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midi. Il a été témoin de l'entrée du duc d'Angoulême dans cette ville. Les choses se sont passées de la manière sui

vante:

Le 3 à 7 heures du matin, aux dernières maisons du faubourg Saulnier, out paru un officier, suivi d'un chasseur du 14e, quelques minutes après trois officiers; puis M, le comte Damas, accompagné de deux aides-de-camp. Il est revenu un moment après avec le maire et le corps municipal. Le prince était précédé de 15 à 20 gardes d'honneur, de quelques gendarmes, de 3 à 400 gardes nationaux environ, du ler régiment étranger, fort de 2 à 300 hommes, d'une compagnie de voltigeurs et de grenadiers du 10e de ligne. Derrière la compagnie de grenadiers était l'état-major du prince. A sa suite les compagnies du centre du bataillon, dont deux précédaient son état-major; puis un corps d'environ 1200 volontaires; une compagnie de canonniers, 8 pièces d'artillerie et une dixaine de caissons; encore un corps de 3 à 400 volontaires, enfin les 2 autres bataillons du 10e de ligne, en tout 4 à 5000 hommes. Le prince était accompagné d'un général espagnol qui a péroré le peuple, et lui a dit qu'une armée espagnole était déjà entrée en France pour soutenir la cause des Bourbons. On a aussi affiché une lettre du comte d'Osmond, ambassadeur du roi en Piémont, qui annonce avoir reçu une lettre du congrès, par laquelle on lui fait connaître que trois armées vont entrer en France pour rétablir le roi, l'une par les Pays-Bas, sous les ordres de Wellington, la seconde par le duché de Luxembourg, sous les ordres du prince Schwartzenberg. Toutes ces faussetés débitées avec assurance ont porté l'indignatien du peuple au plus haut point. Prétend-on, disaient les habitans de Valence, nous traiter comme les Génois, nous vendre ou nous donner selon les convenances ou les complaisances des membres du congrès? Le sang français ne coule-t-il plus dans nos veines?

Le duc d'Angoulême n'a avec lui qu'un ramassis de canaille, auquel on donne quarante sous par jour. La plupart sont du Languedoc. Il n'a que six cents Marseillais. Les autres Marseillais ont marché du côté de Gap. Le comte d'Escars commande son avant-garde. Il paraît qu'il a avec lui le général Monnier.

Il a nommé préfet de Valence le sieur Delaboissière, qui était sous-préfet de Montélimart.

Le baron de Damas a été nommé gouverneur du département de la Drôme.

Lorsque les habitans de Valence ont vu le peu de troupes qu'avait le duc d'Angoulême et leur mauvaise composition, ils se sont repentis de ne pas avoir fermé leurs portes; mais les rassemblemens qui se forment de tous côtés dans le Dauphiné, et qui s'avancent sur les derrières de l'armée du duc d'Angoulême, rendent sa position très-critique.

Autre déclaration.

Le nommé Bernard Gibert et un employé des droits-réunis, venant de Nîmes et de Marseille, ont été dirigés ce matin sur Lyon, avec ordre de se présenter à leur arrivée devant le comte de Grouchy. Ils s'accordent tous les deux à dire qu'ils n'ont point connoissance qu'il arrive des renforts à Mgr. le duc d'Angoulême, derrière lequel ils ont marché; et, dans la plus grande partie du Midi, on semble attendre les événemens et des troupes pour se décider. L'employé déclare avoir quitté Marseille le 22, quoique son passeport porte la

date du 17.

Le prince d'Essling était dans la ville; il paraissait ne se mêler de rien, ainsi que les régimens d'infanterie sous ses ordres.

Le duc d'Angoulême avait été à Toulon, et en était revenu, On promenait tous les jours un espèce de mannequin, représentant Louis XVIII, dans les rues de Marseille, et on faisait crier vive le roi! à toute la populace.

Il partait tous les jours des compagnies de volontaires royaux composées de gens de la plus basse classe, et qu'on dirigeait sur Grenoble par la route de Gap.

Valence, le 5 Avril.

Le duc d'Angoulême a fait ici une triste figure. Le tocsin sonnait dans tout le Dauphiné, et de nombreux bataillons de gardes nationales étaient partis de Lyon. Le duc d'Angoulême avec les 4000 insurgés qui sont sous ses ordres, s'est mis à la débandade. Les troupes de ligne, instruites par nos concitoyens qu'il était question de la cause de la nation contre quelques familles privilégiées, de celle du peuple contre la noblesse, et enfin de la cause de la révolution contre la contrerévolution, ont subitement changé de parti. Cependant l'ar mée compte trois traîtres qui paraissent s'être rangés du parti des ennemis de la nation: ce sont les généraux Eruouf, Monnier et Daultanne.

Même date.

Ce que tout le monde avait prévu est arrivé. Le général Piré, arrivé avec le 6e d'infanterie à Romans, s'y étant joint avec de nombreuses colonnes arrivées de tous les points, a passé l'Isère. D'un autre côté nos paysans s'étaient réunis sur les derrières du duc d'Angoulême; le duc vient de partir dans dans le plus grand désordre. Nous attendons à chaque instant le général Piré.

Voici la proclamation qui a été affichée dans nos murs.

Bulletin de l'armée commandée par S. A. R. Mgr. le due d'Angoulême.

. Mereredi, 29 Mars courant, Mgr. due d'Angoulême s'est porté sur Montélimar. Jeudi, le général Le Bel est venu sommer Montélimar de se soumettre, au nom de l'usurpateur. Le comte Descars, qui commandait, est sorti avec 1200› hommes de gardes nationaux et chasseurs du 14e et deux pièces de canon, a battu la troupe du général Le Bel, l'a chassé de sa position après lui avoir tué du monde, et est rentré à Montélimar. Monseigneur a fait marcher ce matin 1000 hommies du régiment le colonel-général, trois canons, deux obusiers, 900 hommes de plus de gardes nationaux, commandés par le général Monnier sous les ordres du prinee, et ils se porteront sur Valence.

Monseigneur le due d'Angouléme a eu des nouvelles du roi, de Mgr. le comte d'Artois et de Mgr. le duc de Berri. Hls. sont du côté de Lille, et les troupes du nord font leur devoir. Les gardes nationaux se sont conduits à merveille à l'affaire de Montélimar.

Mgr. le duc de Bourbon marche avec les Vendéens et les Poitevins.

Le marquis de RIVIÈRE
Pour copie conforme:

Le préfet des Bouches-du-Rhône.

Marseille, le 31 Mars, 1815.

(Signé)

ALBERTAS.

Par décret du 6, S. M. a nommé:

M. David, son premier peintre, commandant de la légion d'honneur;

M. Hay, professeur au Muséum d'Histoire naturelle, offieier.

Et M. Darcet, vérificateur des monnaies, chevalier de la légion-d'honneur,

Sa Majesté, sur le rapport de son ministre de la guerre et après avoir entendu son conseil-d'état, a rendu le 6 Avril, 1815, au palais des Tuileries, un décret concernant la solde de retraite des militaires nés dans les pays détachés du territoire français. Ce décret contient les dispositions suivantes:

Les militaires nés dans les pays détachés du territoire français, admis à la solde de retraite, pourront en jouir sans être obligés de se pourvoir des lettres de naturalisation prescrites par l'ordonnance du 17 Février 1815; ils seront tenus seulement de justifier, dans les formes ordinaires, de leur résidence de fait dans une commune faisant aujourd'hui partie du territoire fran çais.

MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES. Circulaire adressée aux ambassadeurs, ministres et autres agens de France à l'extérieur.

Paris, le 30 Mars, 1815. Monsieur, les vœux de la nation française n'avaient cessé de rappeler le souverain de son choix, le seul prince qui puisse lui garantir la conservation de sa liberté et de son indépendance. L'empereur s'est montré, et le gouvernement royal n'existe plus. A l'aspect du mouvement universel qui emportait vers son monarque légitime, et le peuple et l'armée, la famille des Bourbons a compris qu'il ne restait point d'autre parti pour elle que de se réfugier sur une terre étrangère. Elle a quitté le sol français, sans qu'il ait été tiré un seul coup de fusil, ni versé une goutte de sang pour sa défense. La maison militaire qui l'accompagnait, s'est réunie à Bethune, ou elle a declaré sa soumission aux ordres de l'empereur. Elle a remis ses chevaux et ses armes; plus de la moitié entre dans nos rangs; les autres, en petit nombre, se retirent dans leurs foyers, heureux de trouver un asilé dans la générosité de S. M. I. Le calme le plus profond règne dans toute l'étendue de l'empire. Partout un même cri se fait entendre: jamais nation ne présenta le spectacle d'une plus complète unanimité dans l'expression de son bonheur et de sa joie, Ce grand changement n'a été l'ouvrage que de quelques jours. C'est le plus beau triomphe de la confiance d'un monarque dans l'amour de ses peuples; c'est en même temps l'acte le plus extraordinaire de la volonté d'une nation qui connaît ses droits et ses véritables devoirs.

Les fonctions dont vous avait chargé le gouvernement royal sont termiuées, et je vais prendre sans délai les ordres de S. M. l'empereur, pour accréditer une nouvelle légation.

Vous devez sur le champ, Monsieur, prendre la cocarde tricolore et la faire prendre aux Français qui sont auprès de vous.

Si, au moment de quitter la cour auprès de laquelle vous résidiez, vous avez occasion de voir le ministre des affaires étrangères, vous lui ferez connaître que l'empereur n'a rien de plus à cœur que le maintien de la paix; que S. M. a renoncé aux projets de grandeur qu'elle pouvait avoir antérieurement conçus, et le systême de son cabinet, comme l'ensemble de la direction des affaires en France, est dans un tout autre principe.

que

Je ne doute pas, Monsieur, que vous ne regardiez comme un devoir de faire connaître aux Français qui sont auprès de vous la position nouvelle de la France et celle où, d'après nos lois, ils se trouvent placés eux-mêmes.

(Signé)

CAULINCOURT, duc de Vicence.

10 Avril, 1815.

Lyon, le 7 Avril.

Le général Corbineau, aide-de-camp de l'empereur, est arrivé dans notre ville. La foule des gardes nationaux venant de Bourgogne était telle qu'on a été obligé d'envoyer des courriers pour contremander leur marche. On peut juger de l'esprit qui nous anime en apprenant que notre ville seule a mis 9 mille hommes sur pied. Le général Mouton-Duvernet ne prenait de repos ni jour ni nuit pour faire partir ses troupes.

M. le lieutenant-général Grouchy s'est rendu à Valence; M. le lieutenant-général Piré doit être en ce moment avec l'avantgarde à Avignon. On doit considérer l'échauffourée du duc d'Angouléme comme terminée. Elle n'aura servi qu'à montrer le dévouement de notre ville à l'empereur, et celui du Dauphiné et de la Bourgogne.

Le télégraphe nous annonce pour après-demain 10 mille hommes arrivant en poste. Nous les recevrons bien, mais ils étaient inutiles. Le gouvernement pouvait s'en rapporter à nous pour repousser les insurgés. Nous allons voir arriver pour commandant de la division le général Brayer. Il a déjà commandé ici et s'est concilié l'estime de tous les Lyonnais.

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Copie du rapport fait à S. Exc. le ministre de l'intérieur, par le sous-préfet de l'arrondissement de Valence, auditeur au conseil d'état.

Monseigneur,

Les troupes du Midi viennent d'évacuer cette ville; je me hâte de l'annoncer à V. Exc., et de lui rendre compte des événemens qui se sont passés au chef-lieu du département depuis le 3 de ce mois, époque de l'occupation jusqu'à ce jour. Resté seul administrateur dans cette ville d'après l'invitation de M. le préfet, dans le but de faire tout le bien possible et de prévenir une partie du mal que je prévoyais, je saisis avec empressement cette occasion de correspondre avec V. Exc.

Le 3 Avril, à sept heures du matin, les troupes du Midi arrivèrent à la vue de Valence; elles campèrent hors de la ville, à l'exception d'une compagnie de grenadiers du 10e régiment, qui fut destinée à la garde de différens postes dans l'intérieur. Elles étaient précédées par un état-major composé du duc d'Angoulême, du lieutenant-général Daultanne, du Maréchalde-camp de Dainas, etc., qui tous furent logés dans la ville. Le duc d'Angoulême se transporta sur-le-champ, à la tête de 12 à 1500 hommes, sur la route de Valence à Grenoble. Il rentra bientôt après, et se rendit au logement qui lui avait été destiné.

Le lendemain 4 Avril, le duc d'Angoulême donua audience, nomma un nouveau préfet, me destitua, et me remplaça aussitôt;

N

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