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ploya son armée qu'à poursuivre la bande de Bessières, qui s'intitulait généralissime de l'armée de la Foi, et qui faisait à l'armée française une avant-garde de pillards, d'assassins et de bourreaux. L'Abisbal donna, le premier, l'exemple de la défection: il écrivit au duc d'Angoulême pour offrir sa soumission, avec celle de Madrid. Mais Bessières avait encore devancé les Français, et, à la tête de sa bande, il essaya de traiter la capitale comme une ville prise d'assaut; il y eut un effort de conservation désespéré contre ce misérable, qui n'emporta qu'une partie de son butin, en laissant, dans les rues de Madrid, les cadavres de ses principaux complices.

Trois jours après la retraite de Bessières, le 23 mai, les Français furent reçus à Madrid comme des libérateurs. Mais leur présence détermina une explosion du parti absolutiste : la populace, échauffée par les prédications des moines, poussa des cris de mort contre les exaltados et contre les cortès, brisa les bustes de Riego, renversa les pierres de la constitution, pilla des magasins et des boutiques, poursuivit les francs-maçons et les libéraux, en égorgea quelques-uns, emprisonna les autres. La licence populaire ne pouvait pas aller au delà, lorsque le prince généralissime vint se fixer à Madrid: il créa une régence d'Espagne et des Indes, composée du duc de l'Infantado, du duc de Mortemare, du baron d'Éroles, de Calderon, de l'évêque d'Ossuna, qui régularisèrent la réaction royaliste et reconstituèrent le pouvoir absolu au nom de Ferdinand VII. L'entrée des Français à Madrid eut un contre-coup à Lisbonne et mit fin à la révolution de Portugal. L'infant don Miguel, d'accord avec son père Jean VI, qui avait joué jusque-là très-habilement son rôle de roi constitutionnel, et qui avait fait cause commune avec la révolution d'Espagne, don Miguel se met à la tête des troupes et se déclare contre la constitution. Jean VI désavoue son fils, qu'il abandonne comme père, dit-il, et qu'il saura punir comme roi; puis, quand le mouvement a réussi, il jette le masque, se réfugie sous la protection de ses troupes, abolit la constitution par décret royal, et rentre dans sa capitale en souverain absolu. Le dénoûment de la révolution portugaise ne pouvait pourtant pas faire pressentir celui de la révolution espagnole. Ferdinand VII était à Séville entre les mains des cortès on propose sa déchéance, sous prétexte qu'il ne jouit pas de ses facultés intellectuelles. Ferdinand, en effet, épouvanté de se voir entre les mains de ses ennemis, est tombé dans un sombre abattement; il refuse de participer aux actes du gouvernement des cortès, mais il ne proteste que par son silence. On nomme une régence provisoire pour suppléer à l'incapa

cité du roi trois membres des cortès, Valdès, Ciscar et Vigodet sont élus. Cette régence décide que le gouvernement n'est plus en sûreté à Séville et qu'on le transportera le lendemain même à Cadix. Ferdinand veut résister, en disant que la fièvre jaune règne à Cadix; mais on n'écoute pas ses réclamations, et le 12 juin a lieu son départ pour Cadix. Dans cette ville, on le force de reprendre son autorité constitutionnelle, et il attend sa délivrance avec moins d'inquiétude. L'Abisbal s'était dérobé par la fuite aux malédictions de ses soldats, et le corps d'armée qu'il commandait n'avait pas repris l'offensive, après l'avoir chassé. Morillo, dans la Galice, était déjà gagné, mais il se conduisait avec plus de prudence que l'Abisbal: il ne voulait reconnaître ni les cortès de Cadix ni la régence provisoire de Madrid; il s'était engagé à ne pas se mêler activement à la guerre, jusqu'à ce que le roi fût délivré et lui eût transmis un ordre. Le général Quiroga et le général anglais Wilson, qui, par amour de la liberté, avait mis son épée au service de la constitution espagnole, criaient à la trahison contre Morillo, mais ne réussissaient pas à le faire sortir de son immobilité. Ballesteros était prêt à signer aussi une capitulation,' mais il affectait du moins d'inquiéter les savantes marches et contremarches du général Molitor, avec lequel il consentit même à en venir aux mains; après ces petits combats insignifiants de part et d'autre, il crut en avoir assez fait pour capituler à son profit. Quant à Mina, il avait retrouvé son indomptable énergie, son activité froudroyante, son audace et son intrépidité, pour défendre la Catalogne et tenir en échec le corps du maréchal Moncey, que déconcertaient souvent les manoeuvres les plus hardies et les plus imprévues. Ce fut en Catalogne seulement que l'armée française eut à faire une guerre véritable, qui rappelait celle que le même chef de guérillas avait faite de la même façon aux armées de l'empire. Embusqué dans ses montagnes inexpugnables, il attaquait sans cesse à l'improviste et il ne se laissait jamais surprendre. Son champ de manœuvres s'étendait entre quatre places fortes: Tarragone, Lérida, Figuières et la Seu-d'Urgel, qu'il secourait successivement à mesure qu'elles étaient investies; son petit corps d'armée eût été invincible, si tant de combats et de fatigues ne l'avaient décimé, et si Mina, blessé et malade, avait pu résister à des fatigues surhumaines : il alla se rétablir à Tarragone, pendant que Moncey, avec toutes ses forces, faisait le blocus de Barcelone et de Lérida. L'absence forcée du héros de la Catalogne découragea ses compagnons d'armes et suspendit presque les hostilités dans cette province. Des négociations secrètes étaient entamées à la

fois auprès de tous les chefs militaires et politiques, pour les détacher du gouvernement révolutionnaire: on espérait pacifier l'Espagne par la voie des négociations plutôt que par les armes. L'avocat Martignac avait suivi, en qualité de commissaire civil, le duc d'Angoulême, et l'on devait à son habile direction la conquête des consciences. les plus inexpugnables. On a prétendu que ces sortes de dépenses n'avaient pas été pour peu de chose dans les frais de la guerre. Elles servirent beaucoup d'ailleurs à son succès. Martignac, en récompense de ses mystérieux services, venait d'être créé ministre d'État et membre du conseil privé. Avant de rentrer en France, il annonça que le duc d'Angoulême l'avait chargé de déposer dans le palais royal de Madrid quarante-huit drapeaux et les clefs de Valence, glorieux trophées de la première guerre d'Espagne que l'on voulait effacer par la seconde, et dont le souvenir importunait les royalistes français autant que les Espagnols eux-mêmes. La perte de ces trophées fut plus sensible à la France que le gaspillage de ses millions. Mais, nonobstant toutes ces transactions plus ou moins corruptrices, la régence absolutiste semblait prendre à tàche de contrecarrer les intentions conciliantes du généralissime de l'armée française. La faction des absolutistes ou des serviles ne tenait aucun compte des promesses d'oubli et de pardon qui avaient été faites au nom de Ferdinand VII; dans la capitale, comme dans toutes les villes qui s'étaient soumises de gré ou de force, une odieuse proscription, prêchée par les moines, s'organisait contre les liberales et les negros; non-seulement on remplissait les prisons, non-seulement on livrait la fortune et la vie des citoyens à des tribunaux d'exception, mais encore la populace célébrait, par des meurtres, des incendies, des violences de toutes sortes, le retour du pouvoir absoln. Ces horreurs se passaient sous les yeux et comme sous la protection des Français. Le duc d'Angoulême fut indigné des hideux excès de cette réaction sauvage: son chef d'étatmajor, le général Guilleminot, lui fit entendre de franches et généreuses représentations au sujet de ce déplorable état de choses : le prince signa l'ordonnance d'Andujar (8 août), qui interdisait aux autorités espagnoles de faire aucune arrestation, sans y être autorisées par les commandants de troupes françaises, et qui ordonnait la mise en liberté de tous les citoyens arrêtés arbitrairement et pour des motifs politiques. Cette ordonnance, accueillie par l'assentiment de tous les honnêtes gens, ne put recevoir d'exécution et fut frappée d'impuissance dans la plupart des localités où l'on reçut en même temps le mot d'ordre de la Congrégation : le ministère la désap

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