain des instructions relatives au 5e article des ordres que j'avais reçus, lequel disait que l'empereur ne partirait que lorsque les sauf-conduits seraient arrivés.

Ces instructions portaient que ce 5e article était regardé comme non avenu. J'en ai fait part à Napoléon, qui me dit qu'il partirait. Je revenais à Paris lorsque je reçus du gouvernement une lettre qui m'annonçait que de nouvelles dépêches venues, rendaient nécessaire l'exécution de l'art. 5, et que l'on m'ordonnait d'insister sur son exécution. J'étais près des Tuileries. J'avais pris avec l'empereur une sorte d'engagement de le faire partir. Je me rendis aux Tuileries, et la commission me déclara qu'elle ne pouvait pas se désister de cette dernière instruction par des considérations politiques et même d'intérêt pour la personne de Napoléon: tel était l'état des choses, lorsque, hier au soir, je reçus un nouvel ordre qui me faisait connaître que les sauf-conduits n'arrivaient pas; que les circonstances plus impérieuses rendaient nécessaires le départ de Napoléon; que la commission de gouvernement s'occupait de sa sûreté qui avait été mise sous la sauve-garde et confiée à la loyauté du peuple français; que le plus grand intérêt était qu'il s'éloignât

de Paris; que l'article 5 n'était plus obligatoire. On ne chargea de lui annoncer qu'il partirait quand il voudrait; que je pouvais mettre les bâtimens à sa disposition. On m'adjoignit un ministre-d'état, M. Boulay, pour lui faire cette dernière communication. Je me rendis à trois heures et demie chez l'empereur je lui exposai l'état des choses. Après une longue conversation, il me dit à quatre heures du matin : je partirai demain dans la journée. J'apprends que l'empereur est parti, je n'ai rien à ajouter.

M. Decrès reprend: on me fait observer que je confonds les jours et les dates. Voilà trois jours et trois nuits que je n'ai dormi: les jours et les nuits se sont confondus dans mon imagination; mais ces choses se sont passées eu 96 heures.

M. le comte Thibaudeau.-Il me semble que la chambre doit prendre en considération la partie du message qui concerne le sort à assurer à Napoléon et à sa famille. Je demande qu'il soit nommé une commission spéciale pour nous faire un rapport sur cet objet.

Cette proposition est appuyéé.

ier Juillet, 1815.

Paris le 30 Juin.

ADRESSE AUX FRANÇAIS,

Proposée par la chambre des représentans le premier Juillet. "Français, les puissances étrangères ont proclamé à la facé de l'Europe, qu'elles n'étaient armées que contre Napoléon, qu'elles voulaient respecter notre indépendance, et le droit qu'a toute nation de se choisir un gouvernement conforme à ses mœurs et à ses intérêts. Napoléon n'est plus le chef de l'état; lui-même a renoncé au trône. Son abdication a été acceptée par vos représentans. Il s'est éloigné de nous; les souverains le savent; la guerre doit donc être finie, si les promesses des rois ne sont pas vaines. Cependant, tandis que des plénipotentiaires ont éte envoyés pour traiter de la paix, au nom de la France, avec les pnissances coalisées, les généraux de deux de ces puissances se sont refusés à toute suspension d'armes, ont précipité leur marche à la faveur d'un moment de trouble et d'hésitation; ils sont aux portes de la capitale, sans qu'aucune communication soit venue nous apprendre pourquoi la guerre continue. Bientôt nos plénipotentiaires nous diront s'il faut renoncer à la paix. Mais en attendant, la résistance est aussi nécessaire que légitime; et si l'humanité demande compte du sang inutilement versé, elle ne s'adressera point aux braves qui ne se battent que pour repousser de leur foyer le meurtre et le pillage; pour défendre, avec leur vie, la cause de la liberté et de cette indépendance dont le droit imprescrip

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