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Avril 1804.

Etat

de l'Europe

au moment

de la mort

du duc d'Enghien.

On

cette agitation un retour général vers les idées monarchiques. considère l'hérédité comme un moyen de consolider l'ordre établi, et de le mettre à l'abri des conséquences d'un assassinat. - Nombreuses adresses. Discours de M. de Fontanes à l'occasion de l'a

-

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chèvement du Code civil. Rôle de M Fouché dans cette circon-
stance. Il est l'instrument du changement qui se prépare.
M. Cambacérès oppose quelque résistance à ce changement. — Ex-
plication du Premier Consul avec celui-ci. Démarche du Sénat pré-
parée par M. Fouché. Le Premier Consul diffère de répondre à la
démarche du Sénat, s'adresse aux cours étrangères, pour savoir
s'il obtiendra d'elles a reconnaissance du nouveau titre qu'il veut
prendre. Réponse favorable de la Prusse et de l'Autriche. Con-
ditions que cette dernière cour met à la reconnaissance. Disposi-
tion empressée de l'armée à proclamer un empereur.
Le Premier
Consul; après un assez long silence, répond au Sénat en demandant
à ce corps de faire connaître sa pensée tout entière. Le Sénat dé-
libere. Motion du tribun Curée ayant pour objet de demander le ré-
tablissement de la monarchie. Discussion sur ce sujet dans le sein
du Tribunat, et discours du tribun Carnot. - Cette motion est portée
au Sénat, qui l'accueille, et adresse un message au Premier Consul,
pour lui proposer de revenir à la monarchie. Comité chargé de pro-
poser les changements nécessaires à la Constitution consulaire.
Changements adoptés.-Constitution impériale.- Grands dignitaires.
-Charges militaires et civiles. — Projet de rétablir un jour l'empire
d'Occident. - Les nouvelles dispositions constitutionnelles converties
en un sénatus-consulte. Le Sénat se transporte en corps à Saint-
Cloud, et proclame Napoléon empereur. Singularité et grandeur
du spectacle. Suite du procès de Georges et de Moreau.-Georges
condamné à mort et exécuté. - MM. Armand de Polignac et de Ri-
Sa destinée

vière condamnés à mort et graciés. Moreau exilé.

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et celle de Napoléon. Nouvelle phase de la Révolution française. - La République convertie en monarchie militaire.

L'effet produit par la sanglante catastrophe de Vincennes fut grand sans doute en France; il fut plus grand encore en Europe. Nous ne nous écarterons pas de la vérité rigoureuse, en disant que cette catastrophe devint la principale cause d'une troisième guerre générale. La conspiration des princes français, et la mort du duc d'Enghien qui en était la suite, furent de ces coups réciproques, par lesquels la révolution et la contre-révolution s'exci

tèrent à une nouvelle et violente lutte, qui s'étendit bientôt depuis les Alpes et le Rhin jusqu'aux bords du Niémen.

Nous avons exposé la situation respective de la France et des diverses cours, à partir du renouvellement de la guerre avec la Grande-Bretagne; les prétentions de la Russie à un arbitrage suprême, accueillies froidement par l'Angleterre, courtoisement par le Premier Consul, mais bientôt repoussées par celui-ci, dès qu'il avait reconnu les dispositions partiales du cabinet russe; les appréhensions de l'Autriche, craignant de voir la guerre redevenir générale, et cherchant à se distraire de ses inquiétudes par des excès de pouvoir dans l'Empire ;-les perplexités de la Prusse, tour à tour agitée par les suggestions de la Russie, ou attirée par les caresses du Premier Consul, presque séduite par les paroles de ce dernier à M. Lombard, prête enfin à sortir de ses longues hésitations en se jetant dans les bras de la France.

Avril 1804.

Le roi

de Prusse, de la Russie,

mécontent

et séduit par les discours tenus à

Telle était la situation un peu avant la déplorable conjuration dont nous venons de raconter les tragiques phases. M. Lombard était retourné à Berlin tout plein de ce qu'il avait entendu à Bruxelles, et en communiquant ses impressions au jeune Frédéric- Bruxelles par Guillaume, il l'avait décidé à se lier définitivement avec nous. Une autre circonstance avait contribué beaucoup à produire cet heureux résultat. La Russie de la France. s'était montrée peu favorable aux idées de la Prusse, qui consistaient dans une sorte de neutralité continentale, fondée sur l'ancienne neutralité prussienne,

le Premier Consul,

se décide pour

l'alliance

Avril 1804.

et elle avait cherché à substituer à ces idées un projet de tiers-parti européen, qui, sous prétexte de contenir les puissances belligérantes, aurait abouti bientôt à une nouvelle coalition, dirigée contre la France, et soldée par l'Angleterre. Frédéric-Guillaume, blessé de l'accueil qu'avaient reçu ses propositions, des conséquences visibles que pouvait entraîner le projet russe, sentant que la force était du côté du Premier Consul, lui fit offrir, non plus une stérile amitié, comme il faisait depuis 1800, par l'insaisissable M. d'Haugwitz, mais une véritable alliance. D'abord il avait offert, à la France ainsi qu'à la Russie, une extension de la neutralité prussienne, qui devait comprendre tous les États d'Allemagne, et être payée de l'évacuation du Hanovre, ce qui n'aurait eu pour nous d'autre effet que de rouvrir le continent au commerce anglais, et de nous fermer la route de Vienne. Le Premier Consul, conférant à Bruxelles avec M. Lombard, n'avait pas voulu en entendre parler. Depuis le retour de M. Lombard à Berlin, et la conduite récente de la Russie, le roi de Prusse nous faisait proposer tout autre chose. Dans ce nouveau système, les deux puissances, la France et la Prusse, se garantissaient le status præsens, comprenant, pour la Prusse, tout ce qu'elle avait acquis en Allemagne et en Pologne depuis 1789; pour la France, le Rhin, les Alpes, puissances. la réunion du Piémont, la présidence de la RépuConditions blique italienne, la propriété de Parme et Plaisance, le maintien du royaume d'Étrurie, l'occuréciproque. pation temporaire de Tarente. Si pour l'un de ces

Le roi

de Prusse offre

à la France

une garantie

réciproque des États actuellement possédés par les deux

de cette

garantie

intérêts la paix était troublée, celle des deux puissances qui ne serait point immédiatement menacée devait s'entremettre pour prévenir la guerre. Si ses bons offices demeuraient inefficaces, les deux puissances s'engageaient à réunir leurs forces, et à soutenir la lutte en commun. Pour prix de ce grave engagement, la Prusse demandait qu'on évacuât les bords de l'Elbe et du Weser, qu'on réduisît l'armée française en Hanovre au nombre d'hommes nécessaire pour percevoir les revenus du pays, c'està-dire à 6 mille; et enfin, si à la paix les succès de la France avaient été assez grands pour qu'elle pût en dicter les conditions, la Prusse exigeait que le sort du Hanovre fût réglé d'accord avec elle. C'était, d'une façon indirecte, stipuler que le Hanovre lui serait donné.

Avril 4804.

Raisons qui avaient décidé

la Prusse

aussi avant dans la politique de la France.

Ce qui avait décidé Frédéric-Guillaume à entrer aussi avant dans la politique du Premier Consul, c'était la certitude de la paix continentale, qui dé à s'engager pendait, à son avis, d'une solide alliance entre la Prusse et la France. Il avait vu, avec une justesse de coup d'œil honorable pour lui, honorable surtout pour M. d'Haugwitz, son véritable inspirateur, que, la Prusse et la France étant fortement unies, personne sur le continent n'oserait troubler la paix générale. Il avait reconnu en même temps qu'en enchaînant le continent, il enchaînait aussi le Premier Consul; car la garantie donnée à la situation présente des deux puissances était une manière de fixer cette situation, et d'interdire au Premier Consul de nouvelles entreprises. Si la Prusse eût

Avril 1804.

Motifs qui auraient dû

décider le Pre

à accepter

les offres

de la Prusse.

persisté dans de telles vues, et si on l'avait encouragée à y persévérer, les destinées du monde eussent été changées.

Les mêmes raisons qui avaient décidé la Prusse à faire la proposition que nous venons de rappormier Consul ter, auraient dû décider le Premier Consul à l'accepter. Ce qu'il voulait, en définitive, du moins alors, c'était la France jusqu'au Rhin et aux Alpes, plus une domination absolue en Italie, une influence prépondérante en Espagne, en un mot la suprématie de l'Occident. Il avait tout cela en obtenant la garantie de la Prusse, et il l'avait avec un degré de certitude presque infaillible. Sans doute le continent était rouvert aux Anglais par l'évacuation des bords de l'Elbe et du Weser; mais ces facilités rendues à leur commerce ne leur faisaient pas autant de bien que leur faisait de mal l'immobilité du continent, désormais assurée par l'union de la Prusse avec la France. Et, le continent immobile, le Premier Consul était certain, en y appliquant son génie pendant plusieurs années, de frapper tôt ou tard quelque grand coup sur l'Angleterre.

Difficultés survenues

pour le mot d'alliance,

que la Prusse refuse d'insérer dans le traité proposé.

Il est vrai que le titre d'alliance manquait à la proposition de la Prusse : la chose y était certainement, mais le mot y manquait par la volonté trèsréfléchie du jeune roi.

Ce prince, effectivement, n'avait pas voulu l'y mettre; il avait même tenu à diminuer l'importance apparente du traité, en l'appelant une convention. Mais qu'importait la forme, quand on avait le fond; quand l'engagement de joindre ses forces aux nổ

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