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s'était proposé. Cet homme si habile à deviner les prétendues trames les plus secrettes, même chez l'étranger, ne fit rien pour prévenir l'explosion de cette machine, ni pour en découvrir et arrêter la fabrication.

Fouché, après avoir trahi son Dieu, ne pouvait manquer de trahir, ou du moins de tromper son maître; il le fit dans deux circonstances que nous allons citer. Bonaparte ayant malheureusement échappé à la machine infernale, qui ne frappa que des victimes innocentes, Dubois et Fouché rivalisèrent de zèle, pour découvrir et châtier les coupables de ce forfait. Le premier s'attacha aux terroristes, le second aux royalistes; c'était le moyen d'offrir au tyran deux holocaustes également agréables. Les terroristes furent les

premiers punis, et s'il nous est permis de dire ici notre sentiment, ce fut avec raison. Voici le motif sur lequel nous basons notre conjecture. Quelques minutes après l'explosion de la machine, un particulier vint à la hâte, les yeux tout en pleurs, chez J....., fabricant de papiers peints, et lui dit en entrant : « Le coup est manqué, tout est perdu. Aussitôt l'épouse de J...... tombe évanouie. J..... pâlit, envoie chercher de l'eau-de-vie chez l'épicier en face de sa maison, qui nous a donné connaissance de cette particu larité. J... et plusieurs autres furentarrêtés, et condamnés à la déportation.

Le ministre suivant toujours l'ancien systême de la bascule, imputa tout le crime aux royalistes, et fit

donner les premières places à de vieux anarchistes, qui, en perpétuant les principes de la révolution, n'ont fait que perpétuer nos maux, en retardant la chute de l'usurpateur et le rétablissemen. du souverain légitime quoi qu'il en soit, à mesure que Bonaparte s'élevait, l'ex-sansculotte Fouché acquérait successivement de nouvelles dignités. Il fut fait sénateur, grand-aigle de la Légion d'honneur, et duc d'Otrante. Tout porte à présumer que ces honneurs furent le salaire des services qu'il rendit à l'usurpateur dans les affaires de Drake, de Pichegru, et du duc d'Enghien. Mais plus il s'éleva, plus sa chute fut rapide et prochaine.

Nous voici arrivés à l'époque de la vie politique de Fouché; la moins

connue est celle de sa disgrace.cn 1810. Voici les détails à ce sujet, que nous pouvons donner comme authentiques. Depuis quelques tems Bonaparte avait pris de l'ombrage contre lui; il avait vu avec beaucoup de peine, que par un simple appel aux gardes nationales, par le seul mouvement de son influence, il avait fait lever, comme par enchantement, plus de deux cent mille hommes, dont l'armement spontané avait fait échouer l'expédition anglaise de Flessingue.

Un homme qui, du fond de son cabinet, pouvait à son gré faire mouvoir en un clin d'oeil la France toute entière, devait être suspect au plus soupçonneux de tous les despotes. Il n'avait point oublié que Fouché avait essayé un acte acle de toute-puissance dans un moment où

lui-même, malade en Allemagne, et négociant avec l'Autriche une paix qui n'était rien moins que certaine, pouvait se trouver dans l'impossibilité de rentrer en France, si tous les gardes nationaux sous les armes, éclairés sur leurs véritables intérêts, s'opposaient à son retour, et brisaient enfin son sceptre de fer, pour remettre l'autorité suprême à leur roi légitime.

Cependant Bonaparte crut devoir dissimuler et attendre, pour disgra cier ce ministre, une occasion plus favorable, qui ne pût en aucune manière le compromettre aux yeux de la nation; il ne tarda point à la faire naître il témoigna à Fouché son desir de connaître à fond le véritable esprit qui dérigeait le parlement et le cabinet d'Angleterre,

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