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§ IV.

Abolition du Droit d'Aínesse et des Substitutions.

La révolution de 1789 a eu pour base la Liberté politique, l'égalité de Droits devant la Loi: elle est antihatpique avec les Priviléges. Le régime féodal fut aboli.

Cessant la cause, les effets durent cesser aussi.

« Le Droit d'Aînesse ou de primogéniture s'était établi comme conséquence de la perpétuité des fiefs, >> avons-nous dit avec Montesquieu (1). -La Loi du 15 mars 17901 déclara que «tous priviléges, toute féodalité et nobilité des biens ÉTANT DÉTRUITS, les Droits d'Ainesse et de masculinité à l'égard des fiefs, domaines et alleux nobles, et les partages inégaux à raison de la qualité des personnes, ÉTAIENT Abolis. »

Plus tard, les substitutions elles-mêmes furent supprimées par décret du 14 septembre 1792.

(1) Montesquieu, Liv. 31, chap. 32. ..

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Effets de l'abolition du Droit d'Ainesse et des Substitutions.

POUR en juger il suffirait que ceux qui ont revu la France en 1814, voulussent se rappeler ce qu'elle était en 1791, lorsqu'ils l'ont quit

tée.

Il est faux de dire que la force ou la richesse nationales aient diminué par la trop grande division des propriétés.

Jamais nos armées n'ont été plus fortes et plus braves que depuis qu'elles ont été composées presqu'en totalité de citoyens propriétaires, à ce titre intéressés personnellement à la défense du territoire.

Jamais la police des campagnes n'a été plus facile, les routes plus sûres, le peuple plus heureux et plus humain.

L'abolition du Droit d'Aînesse, en rétablissant l'égalité dans les familles, y a rendu plus intime l'union des pères avec leurs enfans et

f

des enfans entr'eux. Plus de ces haines furieuses, à la manière d'Esau. Même éducation, mêmes mœurs, même sort. Les uns ne sont plus nés pour les priviléges, et les autres pour la privation, l'abjection et le malheur.

Quant aux terres, tous les gens de bonne foi conviendront que les grandes propriétés étaient les plus mal cultivées. Combien de lacs, d'étangs, de marais convertis depuis trente ans en fertiles pâturages! Combien d'heureux essais de culture que n'auraient tentés ni l'orgueil des aînés, ni l'indifférence apathique d'un grevé de substitution!

Les forêts des corporations religieuses et celles des communautés d'habitans étaient livrées au pillage; chaque usufruitier, ou bénéficier ne cherchant que des prétextes pour étendre sa jouissance présente, et dilapider l'avenir. Les Lois des forêts, bonnes en ellesmêmes, étaient toutefois mal exécutées. Que l'on dise franchement si la plus exacte conservation, si l'ordre le plus parfait d'aménagement n'a pas été introduit depuis 25 ans dans cette partie? que les grands propriétaires euxmêmes disent s'ils n'ont pas généralement retrouvé cette portion de leur fortune mieux

tenue et mieux réservée qu'elle ne l'était jadis?

Un mouvement général a été imprimé à la propriété et à l'industrie : la fréquence même des mutations en enrichissant le fisc, a facilité l'arrangement des domaines. Si plusieurs ont été divisés, un grand nombre ont été recomposés. L'économie des uns a réparé les brèches causées par la prodigalité des autres. Chacun a été heureux ou malheureux, non par le hasard ou la déconvenue de sa naissance, mais par ses vertus ou par ses vices, par son labeur où son oisiveté.

En résultat, nos villes se sont embellies, nos arts se sont perfectionnés, les habitations plus multipliées sont devenues aussi plus saines, plus commodes, et d'un aspect plus gracieux; un peuple plus nombreux, un peuple nouveau, plein de bravoure, d'intelligence et de moralité, est sorti du sein de cette nouvelle création.

Est-ce pour accroître cette masse de prospérité, que l'on se propose de détruire les causes qui ont produit de tels effets, et que l'on prétend imposer l'immobilité aux richesses, aux fortunes, et aux transactions sociales, en recréant, à froid, des institutions qui ne sont tombées que parce qu'elles ne pouvaient plus 'se soutenir, en présence d'autres idées, d'autres temps, d'autres besoins?

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La Loi proposée est-elle constitutionnelle? C'EST la première question que devraient se faire des Ministres quand ils s'avisent d'un projet de Loi c'est du moins celle que ne manqueront pas de se faire, et les Pairs et les Députés, lorsqu'il s'agira de discuter la Loi proposée.

:

La Loi constitutionnelle est immuable: elle est garantie par le serment des sujets et par celui du Prince : il jure à son sacre de l'observer

fidèlement; il promet de gouverner selon les Lois du Royaume ; ce qui ne veut pas seulement dire selon les Lois variables que la volonté d'une session enfante, et que la yolonté d'une autre session peut détruire; mais ce qui veut dire principalement selon les Lois Fondamentales (1).

La discussion sur ce point capital est d'autant plus nécessaire que le Prince lui-même a

(1) Voyez dans mon Précis historique du Droit français, page 121 et suivantes, les autorités accumulées, sur cette vérité de Droit public.

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