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tible leur a été garanti par les manifestes mêmes de leurs ennemis.

"Au milieu de ces graves circonstances, vos représentans ne pouvaient oublier qu'ils ne furent point envoyés pour stipuler les intérêts d'un parti quelconque, mais ceux de la nation toute entière. Ils ont profondément senti que toute acte de faiblesse ne servirait en la déshonorant, qu'à compromettre le répos de la France pendant un long avenir. Tandis que le gouvernement organise tous les moyens d'obtenir une solide paix, que pourrait-il faire de plus utile à la nation, que de recueillir et de fixer les règles fondamentales d'un gouvernement monarchique et représentatif, destiné à garantir aux citoyens la libre jouissance des droits sacrés qu'ils ont achetés tant et de si grands sacrifices, et de rallier pour toujours, sous les couleurs nationales, tous les Français qui n'ont d'autre intérêt et d'autres vœux que de jouir d'un repos honorable et d'uné sage indépendance.

par

"Maintenant elle croit de son devoir et de sa dignité, de déclarer qu'elle ne saurait avouer pour chef légitime de l'état, celui qui en montant sur le trône, refuserait de reconnaître les droits de la nation, et de les consacrer par un pacte solennel; et si la force des armes parvenait à nous imposer momentanément un maître, si les destins d'une grande nation devaient encore être livrés au caprice et à l'arbitraire d'un petit nombre de privilégiés, alors, cédant à la force, la chambre des représentans protestera à la face du monde entier, des droits de la nation française opprimée.

"Elle en appelera à l'énergie de la génération actuelle et des générations futures pour revendiquer à la fois son indépendance nationale et sa liberté civile. Elle en appelle dès à présent à la justice et à la raison de tous les peuples civilisés."

2 Juillet, 1815.

Paris, le 1er Juillet.

Lettre écrite par S. Exc. le ministre de la guerre à lord Wellington.

Au quartier-général de la Villette, le 30 Juin, 1815.

Milord,

Vos mouvemens hostiles continuent, quoique suivant leurs déclarations, les notifs de la guerre que nons font les souverains alliés n'existent plus, puisque l'empereur Napoléon a ab diqué.

Au moment où le sang est de nouveau sur le point de coufer, je reçois du maréchal duc d'Albuféra la dépêche télégraphique dont je vous transmets copie. Milord, je garantis sur mon honneur cet armistice. Toutes les raisons que vous auriez de continuer les hostilités sont détruites, parce que vous ne pouvez pas avoir d'autre instruction de votre gouvernement que elle que les généraux autrichiens tenaient du leur.

Je fais à votre seigneurie la demande formelle de cesser immédiatement toute hostilité, et que l'on s'occupe d'un armis, tice en attendant la décision du congrès. Je ne puis croire, Milord, que ma demande restera sans effet; vous prendriez sur vous une grande responsabilité aux yeux de vos nobles compatriotes.

Nul autre motif que celui de faire cesser l'effusion du sang et l'intérêt de ma patrie, ne m'ont dicté cette lettre.

Si je me présente sur le champ de bataille avec l'idée de vos talens, j'y porterai la conviction d'y combattre pour la plus sainte des causes, celle de la défense et de l'indépendance de ma patrie, et quel qu'en soit le résultat, je mériterai, Milord, votre estime.

Agréez, je vous prie, Milord, l'assurance de ma très-haute considération.

Le ministre de la guerre,

Maréchal prince d'ECKмÜHL. La même lettre a été écrite par S. Exc. à M. le maréchal Blücher.

CHAMBRE DES REPRÉSENTANS.
Seance du ler Juillet.

Un secrétaire donne lecture de la lettre suivante:

"Représentans du peuple,

"Nous sommes en présence de nos ennemis : jurons entre vos mains et à la face du monde, de défendre jusqu'au dernier soupir la cause de notre indépendance et l'honneur national. On voudrait nous imposer les Bourbons, et ces princes sont rejetés par l'immense majorité des Français; si on pouvait souscrire à leur rentrée, rappelez-vous, représentans, qu'on aurait signé le testament de l'armée, qui pendant vingt années a été le palladium de l'honneur français. Il est à la guerre, surtout lorsqu'on l'a faite aussi longuement, des succès et des revers, Dans nos succès, on nous a vus grands et généreux ; dans nos revers, si on veut nous humilier, nous saurons mourir.

"Les Bourbons n'offrent aucune garantie à la nation. Nous les avions accueillis avec les sentimens de la plus généreuse confiance; nous avions oublié tous les maux qu'ils nous avaient causés par un acharnement à vouloir nous priver de nos droits les plus sacrés. Eh bien! comment ont-ils répondu à cette confiance? Ils nous ont traités comme rebelles et vaincus. Représentans, ces réflexions sont terribles, parce qu'elles sont yrales. L'inexorable histoire racontera un jour ce qu'ont fait les Bourbons pour se remettre sur le trône de France; elle dira aussi la conduite de l'armée, de cette armée essentiellemeut nationale, et la postérité jugera qui mérita le mieux l'estime du monde.

"Au camp de la Villette, le 30 Juin 1815, à trois heures après midi.

« (Signé) le maréchal, ministre de la guerre, prince d'Eckmühl.

Le lieutenant-général commandant en chef le 1er corps de cavalerie, comte Pajol.

Le lieutenant-général baron Fressinet.

Le lieutenant-général commandant l'aile droite de l'armée, comte d'Erlon.

Le lieutenant-général commandant des grenadiers de la garde, comte Roguet.

Le maréchal-de-camp commandant le se régiment des grenadiers de la garde impériale, comte Harlet.

Le général-commandant près la division des chasseurs, Petit.

Le maréchal-de-camp commandant le 2e régiment des gre padiers de la garde impériale, baron Christiani.

Le maréchal-de-camp baron Henrion.

Le lieutenant-général Brunet.

Le najor Guillemain.

Le lieutenant-général baron Lorcet.

Le lieutenant-général Ambert.

Le maréchal-de-camp Marius Clary.
Le maréchal-de-camp Chartrain.
Le maréchal-de-camp Cambriel.
Le maréchal-de-camp Jeannet.

Le général en chef comte Vandamme."

3 Juillet 1815.

CHAMBRE DES REPRÉSENTANS.

Séance du 2 Juillet.

M. Polluche prend la parole au nom de la commission char gée de faire un rapport sur les moyens d'assurer le sort de Napoléon Bonaparte.

M. Polluche. Messieurs, la commission que vous avez chargée de vous présenter un projet pour assurer le sort de Napoléon et de sa famille, et à laquelle vous avez renvoyé la demande faite en son nom par son bibliothécaire,sera très-promptement en état de vous proposer les moyens d'offrir à l'empereur Napoléon le juste tribut de reconnaissance que la France doit à la magnanimité de son sacrifice. Mais l'empereur, en partant pour sa retraite, n'a emporté que les sentimens de la nation qui s'est si long tems honorée de l'avoir pour chef, renonçant au droit qu'il avait d'unir ses destinées à celles de la France, il ne s'est occupé en s'en séparant que du sort de la patrie, et il veut encore que ses momens de loisir soient consacrés à des occupations qui lui retracent des souvenirs que la France partage,

Le bibliothécaire de Napoléon demande en son nom et par son ordre, l'abandon en faveur de Napoléon, de la biliothèque

du palais de Trianon, composée d'environ 2,200 volumes, ainsi que d'un exemplaire de la grande description de l'Egypte et de l'Iconographie grecque de M. Visconti. Il expose que l'impression de ces deux derniers ouvrages est due à la muni ficence de l'empereur, et que, quant à la bibliothèque de Trianou, elle n'est qu'une très-petite partie des livres rassemblés par les ordres de Napoléon dans les palais impériaux, et dont le nombre monte à plus de 62,000 volumes.

La commission qui a accueilli à l'unanimité la demande faite au nom de Napoléon, et consignée dans la lettre du bibliothécaire, qui vient seulement de lui être remise, a pensé que cette demande, qui ne lui paraissait passible d'aucune discussion, devait être l'objet d'une résolution particulière.

Il a été observé que la grande description de l'Egypte doit être composée de trois livraisons, et qu'il en reste encore une à publier.

La commission a pensé qu'il était également de la justice et de la dignité de la nation française, de comprendre dans l'abandon qu'elle a l'honneur de vous proposer la livraison qui complettera cet ouvrage.

La commission croit donc devoir soumettre à la chambre le projet de résolution suivant :

"La chambre des représentans, après avoir entendu le rap port d'une commission spéciale, prend la résolution dont la te neur suit:

Art. 1er. La commission de gouvernement mettra sur-lechamp, à la disposition de Napoléon Bonaparte, la bibliothèque composée d'environ 2,200 volumes, déposée dans le château de Trianon, ainsi qu'un exemplaire des livraisons publiées de la description de l'Egypte, et de l'Iconographie grecque de M. Visconti.

2. La commission de gouvernement est également autorisée de mettre à la disposition de Napoléon Bonaparte la dernière livraison qui reste à publier, de la grande description de l'Egypte, aussitôt qu'elle paraîtra.

La présente résolution sera communiquée par un message à la chambres des pairs et à la commission de gouvernement." Cette résolution est appuyée, le président la met aux voix et elle est adoptée,

CHAMBRE DES PAIRS.
Séance du 2 Juillet, 1815.

M. le président. Le rapporteur de la commission chargée d'examiner la résolution portant adresse au peuple français, a la parole.

M. le comte Thibaudeau, rapporteur. J'ai l'honneur de soumettre à la chambre le rapport de la commission qu'elle a nominée pour examiner la résolution par laquelle la chambre

des représentans a arrêté qu'il serait fait une adresse aux Français.

Lorsque le siége de la représentation nationale est menacé par les armées étrangères, elle doit au peuple français, elle doit à elle-même de constater l'injustice de la guerre, et de consacrer par un monument solennel, la violation la plus inouïe de tous les droits des nations, de toutes les promesses des rois coalisés, et de protester devant le monde et les siècles contre tout ce que la violence pourrait imposer à la France,

Quel a été dans son principe le but de cette guerre ? pourquoi la coalition s'est-elle encore armée contre nous? Vous le savez, les rois l'ont déclaré, l'Europe l'a entendu, c'était pour renverser Napoléon du trône où les événemens l'avaient replacé; les puissances avaient pris l'engagement le plus solennel de respecter, lorsque ce but serait atteint, l'indépendance et la liberté politique de la France, et de ne point la contraindre dans le choix de son gouvernement,

Ce sont les actes mêmes des puissances qui établissent ces faits et ces conséquences; et on ne trouvera pas sans importance dans les circonstances actuelles d'en remettre une ana lyse succincte sous les yeux de la chambre.

Le traité du 25 Mars est dirigé (Art. 1er.) contre les desseins de Napoléon Bonaparte. Les puissances (Art. 3) ne poseront les armes que lorsque son pouvoir sera détruit.

Le motif et le terme de la guerre sont donc parfaitement définis.

Les puissances prétendent-elles aller au-delà. Le mêmẹ traité (Art. 8), en invitant S. M. très-chrétienne (ce sont les propres expressions du traité) à donner son adhésion, pouvait le faire croire. L'Angleterre s'est élevé la première contre cette supposition; elle a proclamé le principe de l'indépendance des nations, et toutes les puissances l'ont reconnu et en ont fait l'application à la France par un engagement solennel.

En effet, la déclaration du prince-régent porte que "l'arti cle 3 du traité ne doit pas être entendu comme obligeant S. M. britannique à poursuivre la guerre dans la vue d'imposer à la France aucun gouvernement particulier."

Cette déclaration a été adoptée par les puissances. Lord Clancarty, ministre de l'Angleterre, chargé de la présenter au congrès, s'exprime de la manière suivante dans le compte qu'il rend de sa mission: "Les souverains ne sont pas en guerre à raison des garanties plus ou moins grandes que la France peut leur donner relativement à le tranquillité future de l'Europe; mais parce que la France sous son chef ne peut leur donner de sûretés d'aucune espèce. Dans cette guerre, ils ne désirent point intervenir dans aucun des droits légitimes du peuple français.

Je continue la citation; et le ministre anglais dont je rapporte les expressions, dit lui-même quels sont ces droits légi

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