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Le lendemain 9, il débarqua sur l'ile d'Aix et en visita les fortifications.

Le 10, les vents étaient favorables pour prendre le large, mais la croisière anglaise et le clair de lune ne laissaient aux frégates que peu d'espoir d'échapper.

Ďu 10 au 11, Napoléon expédia un parlementaire à bord du vaisseau anglais le Bellerophon, MM. le général Savary et Las Cases. Ce parlementaire fut de retour le 11.

Du 11 au 12, Napoléon apprit de son frère Joseph la dissolution des chambres et l'entré du roi à Paris. Jusqu'à ce dernier moment, Buonaparte avait souvent énoncé l'opinion que les chambres le rappeleraient, soit qu'il voulût ainsi en imposer aux autorités qui l'environnaient, soit qu'il nourrit effectivement cette espérance.

Le 12, il descendit sur l'île d'Aix avec sa suite et ses bagages, et dans la nuit du 12 au 13, deux bâteaux demi-pontés y arrivèrent de la Rochelle. Il paraît que Napoléon les avait fait acheter dans l'intention de s'y embarquer et d'essayer de gagner, à la faveur de la nuit, un smak danois avec lequel on suppose qu'il avait traité, et qui devait l'attendre à 30 ou 40 lieues au large. On ignore pourquoi il ne profita pas de ces dispositions; sans doute elles lui parurent trop hasardeuses.

Dans la nuit du 13 au 14,il se rendit à bord du brick français l'Epervier; et le 14 soir, le général Becker, qui avait été parlementer à bord de la station anglaise, étant de retour, Napoléon fit embarquer sa suite et ses bagages sur l'Epervier.

Le 15 au matin, ce bâtiment fut aperçu faisant voile en parlementaire vers le vaisseau amiral; l'état de la mer ne lui permettant pas de s'en rapprocher rapidement, les embarcations anglaises vinrent au-devant de lui, et transportèrent les passagers à bord du Bellerophon. Dans cette circonstance, le lieutenant de vaisseau Jourdan, commandant l'Epervier a cru devoir demander et a obtenu en effet du capitaine du Bellerophon, une attestation écrite de la translation de Buonaparte à bord de ce vaisseau.

Le même jour, une frégate de la station appareilla, faisant voile pour l'Angleterre.

Le 16, le vaisseau le Bellerophon mit à la voile à une heure et demie après-midi. La faiblesse et la direction du vent qui a régné depuis ne permet pas de supposer qu'il ait pu arriver sur les côtes d'Angleterre avant la nuit du 19 au 20.

Le 17, le préfet maritime de Rochefort adressa aux troupes et marins sous ses ordres, une proclamation qui, en annonçant la rentrée de S. M. à Paris au bruit des acclamations de tous les habitans, prescrivait en même tems de prendre la cocarde blanche.

Le pavillon blanc a été hissé sur les mens de la rade, le 17 à midi, et salué

forts, à bord des bâtipar l'artillerie.

Dès le 15, M. le baron Bonnefoux avait manifesté l'intention où il était de faire arborer ces couleurs aux troupes sous son commandement; mais le chef de bataillon commandant de la place, n'ayant point encore reçu les ordres adressés aux généraux dont il dépend, M. le baron de Bonnefoux crut devoir différer pour agir de concert avec cet officier supérieur, qui ne tarda pas à recevoir du maréchal-de-camp Burtraud, commandant le département de la Charente inférieure, l'ordre d'imiter le mouvement de la marine.

Je ne dois pas laisser ignorer à V. Exc. que les sages mesures prises par M. le préfet maritime et M. le maréchal-decamp Burtraud, auraient prévenn les intentions des malveillans, s'il s'en était trouvé.

Rochefort et la Rochelle sont animés du meilleur esprit, et ces ports qui, les derniers se sont trouvés sous l'influence de Buonaparte, n'en ont pas moins été les premiers à manifester leur dévouement à la personne du roi, et leur joie en apprenant la rentrée de notre auguste monarque dans sa capitale.

V. Exc. trouvera ci-joint, la copie d'une lettre adressée par Napoléon au priuce-régent d'Angleterre, et qui a dû parvenir à S. A. R. par le moyen de la station anglaise.

Je prie V. Exc. d'agréer l'hommage de mon profond respect,

Le capitaine de frégate,
H DE RIGNY.

Copie de la lettre de Napoléon Bonaparte à S. A. R. le prince régent d'Angleterre.

Altesse royale,

En butte aux dissensions qui divisent mon pays, et à l'inimitié des puissances de l'Europe, j'ai terminé ma carrière politique. Je viens comme Thémistocle m'asseoir sur le foyer du peuple britannique.

Je viens me mettre sous la protection de ses lois, que je réclame de V. A. R. comme du plus puissant, du plus constant et du plus généreux de mes ennemis.

(Signé) NAPOLÉON,

EXTRAIT DE LA GAZETTE DE LONDRES.

Bureau de l'amirauté, 25 Juillet.

Extrait d'une lettre du Capitaine Maitland, commandant le vaisseau de S. M. le Bellerophon, datée en rade de Basque, le 14 Juillet, et adressée à M. J. Wilson Croker.

J'ai l'honneur de vous informer, pour être communiqué à Milords de l'Amirauté, que le comte de Las Case et le génés

ral Allemand se sont rendus aujourd'hui à bord du vaisseau de S. M. sous mon commandement, et m'ont proposé de recevoir à mon bord Napoléon Buonaparte dont l'intention est de se confier à la générosité de S. A. R. le prince régent.

Me croyant autorisé par les ordres secrets de LL. SS., j'ai accepté la proposition et il doit se rendre à mon bord demain matin : et pour qu'il n'y eût aucun mal-entendu par la suite, j'ai spécifié clairement et explicitement que je n'avais pulle autorité pour accorder aucun terme quelconque, et que tout ce que je pouvais faire était de le transporter et ceux de sa suite en Angleterre, pour y être reçus de la manière que S. A. R. jugerait à propos de déterminer,

Convention entre la Grande-Bretagne, l'Autriche, la Russie et la Prusse, relative à Napoléon Bonaparte, signée à Paris, le 2 Août, 1815.

Au nom de la Très-Sainte et Indivisible Trinité.

Napoléon Bonaparte étant au pouvoir des puissances alliées, Leurs Majestés le Roi du Royame-uni de la Grande-Bre tagne et d'Irlande, l'Empereur d'Autriche, l'Empereur de Russie et le Roi de Prusse, se sont réunis, en vertu des stipulations du traité du 25 Mars 1815, sur les mesures les plus propres à rendre impossible toute entreprise de sa part contre le repos de l'Europe.

Sa Majesté le Roi du Royaume-uni de la grande Bretagne et d'Irlande, et Sa Majesté l'empereur d'Autriche ayant en conséquence nommé des plénipotentiaires à cet effet, savoir;

Sa Majesté Britannique le Vicomte de Castlereagh, principal Secrétaire d'Etat, ayant le département des affaires étrangères etc. etc. etc. et le Très-Noble Seigneur Arthur Duc de Wellington etc. etc. etc.

Et Sa Majesté Impériale et Royale Apostolique le Sieur Clément Venceslas Lothaire, Prince de Metternich etc, etc. Le comte de Nesselrode de la part de S. M. l'Empereur de Russie,

Et le prince de Hardenberg de la part de S. M. le Roi de Prusse;

Les dits plénipotentiaires sont convenus des points et Articles suivans;

ART. 1.

Napoléon Bonaparte est regardé par les puissances qui ont signé le traité du 20 Mars dernier, comme leur prisonnier. ART 2.

Sa garde est spécialement confiée au gouvernement Britannique.

Le choix du lieu et celui des mesures qui peuvent le

mieux assurer le but de la présente stipulation, sont réservés à S. M. M. Britannique.

ART. 3.

Les Cours impériales d'Autriche et de Russie, et la Cour royale de Prusse, nommeront des commissaires qui se rendront et demeureront au lieu que le gouvernement de S. M. Britannique aura assigné pour le séjour de Napoléon Buonaparte, et qui sans être chargés de la responsabilité de sa garde s'assu→ reront de sa présence.

ART. 4.

Sa Majesté très-Chrétienne sera invitée au nom des quatre Cours ci-dessus mentionnées à envoyer également un commissaire français au lieu de détention de Napoléon Buonaparte.

ART. 5.

Sa Majesté le Roi du Royaume-uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande s'engage à remplir les obligations qui résultent pour elle de la présente convention,

ART. 6.

La présente convention sera ratifiée et les ratifications en seront échangées dans le terme de quinze jours, ou plutôt si faire se peut.

En foi de quoi, les plénipotentiaires respectifs ont signé la présente convention et l'ont munie du cachet de leurs armes. Fait à Paris le 2 Août, de l'an de grâce 1815.

(Signé) (L. S.)

CASTSEREAGH.
WELLINGTON.

Le prince de METTERNICH.
Le comte de NESSELRODE.
Le prince HARDenberg.

Le 6 Août Napoléon Buonaparte s'est embarqué à bord du vaisseau de S. M. B. le Northumberland, commandé par l'amiral Cockburn pour St. Hélène.

PROTESTATION DE BUONAPARTE,
Contre la violation de ses droits.

"A bord du Bellerophon, en mer, le 4 Août, 1815. "Je proteste solennellement ici à la face du Ciel et des hommes, contre la violation de mes droits les plus sacrés en disposant, par la force, de ma personne et de ma liberté.

Je suis venu librement à bord du Bellerophon: Je ne suis prisonnier, je suis l'hôte de l'Angleterre.

Je suis venu à l'instigation du capitaine, qui a dit avoir des ordres du gouvernement de me recevoir, et de me conduire en Angleterre avec ma suite, si cela m'étoit agréable.

Je me suis présenté de bonne foi pour venir me mettre sous la protection des lois d'Angleterre.

Aussitôt assis à bord du Bellerophon, je fus sur le foyer du peuple Britannique. Si le gouvernement, en donnant des ordres au Capitaine dn Bellerophon de me recevoir ainsi que ma suite, n'a voulu que tendre une embuche, il a forfait à l'honneur et flétri son pavillon.

Si cet acte se consommait, ce serait en vain que les Anglais voudraient parler à l'Europe de leur loyauté, de leurs lois, de leur liberté. La foi Britannique se trouvera perdue dans l'hospitalité du Bellerophon

J'en appelle à l'histoire-elle dira qu'un ennemi qui fit vingt ans la guerre au peuple anglais, vint librement dans son infortune chercher un asile sous ses lois; quelle plus éclante preuve pouvoit-il donner de son estime et de sa confiance? Mais comment répondoit-on en Angleterre à taut de magnanimité ?

On feignoit de tendre une main hospitalière à cet ennemi, et quand il se fut livré de bonne foi, on l'immola.

NAPOLEON."

TRAITEMENT DE BUONAPARTE A ST. HÉLÈNE.

Lettre du comte Bathurst, secrétaire-d'état, aux lords de

l'Amirauté.

Downing Street, 30 Juillet, 1815.

Milords, je prie Vos Seigneuries de vouloir bien communiquer au vice-amiral Sir George Cockburn, une copie du mémoire suivant qui lui servira d'instruction pour régler sa conduite vis-à-vis du général Buonaparte, pendant tout le temps qu'il restera confié à ses soins.

Le Prince-Régent, en confiant à des officiers anglais une mission d'une pareille importance, croit qu'il est nécessaire de leur faire connaître qu'il désire fortement qu'on n'emploie pas de contrainte personnelle plus grande que celle qui sera trouvée nécessaire pour remplir fidèlement les devoirs que l'amiral et le gouverneur de St. Hélène ne doivent jamais perdre de vue, savoir, de s'assurer parfaitement de la personne du général Buonaparte. S. A. R. est convaincue que tout ce qui peut être accordé, comme indulgence, sans être en opposition au grand objet, sera accordé au général. S. A. R. compte sur le caractère ferme et bien connu de Sir George Cockburn et a la confiance qu'il ne se laissera pas tromper ni ne s'écartera imprudemment la ligue de son devoir.

MÉMOIRE.

(Signé)

BATHURST.

Lorsque le général Buonaparte quittera le Bellerophon pour se rendre à bord du Northumberland, ce sera le moment le

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