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Au palais des Tuileries, le 22 Mars, 1815.

Napoléon, empereur des Français,

Nous avons décrété et décrétons ce qui suit:

Art. 1er. Le lieutenant-général comte Dejean reprendra ses fonctions de premier inspecteur-général du génie.

2. Notre ministre de la guerre est chargé de l'exécution du présent décret.

Par l'empereur,

NAPOLÉON.

(Signé)

Le duc de BASSANO.

Le ministre-secrétaire d'état,

(Signé)

Par décret de ce jour :

M. le comte de Montalivet est nommé intendant-général de la

Couroune.

M. le comte de Sussy, ministre d'état, est nommé premier président de la cour des comptes.

M. le comte Dejean, grand-trésorier de la légion-d'honneur, est chargé de remplir provisoirement et en l'absence de M. le comte de Lacépède, les fonctions de grand-chancelier. M. le conseiller d'état Gilbert de Voisins, est nommé premier président de la cour impériale de Paris.

M. le baron de Châteaubourg, auditeur, est nommé secrétairegénéral du ministère de l'intérieur.

MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR.

Paris, le 22 Mars, 1815.

Le ministre de l'intérieur, comte de l'empire, à M. le préfet du département d

Monsieur le préfet, vous avez été prévenu par une lettre du ministre-secrétaire-d'état, du 21 de ce mois, que l'empereur est rentré dans sa capitale, et que vous alliez recevoir des instructions du ministre de l'intérieur que S. M. allait nommer.

L'empereur a bien voulu m'honorer de son choix, et je me félicite des relations qu'il va me donner avec vous; je suis bien sûr qu'elles me seront très-agréables, parce que votre zèle, votre dévouement et vos efforts seront infatigables pour répondre dignement à la confiance de S. M.

L'empereur, entouré de l'armée et du peuple, a traversé ses états au milieu des plus douces émotions: sa marche présentait partout l'aspect d'une pompe triomphale; et cette pompe, dout l'enthousiasme seul a fait les frais, n'a pas coûté une larme à un seul de ses sujets, qu'il appelait partout ses enfans, qui revoyaient en lui un père tout occupé de leur bonheur et de la

gloire nationale. Quelle confiance, quelle sécurité un tel retour doit inspirer à vos administrés!

Des princes faibles, imposés par l'étranger, devenus étrangers eux-mêmes à nos lois, à nos mœurs, ont tenté, pendant un interrègne de onze mois, de nous ramener aux tems de la féodalité; ils déguisaient mal leurs vues sons le manteau de quelques idées libérales qui n'étaient que dans leur bouche: mais ce qu'ils n'ont pu déguiser, c'est cette poignée d'hommes attachés à leur cause, minorité effrayante qui les a laissé voir presque seuls fuyant une patrie qui, pour la seconde fois, les repousse de son sein.

Déjà les pièces officielles, imprimées au Moniteur, vous ont fait connaître les magnanimes intentions de notre légitime souverain ne perdez pas un moment pour les répandre parmi vos administrés, en les faisant publier et afficher. Rappelez à leur poste les fonctionnaires municipaux qui en ont été éloignés à cause de leurs opinions politiques, de leur qualité d'acquéreurs de domaines nationaux, etc. Partout où le bien du service de l'empereur et de la nation, qui ne sauraient aujourd'hui être séparés, vous paraîtra rendre cette mesure convenable ou nécessaire, vous ferez ce rappel, ou des nominations provisoires dont vous ne manquerez jamais de m'informer dans les vingtquatre heures. Vous joindrez à votre lettre un tableau nominatif, accompagné de notes propres à fixer mon opinion, toutes les fois qu'il s'agira de présentations à faire à l'empereur pour des nominations définitives. Lorsqu'il ne s'agira que de fonctionnaires qui avaient déjà été nommés par S. M. et que vous rappelerez à leur poste, vous vous bornerez à m'en envoyer les noms, en vous référant aux notes qui seraient déjà dans mes bureaux.

Pénétrez-vous bien, Monsieur, des intentions que l'empereur a exprimées pour le bonheur du peuple, et unissons nos efforts pour faire chérir un prince qui nous est rendu par la Providence, et qui garantit à nous et à nos enfans l'égalité des droits civils, la jouissance de toutes les propriétés, et celle non moins précieuse de l'honneur national.

Je compte sur votre zèle, pour rendre à votre correspondance son ancienne activité; je ne manquerai jamais d'y donner tous mes soins et toute mon attention.

Recevez, Monsieur, l'assurance de ma parfaite considé

ration.

26 Mars, 1815.

Valenciennes, le 24 Mars.

Dans la journée du 23, les soldats étaient au moment de laisser éclater leur indignation. Instruits da l'arrivée de l'empereur à Paris, ils ne pouvaient comprendre comment il ne

leur était pas permis de fouler aux pieds la cocarde blanche et d'arborer celle du peuple français. Le général commandant ne paraissait pas jouir de la confiance des troupes, et sur trois colonels, un seul, le colonel Marbot, avait leur estime. Les deux autres, anciens émigrés, leur étaient plus que suspects. Aujourd'hui, à six heures du matin, le colonel Marbot est monté à cheval, a parcouru la ville, a été suivi des soldats aux cris de vive l'empereur! et la cocarde et le pavillon tricolore ont été arborés à l'instant. L'un des colonels émigrés se réfugia dans la citadelle, où il voulut se maintenir. Le colonel Marbot y marcha. Mais déjà le bataillon qui formait la garnison avait arraché au colonel émigré sa cocarde blanche et s'était emparé de lui. Pendant que cela se passait, le géneral commandant la place s'enfuyait à l'étranger.

Cet événement se passait avant que les ordres donnés au maréchal Mortier lui fussent parvenus. Nous n'avons en effet appris que ce soir que les princes étaient sortis de Lille hier, et que le duc d'Orléans a remis cette nuit le commandement au maréchal Mortier en s'en rapportant à sa prudence. Une partie de la maison du roi s'est réunie à nos troupes; c'est celle qui en avait été tirée; l'autre qui n'avait jamais servi, ou qui ne comptait aucun service dans nos rangs, erre en petits pelotons ou trois hommes dans diverses directon pour s'échapper.

Paris, le 25 Mars.

S. M. a passé aujourd'hui en revue dans la cour des Tuileries dix régimens d'infanterie; six régimens de cavalerie; deux régimens d'artillerie et un régiment du génie. Une partie de ces troupes était venue à marche forcées par un mouvement spontané et brûlant du désir de revoir l'empereur. Les unes portaient leurs anciens aigles qu'elles avaient dérobés à toutes les recherches; les autres avaient des drapeaux aux trois couleurs sur lesquels les aigles étaient peints. Il ne manquait à tous ces corps ni un officier, ni un soldat, à la seule exception du colonel du 4e régiment d'infanterie qui avait été destitué pour sa mauvaise conduite.

Au milieu de la revue, les officiers et les sous-officiers se sont formés en cercle, et sa majesté, placée au centre, les a entretenus pendant long-tems. Grâces au peuple français et à yous, leur a-t-il dit, le trône impérial est rétabli. Il est reconnu dans tout l'empire sans qu'une goutte de sang ait été versée. Le comte de Lille, le comte d'Artois, le duc de Berri, le duc d'Orléans ont passé la frontière du Nord, et sont allés chercher un asyle chez l'étranger. Le pavillon tricolore flotte sur les tours de Calais, de Dunkerque, de Lille, d'Arras, de Valenciennes, de Condé, etc., etc. Quelques bandes de Chouans avaient cherché à se former dans le Poitou et dans la Vendée.

L'opinion du peuple et la marche de quelques bataillous ont suffi pour les dissiper. Le duc de Bourbon, qui était venu fomenter des troubles dans ces provinces, s'est embarqué à Nantes. De vives acclamation ont interrompu l'empereur.~ Qu'ils étaient insensés, a continué Sa Majesté, et qu'ils connaissaient mal la nation, ceux qui croyaient que les Français consentiraient à recevoir un prince des mêmes mains qui avaient ravagé, notre territoire, et qui, à l'aide de la trahison, avaient un moment porté atteinte à uos lauriers. Le trône des Bourbons est incompatible avec les nouveaux intérêts, comme avec la gloire du peuple français.--De nouvelles acclamations se sont fait entendre et ont circulé dans tous les rangs.

Soldats, a repris l'empereur, je veux donner devant vous un témoignage particulier de ma satisfaction à la brave garnison de Grenoble. Je le sais, tous les régimens français auraient agi comme elle. Je veux aussi témoigner ma reconnaissance à ce brave bataillon du 5e et à cette compagnie de mineurs qui, placés dans un défilé,vinrent en entier se ranger autour de leur empereur, qui seul s'offrait à leurs coups. Ils ont bien mérité du peuple français, de moi et de vous-mêmes.-Ici les acclamations ont redoublé, et n'ont plus permis à l'empereur que de dire ces mots: Soldats, vous serez constamment fidèles à la grande canse du peuple, à l'honneur français et à votre empereur.

Cette revue a été plus nombreuse encore que celles qui ont eu lieu les jours derniers, puisque vingt où vingt-cinq mille hommes se trouvaient rangés dans un petit espace. L'enthousiasme des troupes était partagé par les nombreux spectateurs qui couvraient la place du Carouzel.

Le prince Joseph est arrivé le 23 à 2 heures après-midi. Il est descendu chez l'empereur aux Tuileries, et est ensuite allé au palais de l'Elysée qu'il habite. La princesse Julie et les deux princesses ses filles sont ave lui.

Par décrets de ce jour, le comte Guéhenuc remplace le comte Bergon, et le comte Jaubert le comte Bérenger. MM, Tabaud et Desmazis sont rétablis dans leurs fonctions d'administrateurs de la loterie impériale; et M. Ferrier dans celle de directeur-général des douanes.

MINISTERE DE LA GUERRE.

NOUVELLES OFFICIELLES

Extrait des dépêches de M. le duc de Trévise.

Le 23 Mars après-midi, le comte de Lille, chef de la famille des Bourbous, a quitté Lille et la France pour se rendre à Menin.

Le 24, à deux heures du matin, le duc d'Orléans a quitté pareillement Lille pour se rendre à Tournay.

Des ordres ont été donnés par M. le maréchal duc de Trévise à tous les généraux commandans à Valenciennes, Maubeuge, Avesne, Landrecies, le Quesnoy et Condé.

Partout l'aigle impériale, la cocarde nationale et le drapeau tricolore sont arborés aux acclamations du peuple et de l'armée.

Dunkerque, Gravelines, Bergues, toutes les places du Nord offrent le même aspect. La tranquillité n'a pas été troublée un instant dans la 16e division militaire.

Extrait des lettres du maréchal duc de Reggio, du 25 Mars.

A Metz et dans toutes les places de l'est, l'esprit des peuples, le dévouement des soldats sont les mêmes; partout l'aigle et les couleurs nationales sont déployées.

Extrait des dépêches du comte Caffarelli, aide-de-camp de S. M. l'empereur, du 23 Mars.

La Bretagne est tranquille et animée des meilleurs sentimens. A Rennes, le buste de l'empereur a été porté en triomphe.

Sur aucun point de l'Ouest de la France, il n'a été rien enlevé dans les caisses publiques; l'insurrection de la Vendée paraît une à chimère ceux mêmes qui la provoquaient.

Le 22, à deux heures du matin, le duc de Bourbon s'est embarqué sur la Loire, au Pont-de-Cé: les préparatifs de son embarquement et de son départ pour l'Angleterre étaient faits à Nantes.

Aussi, vingt-cinq jours après son débarquement à l'extrême midi de la France, le chef de ce bel empire (et quel chef fut jamais plus légitime !), rappelé, secondé par le vœu, par le concours de tous les citoyens, de tous les soldats, n'aperçoit plus aucune trace d'opposition sur toute l'étendue du territoire français: un dévouement unanime, un assentiment profond et réfléchi se manifestent de toute part.

Ainsi s'est consommée, avec toute la rapidité de l'enthousiasme et tout le calme de la sagesse, sans effusion d'une seule goutte de sang français, sans le moindre excès ni le plus léger désordre, cette révolution destinée à faire l'étonnement de l'Europe, l'admiration de la postérité, le bonheur de la géné. ration actuelle et la paix de la France, qui se repose enfin dans sa gloire et dans sa dignité.

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