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corps. Il l'éloigna à travers champs de la route pour le soustraire à l'enivrement général, et se retira vers Orléans. Les soldats suivirent leur colonel, qui rougissait de honte pour ce crime de l'armée. Mais l'amour qu'ils avaient pour leur brave chef ne put obtenir d'eux que la neutralité. En s'éloignant de la route où Napoléon allait passer, ils se retournaient pour crier « Vive l'empereur!» afin que Moncey comprît bien que leur âme luttait en eux entre Napoléon et lui, et que, si leur cœur les enchaînait à leur colonel, leur vœu secret était pour l'empereur.

XXVI

La route de Fontainebleau à Paris par la forêt, si facile à défendre, était ainsi découverte faute de défenseurs. Quelques gardes du corps détachés et perdus, seuls bras sur la fidélité desquels on pût compter, étaient disséminés de station en station, chargés de rapporter à la cour les nouvelles de la défection croissante et bientôt générale.

L'empereur donna le temps à l'armée du roi de venir le suivre et aux grenadiers de l'île d'Elbe de le devancer à Fontainebleau et à Melun. Il monta en voiture à la nuit tombante, escorté seulement de deux cents cavaliers commandés par le colonel Germanouski, le colonel Duchamp et le capitaine Raoul. Quelques Polonais, semblables à ces Germains que les empereurs attachaient à leur fortune et lançaient contre le peuple de Rome, marchaient aux roues de sa calèche, le sabre à la main. Des torches éclairaient ce cortége. Le jour commençait à poindre quand il entra aux

acclamations de son escorte dans la grande cour solitaire de ce même palais de Fontainebleau, témoin de son abdication quelques mois auparavant. Sa figure n'exprimait ni étonnement, ni terreur, ni joie. Il semblait rentrer dans le palais de ses pères. Le palais était désert et inhabité, les appartements qu'il avait occupés dans sa gloire démeublés, les serviteurs absents ou endormis, toutes les habitudes de séjour interrompues par ce court exil. Pendant qu'on s'empressait de lui préparer ses appartements et son lit, il parcourut les jardins, les salles, les galeries du château, pour reconnaître les changements que le temps ou les princes nouveaux avaient faits à sa demeure de prédilection, approuvant ou s'indignant devant ses compagnons de l'île d'Elbe, comme si les Bourbons eussent été des hôtes passagers et intrus dans le palais de François I. Puis il campa pour une nuit dans les petits appartements où il avait subi les rigueurs du sort, où il savourait son retour. Il dicta des ordres de route aux corps de l'armée pour la journée du lendemain, qu'il comptait passer lui-même encore dans cette résidence, et il s'endormit sous la garde de ces mêmes soldats campés dans ces cours d'où ils étaient partis pour l'accompagner vers son exil.

LIVRE DIX-NEUVIÈME

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Indignation de Paris contre Napoléon.-Le comte d'Artois passe la revue de la garde nationale. Nouvelles de la marche de Napoléon. monstrations royalistes de Paris. Conseil du roi et des ministres. Ordonnance de clôture de la session des chambres. Départ du roi dans la nuit du 20 mars. Proclamations de M. de Chabrol et de M. Bellart. Le général Excelmans. - Entrée de Napoléon dans Paris. - Ovation militaire.— Froideur des Parisiens. - Entrevue de Napoléon et de Cambacérès. Il crée son ministère. - Adresse du Conseil d'État. Adhésion de Benjamin Constant. L'empereur forme sa maison militaire. Revues. Fuite de Louis XVIII. -Son arrivée à Lille. Défection de la garnison. — Le roi abandonne Lille et s'établit à Gand. -Le comte d'Artois à Béthune.

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Il passe en Belgique. Entrée de l'armée impériale à Béthune. - Soulèvement de la Vendée. L'armée de Napoléon arrête l'insurrection. Le duc et la duchesse d'Angoulême à Bordeaux. Le duc part pour le Midi à la nouvelle du débarque

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Conseil tenu par la duchesse d'Angoulême.

Combat du pont de la

ment de Bonaparte.
Marche du général Clausel sur Bordeaux.
Dordogne.- Défection de la garnison de Blaye. - Entrevue du général
Clausel et de M. de Martignac. Capitulation de Bordeaux..

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tance de la duchesse d'Angoulême. Défection des troupes. - Départ de la duchesse de Bordeaux. Elle passe en Angleterre et vient re

joindre Louis XVIII à Gand. - Protestation de M. Lainé.

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du duc d'Angoulême dans le Midi. — Défection d'une partie de son Combats de Montélimart, de Loriol et du pont de la Drôme.

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L'armée royale s'établit à Valence. - Elle se replie sur Pont-SaintEsprit. Le duc d'Angoulême est cerné à Lapalud. Il capitule. Il est arrêté par Grouchy. Il est conduit en Espagne. Napoléon à Grouchy.

Lettre de

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Paris ne participait en rien à l'enthousiasme purement soldatesque qui emportait l'armée entière sur les pas de Napoléon. Plus l'empereur s'approchait et menaçait de courber la volonté nationale sous l'immense émeute de ses soldats, plus le sentiment civique prenait d'énergie et d'indignation dans les âmes, et plus cette indignation contre la contrainte d'un dictateur à main armée s'imposant au pays par la force se transformait en adhésion raisonnée et en enthousiasme de pitié pour le roi. On plaignait unanimement ce prince désarmé et menacé, n'ayant plus à opposer au génie de la guerre et du despotisme, pour lui disputer un peuple et un trône, que les institutions, les lois, les droits antiques rajeunis par un contrat nouveau avec l'esprit et les mœurs du temps. On s'attendrissait sur ses cheveux blancs, son âge, sa constance, ses malheurs passés, sur ceux des princes de sa maison et de la duchesse d'Angoulême surtout, qu'il allait entraîner dans sa catastrophe ou son exil. On jurait de combattre et de mourir pour lui. Ces serments étaient universels et sincères. Toutes les opinions, depuis le républicanisme jusqu'à la superstition de l'antique race des rois, se confondirent par des sentiments divers dans l'horreur et dans la malédiction contre le perturbateur de l'Europe. Les journaux, les cafés, les lieux publics, les jardins,

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