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A Tournus, l'empereur n'eut que des éloges à donner aux habitans pour la belle conduite et le patriotisme qui, dans ces mêmes circonstances, ont distingué Tournus, Châlons et Saint-Jean-de-Lône. A Châlons qui, pendant quarante jours, a résisté aux forces de l'ennemi et défendu le passage de la Saône, l'empereur s'est fait rendre compte de tous les traits de bravoure, et ne pouvant se rendre à Saint-Jean-de-Lône, il a du moins envoyé la décoration de la légion d'honneur au digne maire de cette ville. A cette occasion, l'empereur s'écria: "C'est pour vous, braves gens, que j'ai institué la légion d'honneur, et non pour les émigrés pensionnés de nos ennemis !"

L'empereur reçut à Châlons la députation de la ville de Dijon, qui venait de chasser de son sein le préfet et le mauvais maire, dont la conduite, dans la dernière campagne, a déshonoré Dijon et les Dijounais! L'empereur destitua ce maire, en nomma un autre et confia le commandement de la division au brave général Devaux.

Le 15, l'empereur vint coucher à Autun, et d'Autua il alla concher, le 16, à Avallon. Il trouva sur cette route les mêmes sentimens que dans les montagnes du Dauphiné. Il rétablit dans leurs places tous les fonctionnaires qui avaient été destitués pour avoir concouru à la défense de la patrie contre l'étranger. Les habitans de Chiffey étaient spécialement l'objet des persécutions d'un freluquet, sous-préfet à Sémur, pour avoir pris les armes contre les eunemis de notre pays. L'empereur a donné ordre à un brigadier de gendar merie d'arrêter ce sous-préfet, et de le conduire dans les prisons d'Avallon.

L'empereur déjeûna le 17 à Vermanton, et vint à Auxerie, où le préfet Gamot était resté fidèle à son poste. Le brave 14e avait foulé aux pieds la cocarde blanche. L'empereur apprit que le 6e de lanciers avait également arboré la cocarde tricolore, et se portait sur Montereau pour garder ce pont contre un détachement de gardes-du-corps qui voulait le faire sauter. Les jeunes gardes-du-corps n'étant pas encore accoutumés aux coups de lances, prirent la fuite à l'aspect de ce corps, et on leur fit deux prisonniers.

A Auxerre, le comte Bertrand, major-général, donna ordre qu'on réunît tous les bateaux pour embarquer l'armée, qui était déjà forte de quatre divisions, et la porter le soir même à Fossard, de manière à pouvoir arriver à une heure du matin à Fontainebleau.

Avant de partir d'Auxerre, l'empereur fut rejoint par le prince de la Moskowa. Ce maréchal avait fait arborer la cocarde tricolore dans tout son gouvernement.

L'empereur arriva à Fontainebleau le 20, à quatre heures du matin; à sept heures, il apprit que les Bourbons étaient

partis de Paris et que la capitale était libre. Il partit sur-lechamp pour s'y rendre; il est entré aux Tuileries à neuf heures du soir, au moment où on l'attendait le moins.

Ainsi s'est terminée, sans répandre une goutte de sang, sans trouver aucun obstacle, cette légitime entreprise, qui a rétabli la nation dans ses droits, dans sa gloire, et a effacé la souillure que la trahison et la présence de l'étranger avaient répandue sur la capitale; ainsi s'est vérifié ce passage de l'adresse de l'empereur aux soldats: que l'aigle, avec les cou¬ leurs nationales, volerait de clocher en clocher jusqu'aux tours de Notre-Dame.

En dix-huit jours, le brave bataillon de la garde a franchi l'espace entre le golfe Juan et Paris, espace qu'en tems ordinaire on met 45 jours à parcourir.

Arrivé aux portes de Paris, l'empereur vit venir à sa rencontre l'armée toute entière que commandait le duc de Berri. Officiers, soldats, généraux, infanterie légère, infanterie de ligne, lanciers, dragons, cuirassiers, artillerie, tous vinrent audevant de leur général que le choix du peuple et le vœu de l'armée avait élevé à l'empire, et la cocarde tricolore fut arborée par chaque soldat qui l'avait dans son sac. Tous fou

lèrent aux pieds cette cocarde blanche qui a été pendant 25 ans le signe de ralliement des ennemis de la France et du peuple.

Le 21, à une heure après-midi, l'empereur a passé la revue de toutes les troupes qui composaient l'armée de Paris. La capitale entière a été témoin des sentimens d'enthousiasme et d'attachement qui aniniaient ces braves soldats. Tous avaient reconquis leur patrie! Tous étaient sortis d'oppression ! Tous avaient retrouvé dans les couleurs nationales le souvenir de tous les sentimens généreux qui ont toujours distingué la nation française. Après que l'empereur eut passé dans les rangs, toutes les troupes furent rangées en bataillons carrés,

"Soldats, dit l'Empereur, je suis venu avec 600 hommes en France parce que je comptais sur l'amour du peuple et sur le souvenir des vieux soldats. Je n'ai pas été trompé dans mon attente! Soldats! je vous en remercie. La gloire de ce que nous venons de faire est tout au peuple et à vous! mienne se réduit à vous avoir connus et appréciés.

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La

Soldats, le trône des Bourbons était illégitime, puisqu'il avait été relevé par des mains étrangères, puisqu'il avait été proscrit par le vœu de la nation exprimé par toutes nos assemblées nationales; puisqu'enfin il n'offrait de garantie qu'aux intérêts d'un petit nombre d'hommes arrogans dont les prétentions sont opposées à nos droits. Soldats, le trône impérial peut seul garantir les droits du peuple, et surtout le premier de nos intérêts, celui de notre gloire. Soldats, nous allons marcher pour chasser du territoire ces princes auxiliaires

de l'étranger; la nation, non-seulement nous secondera de ses vœux, mais, même suivra notre impulsion. français et moi nous comptous sur vous.

Le peuple Nous ne voulons pas nous mêler des affaires des nations étrangères; mais malheur à qui se mêlerait des nôtres !"

Ce discours fut accueilli par les acclamations du peuple et des soldats.

Un instant après, le général Cambronne et des officiers de la garde du bataillor de l'ile d'Elbe, parurent avec les anciennes aigles de la garde. L'empereur reprit la parole et dit aux soldats: "Voilà les officiers du bataillon qui m'a accompagné dans mon malheur. Ils sont tous mes amis. Ils étaient chers à mon cœur! Toutes les fois que je les voyais, ils me représentaient les différens régimens de l'armée; car dans ces 600 braves, il y a des hommes de tous les régimens, Tous me rappelaient ces grandes journées dont le souvenir est si cher, car tous sont couverts d'honorables cicatrices reçues ces batailles mémorables! En les aimant, c'est vous tous, soldats de toute l'armée française, que j'aimais! Ils vous rapportent ces aigles! qu'elles vous servent de point de ralliement! En les donnant à la garde, je les donne à toute l'armée.

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"La trahison et des circonstances malheureuses les avaient couvertes d'un crêpe funèbre! mais grâces au peuple français et à vous, elles reparaissent resplendissantes de toute leur gloire. Jurez qu'elles se trouveront toujours partout où l'intérêt de la patrie les appelera! que les traîtres et ceux qui voudraient envahir notre territoire n'en puissent jamais soutenir le regard !”

"Nous le jurons!" s'écrièrent avec enthousiasme tous les soldats. Les troupes défilèrent ensuite au son de la musique qui jouait l'air: Veillons au salut de l'Empire.

25 Mars, 1815.

Paris, le 24 Mars.

Le duc de Bellune marchait sur Paris avec les troupes de la seconde division militaire: lorsque les régimens apprirent que l'empereur approchait de la capitale, ils prirent successivement les couleurs nationales. Le duc de Bellune s'éloigna, et toute la division continua sa marche réunie sous les anciennes couleurs.

Dans la 3e et dans la 4e division, malgré les efforts du préfet Vaublanc et de quelques géneraux, le peuple, les officiers et les soldats ont tous pris la cocarde nationale. Le colonel Jacqueminot, aide-de-camp du duc de Reggio, a apporté aujourd'hui les adresses des différens corps et les a remises à l'empe reur pendant la parade.

Le duc d'Albufera et le général Gérard n'ont pas attendu la nouvelle des progrès de la marche de l'empereur, et toutes les troupes se sont réunies aux voeux de tous les habitans de l'Alsace, Ainsi le drapeau national flotte dans cette province comme dans la Bourgogne et dans la Franche-Comté.

Le lieutenant-général Pajol avait arboré à Orléans la cocarde aux trois couleurs, lorsque le maréchal Saint Cyr, arrivé dans cette ville, l'a fait mettre aux arrêts. Les troupes ayant déclaré unanimement qu'elles voulaient marcher vers l'empereur, et se réunir au vœu de toute l'armée, le maréchal a fait fermer les portes de la ville. Les braves cuirassiers du ler régiment les ont enfoncées, et le maréchal Saint Cyr a disparu.

La ville de Rouen et toute la Normandie ont arboré par un mouvement unanime les couleurs de la nation. Le sieur de Castries, qui s'était jeté dans Dieppe, s'est embarqué. Le général Lemarrois, aide-de-camp de l'empereur, est allé prendre le commandement de cette division.

La Bretagne et notamment la ville de Rennes ont montré le plus grand enthousiasme. Le lieutenant-général Pire, commandant la 13e division, et le général Bigarré, ont exprimé leurs sentimens dans une adresse signée des officiers-généraux, de l'état-major, des officiers d'administration, de tous les chefs de corps et de tous les régimens. Les troupes de la division ont marché aussitôt pour attaquer le duc de Bourbon qui était parti le 20 d'Angers.

Les proclamations de l'empereur ont dû arriver le 23 dans le Poitou; et malgré les efforts des Bourbons, qui s'y sont montrés le 22, le drapeau national sera arboré par ces peuples, qui n'oublient point les bienfaits que l'empereur a répandus

sur eux.

Le lieutenant-général Clausel est allé commander à Bourdeaux. A l'époque des dernières nouvelles la duchesse d'Angoulême avait quitté cette ville, et s'était embarquée sur la rivière.

Il parait d'après les derniers courriers arrivés de Marseille, que la cocarde blanche était encore arborée dans cette ville. Ou y avait formé, pour marcher contre l'empereur, des enrôlemens qui s'élevaient environ à 1500 hommes. Le maréchal prince d'Essling cherchait à contenir les esprits, les troupes fiémissaient d'indiguation en voyant des agens de troubles abuser et agiter le peuple. Ces mouvemens auront cessé à la nouvelle de l'entrée de l'empereur à Paris qui, étant parvenue à Lyon le 21, aura été counue à Marseille vers le 25

Les habitans et les troupes de terre et de mer à Toulon ont manifesté le plus vif enthousiasme et pris les couleurs nationales.

La présence du comte de Lille, du comte d'Artois et du duc de Berri comprime encore dans les départemens du nord l'élan du peuple et des troupes. Quatre régimens qui étaient sortis de Lille y sont rentrés, et l'on a reçu l'assurance qu'aucun corps, qu'aucune troupe de volontaires à cocardes blanches qui seraient disposés à se battre contre les intérêts de la nation ne parviendront à s'introduire dans nos places. Quarante mille hommes sont partis successivement de Paris pour le nord. L'avant-garde de cette armée, sous le commandement du lieutenant-général Excelmans, sera demain aux portes de Lille. Des bruits qui se sont répandus ce soir, annoncent que, craignant d'être cerné, le comte de Lille n'a fait que traverser cette place et s'est porté sur Ménin.

Le lieutenant-général comte Morand, officier si distingué par ses talens et ses services, s'est rendu dans les départemens de l'Ouest.

Le 20, le duc d'Angoulême partait de Nimes. Plusieurs corps de troupes s'étaient mis en marche pour lui couper toute

communication avec les côtes.

DÉCRETS IMPÉRIAUX.

Au palais de Tuileries, le 24 Mars, 1815.

Napoléon, empereur des Français,

Nous avons décrété et décrétons ce qui suit:

Art. 1er. La direction générale de la librairie et de l'imprimerie, et les censeurs, sont supprimés.

2. Notre ministre de la justice est chargé de l'exécution du présent décret.

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Au palais des Tuileries, le 22 Mars, 1815.

Napoléon, empereur des Français,

Nous avons décrété et décrétons ce qui suit:

Art. 1er. Les dénominations de lieutenant-général et de maréchal-de-camp sont maintenues dans l'armée.

2. Notre ministre de la guerre est chargé de l'exécution du présent décret.

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