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invité les Pairs et les Députés à méditer les projets de ses Ministres, et à les approfondir(1); enfin cette tâche est d'autant plus facile que les lumières ainsi provoquées, devront frapper les regards d'un Roi qui, dans sa loyauté pleine de grâce, a promis « de ne négliger rien pour >> consolider le bonheur de la France, la gloire » de notre monarchie, et la liberté franche et » entière, SUIVANT LES LOIS, dont il lui plaît de >> croire que le Français est digne, et dont il s'appliquera (dit-il ) à le faire jouir dans >> tout ce qui dépendra de lui. »

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Forts de ces paroles, les Pairs, et dès à présent les Députés peuvent hardiment répondre aux Ministres : « Le projet que vous nous pré>> sentez est contraire à la Loi Fondamentale; >> nous ne l'accepterons point. >>

La Charte dit, et elle le dit dans son article premier, car celui-là est en effet la base de tous: << les Français sont égaux devant la Loi. »

Dans le préambule de cette même Charte, on lit encore ces paroles touchantes d'un Roi législateur: «< le vou le plus cher à notre cœur,

(1) Discours de la Couronne. Réponses aux adresses des Chambres.

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» c'est que tous les Français vivent en frères. » -Est-ce en frères égaux ou inégaux? ticle premier a déjà répondu.

Or, la Loi proposée est destructive de l'égalité au dernier dégré. Il n'est pas possible par aucune autre loi, de lui porter une plus rude atteinte que par celle-ci, qui, dans chaque famille, au partage égal opéré jusqu'ici entre frères, substitue la plus choquante inégalité..

Et qu'on ne dise pas que l'égalité résulte, en d'autres termes, de ce que le Droit d'Aînesse n'est pas seulement établi dans les familles nobles, mais dans toutes, et même chez les paysans. Je réponds que l'inégalité pour être étendue partout, n'en est n'en est pas moins l'inégalité; et c'est même dans cette généralité de la loi que je puise la matière d'une distinction essentielle à faire et qui doit alléger le reste de la discussion.

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Il faut une aristocratie! Eh! sans doute, en faut une; non à la manière des choses qu'il est difficile de se procurer, mais il en faut, parce que de fait elle existe partout, même dans les républiques, et que ce qui existe de fait est bientôt devenu un droit.

Aussi avons-nous une aristocratie; nous en avons même deux, si elles ne s'accordent pas à convenir qu'elles n'en forment qu'une seule. « La noblesse ancienne reprend ses titres. La >> nouvelle conserve les siens. » Tels sont les termes dans lesquels s'est exprimé Louis XVIII dans l'art. 71 de la Charte.

Ajoutez à cela, que, suivant le même article, « le Roi fait des nobles à volonté. » — Seulement, et c'est ce qui distingue la noblesse constitutionnelle maintenue ou rétablie par la Charte, de la noblesse féodale abolie sans retour par les lois de 1789, c'est que le Roi, en faisant ainsi des nobles, ne leur accorde que des rangs et >> des honneurs, sans aucune exemption des >> charges et des devoirs de la société. »

Le Droit d'Ainesse et de Masculinité existe constitutionnellement dans les cas suivans:

1o. Pour la succession à la Couronne qui, suivant la première et plus importante loi de la monarchie, consacre « le droit de la maison » régnante au trône, de mâle en mâle, par >> ordre de primogéniture, à l'exclusion perpé» tuelle des filles et de leurs descendans (1).

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2o. Il existe pour les Apanages qui, à la demande des Etats-Généraux, ont si heureusement remplacé l'ancien partage de la monarchie; «< dont l'institution, à ce titre et par sa longue observance, a mérité d'être placée au fang des lois fondamentales de la monarchie (2), » et qui enfin a été de nouveau proclamée depuis la Charte dans l'art. 4 de la loi du 18 janvier 1825.

3o. Il serait même à désirer que, pour prévenir la déperdition de la fortune personnelle des princes de la Maison royale, une loi de famille en assurât la conservation, et la réversion entre ses divers membres, avec modération du Droit des filles, et totale exclusion des princes étrangers,

(1) Principe tiré de la Loi salique = consacré par une possession de plus de 800 ans. Déclaré par le célèbre arrêt du Parlement de Paris, du 5 mai 1788.

(2) Lettres patentes, du 7 septembre 1766.

4o. La Pairie, qui dans l'ordre de nos institutions vient immédiatement après la Maison royale, se perpétue aussi, à l'exemple de la succession à la Couronne, de mâle en mâle, par ordre de primogéniture.

5o. Les autres Titres d'honneur et de rang accordés par le Roi, se transmettent de la même manière.

6o. Enfin, soit aux Pairies, soit aux divers titres mobiliaires, peuvent être attachés des majorats qui sont des substitutions perpétuelles, de mâle en mâle, par ordre de primogéniture, avec ce privilége exorbitant que n'avaient même pas autrefois les simples fiefs, de ne pouvoir être aliénés, hypothéqués, ni prescrits, et d'être insaisissables pour le fonds et même pour les fruits, si ce n'est en certains cas et pour une faible quotité, ce qui, par un effet tou chant de la sollicitude impériale, donne aux titulaires l'assurance que leur bien-être au sein de l'opulence, ne sera jamais détruit par l'indiscrétion de leurs créanciers.

Certes, voilà des priviléges; et au fond personne ne les envie; parce que notre nation si jalouse de l'égalité, devant la loi, si ennemie des priviléges qui ne sont qu'odieux et de superfétation, a du bon sens et sait apprécier

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