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aucun mouvement militaire n'eut lieu; quelques compagnies de volontaires du midi arrivèrent, et portèrent l'effectif de ses troupes au nombre de 4 ou 5,000 hommes; savoir, 800 hommes du 10e régiment de ligne, 400 hommes du régiment étranger, et 2 à 3,000 de volontaires royaux.

Le 5 Avril, l'approche des troupes de S. M. occasionna des mouvemens parmi celles du midi qui évacuèrent Romans, repassèrent l'Isère, brûlèrent la partie du pont de Romans construite en planches, détruisirent le bac, et viurent se placer à six heures du soir, au-delà de Valence, sur la route de Montélimart.

On crat que le départ aurait lieu dans la nuit, mais il n'en fut rien.

Le 6, on entendit le canon. Il y eut un combat d'une rive de l'Isère à l'autre, qui n'eut d'autre résultat apparent que quelques blessés apportés dans cette ville.

Le duc d'Angoulême monta à cheval à midi, et ne revint qu'à quatre heures.

On remarqua dès-lors beaucoup de précipitation parmi les chefs. On augura de ce trouble que le départ serait prochain. En effet, à dix heures du soir le duc d'Angoulême partit, et toute la nuit on entendit passer des chevaux et des voitures.

Dans la matinée du 7, on apprit que la ville et son territoire étaient entièrement évacués, et à sept heures du matin arrivèrent aux cris de vive l'empereur des gardes nationaux de Vienne, bien armés et bien équipés, qui nous annoncèrent l'arrivée de la troupe de ligne.

C'est là que je suis obligé de finir mon rapport fait à la hâte afin de pouvoir le remettre au courrier de Marseille qui vient d'arriver. J'aurai l'honneur de donner à V. Exc. de plus amples informations, par le courrier de demain, dans le cas où elles paraîtraient mériter de vous être transmises.

Je suis avec respect,
Monseigneur,

De Votre Excellence,

Le très-humble et très-obéissant serviteur, (Signé)

Valence, le 7 Avril, neuf heures du matin.

BERLION.

Le sous-préfet de l'arrondissement de Valence, auditeur au conseil-d'état ;

Sur le vu de l'ordre de M. le lieutenant-général Corbineau, A l'honneur de lni transmettre copie du rapport qu'il a fait à S. Exc. le ministre de l'intérieur, et de l'informer de plus que les communications sont déjà rétablies entre l'une et l'autre rive de l'Isère; que les troupes du Midi sont en pleine déroute, laissant dans les champs leurs armes et leurs bagages, et que les fuyards sont arrêtés dans leur route par les paysans et les gardes, nationaux armés.

Les troupes de ligne qui ont accompagné le duc d'Angoulême (s'élevant au plus à 7 ou 800 hommes) l'ont abandonné.

Ces renseignemens étant les seuls qu'on ait - recueillis pour le moment, le sous-préfet a l'honneur de représenter à M. le lieutenant-général Corbineau que la présence de deux notables de la ville ne lui apprendait rien de plus, et qu'il l'informerait au reste, courrier par courrier, de tous les événemens de quelqu'importance qui pourraient survenir.

L'esprit de la ville et des campagnes est très-bon. Les dispositions des habitans sont toutes pour l'empereur, au dernier degré d'exaltation.

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Aujourd'hui, après la messe, S.M. est montée à cheval et a passé la revue de vingt régimens de cavalerie et d'infanterie. Ces troupes arrivaient d'Orléans et de la rive gauche de la Loire. Après que S. M. eut passé dans tous les rangs aux acclamations réitérées des regimens et du peuple qui couvrait toute la place du Carrousel, les officiers et les soldats sont venus au cercle. L'empereur s'est exprimé à-peu-près en ces termes: Soldats, je viens d'avoir la nouvelle que le pavillon tricolore est arboré à Toulouse, à Montpellier et dans tout le Midi. Les commandans et les garnisous de Perpignan et de Bayonne avaient annoncé formellement qu'ils n'obéiraient point aux ordres donnés par le duc d'Angoulême de livrer ces places aux Espagnols qui d'ailleurs ont fait connaître depuis qu'ils ne voulaient pas se mêler de nos affaires. Le drapeau blanc ne flotte plus que dans la seule ville de Marseille. avant la fin de cette semaine le peuple de cette grande cité, opprimé par les violences du parti royaliste, aura repris tous ses droits. De si grands et de si prompts résultats sont dus au patriotisme qui anime toute la nation et aux souvenirs que vous avez conservés de moi. Si pendant une année, de malheureuses circonstances nous ont obligés de quitter la cocarde tricolore, elle était toujours dans nos cœurs. Elle redevient aujourd'hui notre signe de ralliement; nous ne la quitterous qu'avec la vie. (L'empereur a été interrompu par ces mots, répétés par toutes les bouches: Qui, nous le jurons.)

Mais

Soldats, a repris l'empereur, nous ne voulons pas nous mêler des affaires des autres nations: mais malheur à ceux qui voudraient se mêler des nôtres, nous traiter comme Gênes ou comme Genève et nous imposer des lois autres que celles que la uation veut. Ils trouveraient sur nos frontières les héros de Marengo, d'Austerlitz, d'léna; ils Ꭹ trouveraient le peuple entier, et s'ils ont six cent mille hommes, nous leur en oppose

rons deux millions. (Les plus vives acclamations ont encore interrompu l'empereur.)

J'approuve, a-t-il ajouté, que vous ayez fait pour vous rallier des drapeaux tricolores. Ce ne sera qu'au champ de mai et en présence de la nation assemblée que je vous rendrai ces aigles qui si souvent furent illustrées par votre valeur et virent fuir les ennemis de la France.

Soldats, le peuple français et moi nous comptons sur vous; comptez aussi sur le peuple et sur moi.

L'explosion de l'enthousiasme le plus exalté a suivi ce discours et la revue s'est terminée.

Au quartier-général à Toulouse, le 4 Avril, 1815. A. S. Ex. le maréchal prince d'Eckmühl, ministre de la guerre.

Monseigneur,

J'ai reçu les ordres de l'empereur et les vôtres par le général Chartran, le 1er Avril courant. Instruit des événemens merveilleux qui s'étaient succédés si rapidement depuis le 1er Mars, je n'aurais pas attendu les ordres pour donner à l'empereur une nouvelle preuve de mes sentimens ; mais je n'avais autour de moi qu'un très-petit nombre d'officiers et de soldats, Le 69e régiment de ligne, et la majeure partie du 3e d'artillerie, et le 15e régiment de chasseurs, avaient été dirigés sur des points hors de mon commandement. Je me trouvais dans une ville de cinquante mille âmes de population, où la présence d'un baron de Vitrolles, prétendu commissaire du roi, comprimait le zèle des bons citoyens qui sont en très-grande majorité. Mes forces étaient réduites à peu de chose, le baron de Vitrolles ajoutant aux siennes par des leyées qui, quoique peu nombreuses et mal commandées, lui procuraient toujours quelques compagnies.

C'est dans ces circonstances que M. le comte de DamasCrux arriva à Toulouse; il y fut bientôt suivi de M. le maréchal Pérignon, que le duc d'Angoulême avait appelé au commandement de la 10e division. Cette nomination me parut singulière; mais tandis que M. le maréchal Pérignon recevait froidement mes communications, je me convainquis que cette froideur qui n'échappait pas au parti royaliste réhaussait sa confiance. J'en conclus que tout retard devenait pernicieux.

Quatre compagnies d'artillerie qu'on avait désespéré d'attacher à une cause totalement perdue, revenaient de Nîmes sur Toulouse. Le baron de Vitrolles leur fit donner par le maréchal Pérignon, l'ordre de rétrograder sur Narbonne, J'éludai cet ordre, et j'envoyai des officiers intelligens dire à ces compagnies d'arriver à Toulouse le plus promptement pos

sible, malgré les ordres du maréchal Pérignon, que je pris sur moi de méconnaître. Mes dispositions étant ainsi réglées, j'ai fait arrêter aujourd'hui au point du jour, le baron de Vitrolles. Je fais faire en ce moment l'inventaire de ses papiers: j'ai fait arrêter aussi le comte de Damas.

A l'instant, j'ai cru devoir me transporter chez le maréchal Pérignon, bien que ses pouvoirs eussent cessé d'après ceux que S. M. I. a bien voulu me confier: j'ai proposé à M. le maréchal de se mettre à la tête du mouvement que je préparais, consentant volontiers à lui sacrifier l'honneur de cette journée qui n'en aurait eu que plus d'éclat. M. le maréchal ayant tergiversé et montré de la faiblesse, je n'ai point insisté ; j'ai moi-même donné le signal, et à cinq heures du matin le drapeau tricolore flottait sur nos clochers et nos monumens publics; à la même heure, la garnison a pris la cocarde nationale, aux acclamations d'un peuple immense.

Midi sonne: l'enthousiasme est à son comble. Les proclamations de l'empereur produisent les plus vives sensations; aucun excès n'a été commis; aucun symptôme d'opposition ne s'est manifesté.

M. le comte de Saint-Aulaire, préfet de ce département, s'est bien conduit.

MM. de Damas et de Vitrolles m'ont fait demander instamment la permission de partir. J'ai laissé M. de Damas, dont la capacité est peu dangereuse, libre de s'acheminer pour l'Espagne par les Hautes et les Basses-Pyrénées. Ceci est d'ail leurs conforme au décret de l'empereur sur les émigrés.

Quant à M. de Vitrolles, j'ai cru important de le retenir en raison du caractère qu'il avait déployé ici, et de l'infâme conduite qu'il y a tenue; j'attendrai à son égard les ordres de l'empereur.

Une prochaine dépêche vous apportera de nouveaux détails, ainsi qu'un aperçu de notre position qui est très-bonne. Elle vous transmettra aussi le nom des citoyens de cette ville qui m'ont secondé dans cette opération; quant à MM. les officiers, il faudrait les nommer tous.

Les lettres et les ordres que vous m'aviez transmis pour les généraux commandant les subdivisions et les départemens, leur ont été envoyés dès le point du jour. Tous les départemens de la division ne tarderont pas à imiter l'exemple de la ville de Toulouse: cet exemple doit avoir une grande influence.

Votre Excellence trouvera sous ce pli les seuls numéros du Moniteur imprimés ici. J'ai pensé qu'il serait curieux de voir comment on abusait les provinces méridionales.

Je termine en vous observant, Mgr. que depuis l'entrée de l'empereur à Paris, toutes les dépêches qui ont pù m'être adressées, ont été interceptées par M. de Vitrolles; ce sera une lacune à remplir promptement.

M. le maréchal Pérignon m'a dit qu'il allait se retirer à sa campagne.

Je dois vous faire le rapport que le général Chartran a failli être arrêté par les agens du baron de Vitrolles ; je pense cependant qu'il aura réussi dans son projet de ramener sur Toulouse deux régimens qui étaient partis de l'armée aux ordres du duc d'Angoulême.

Le général Cassagne, le général Cassan m'ont parfaitement secondé dans l'opération qui vient d'avoir lieu ; j'ai cru nécessaire pour le service de l'empereur, de donner provisoirement le commandement supérieur de la place de Toulouse au général Cassan. La population est nombreuse, et ce général paraît avoir la tête bien organisée.

C'est l'adjudant-général Noël Girard, chef de l'état-major de ma division, que j'ai chargé d'arrêter le baron de Vitrolles. J'ai l'honneur d'être avec respect,

Monseigneur,

Votre très-humble et très-obéissant serviteur,

Le lieutenant-général comte de LABORDE.

P. S. Ci-inclus les exemplaires de nos proclamations aux Toulousains. Je prie V. Exc. de me faire connaître, le plus promptement possible, quelle est la décision de l'empereur à l'égard du baron de Vitrolles.

Proclamation de M. le général commandant la 10e division militaire.

Habitans de Toulouse,

Dans les circonstances où vous étiez placés, je crus que mon premier devoir était de veiller sur vous, d'assurer votre tranquillité, de préserver votre ville de ces agitations trop souvent inséparables des plus heureuses révolutions.

Je comprimai le généreux élau de mes braves soldats.
Je sentis qu'il couvenait de ne rien précipiter.

Les plus sages mesures furent prises.

Secondé puissamment par les autorités civiles, par cette garde nationale dont la conduite est au-dessus de tous les eloges, je voyais arriver avec sécurité l'heureux instant où vous pouviez n'écouter que votre amour pour cette liberté qui est le premier bien des peuples, pour cet empereur, qui est plus que jamais l'orgueil et l'espérance de la nation.

Tout-à coup les agens d'un pouvoir illégitime, d'un pouvoir qui n'était déjà plus, vinrent secouer parmi nous les torches de la guerre civile: commissions militaires, formées à mon insu, réquisitions d'hommes et d'argent, mesures rigoureuses; tout sembla menacer vos libertés et vos fortunes,

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