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Nous avons dit plus haut que Robespierre avait quitté le comité de salut public six semaines avant le 9 thermidor, en s'écriant que ses membres étaient tous des hommes de sang, parce qu'ils ne voulaient point rappeler de Nantes le trop célèbre Carrier. Eh bien! ce même Carrier que Robespierre trouvait trop san

flers lui-même. Peu de jours avant cette fête, Robespierre envoya chercher cet abbé, qui demeurait à Passy, avec ordre de se rendre sur-le-champ auprès de sa personne. Porquet, en lisant cet ordre, pâlit, mais il se rendit aussitôt auprès de Robespierre qui, voyant son trouble, se mit à sourire: « Rassurez-vous, lui dit-il, mon cher abbé; j'ai besoin d'un discours pour la fête de l'être suprême, et c'est vous que j'ai choisi pour le composer. » Porquet le remercia, et répon dit parfaitement à sa confiance,

guinaire, fut dénoncé par Fouché comme modéré. Carrier modéré! A la vérité, il n'avait pas encore mis en usage les mariages républicains et les soupapes.

Dénoncer un proconsul, c'était le désigner pour l'échafaud. Aussi Carrier, qui connaissait parfaitement tout ce que pouvait faire le fléau du Nivernois et de Lyon, résolut d'échapper, à quelque prix que ce fût, à ce soupçon de modérantisme, et bientôt il en trouva l'occasion. Nantes était rempli de prêtres, dont les gouvernans avaient ordonné la mort; le proconsul, chargé d'exécuter cet ordre, ne voulut pas s'en acquitter lui-même, et donna cette terrible mission au plus ardent maratiste de cette ville. Il lui enjoignit de transférer ces prêtres à quelques

lieues de Nantes, l'autorisant à les fusiller dans le cas où ils se révolteraient en chemin. Et s'ils ne se révoltent pas, lui dit cet homme? Carrier, que cette question imprévue embarrassait, garda pendant quelques minutes le silence, et s'écria tout-à-coup: « Fouché m'a perdu;

tu les fusilleras. »

Voici le troisième point de comparaison qui n'est pas le moins décisif. Robespierre mourut pauvre, et Fouché jouit d'une immense fortune. Ce dernier trait du parallèle n'est pas, à coup sûr, en faveur du ci-devant sans-culotte, devenu par la suite l'un des plus grands seigneurs. Il n'est personne qui ne se demande comment un homme, simple professeur d'un collége de province, a pu ramasser, en si de peu tems, une

fortune si considérable; sans doute les fonctions dont il a été honoré, ont été lucratives, mais il ne pouvait se dispenser d'en employer une grande partie à la représentation attachée à ces places.

L'acquisition de cette opulence serait une énigme qu'on ne saurait résoudre, si M. le duc n'avait pris soin lui-même de nous en iudiquer la solution dans quelques passages de sa doctrine philosophique et politique; on les trouve dans une instruction qu'il adressa, dans le bon tems, aux Jacobins du département de l'Isère il suffit de les connaître pour expliquer Fouché tout entier en voici la teneur :

« Tout est permis pour ceux qui agissent dans le sens de la révolu

tion (1). Il n'y a d'autre danger pour Fe républicain, que de rester en arrière des lois de la république'; quiconque les prévient, les devance (2), quiconque même outre-passe en apparence le but, souvent n'y est pas arrivé (3); aucune considération ne

(1) Cette vérité, si satisfaisante pour les émules de Cartouche et les ouvriers des 2 et 3 septembre, vous l'avez prouvée par votre conduite, Fouché, vous et vos disciples.

(2) C'est ainsi que dans le département de la Nièvre et de l'Allier, vous avez devancé les lois de la république sur l'abolition des cérémonies religieuses, des signes extérieurs de toutes les sectes, et enfin de toute espèce de culte, puisque vous avez arrêté que le peuple français ne pouvait plus reconnaître d'autre culte que celui de la morale.

(3) Il eût été à desirer que l'apôtre de la liberté nous eût expliqué ces mots; il n'est

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