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le mérite de quelques exceptions conçues dans un grand but d'intérêt général.

Pour le trône, l'hérédité de mâle en mâle, par ordre de primogéniture, est la plus sûre garantie, et contre ces partages qui ont ensanglanté les premiers âges de la monarchie, et contre ces usurpations qui bouleversent les Empires et désolent les peuples autant que les

Rois.

Pour les Princes apanagistes, la condition perpétuelle de retour à la Couronne au défaut d'hoirs mâles, prévient les tristes effets de la prodigalité; fait que l'établissement, une fois créé pour le père, demeure pour le fils, et empêche que le trésor public ne soit mis à contribution nouvelle à chaque génération.

Pour la Pairie, l'hérédité des Pairs, leur inviolabilité, leur juridiction toute spéciale, leurs richesses, sont autant de moyens d'assurer leur indépendance; et dans leur indépendance se trouve leur honneur particulier et le salut de tous.

Enfin, que des hommes qui ont rendu des services à l'État, obtiennent des titres, que ces titres soient attachés à une nature particulière de biens, c'est ce que consacre la légis

lation actuelle, conçue dans un esprit, ce semble, assez aristocratique, mais qui trouvant sa limitation dans les mœurs nationales et dans la prudence du souverain, n'offre pas d'inconvéniens trop graves, tant que ces coneessions seront contenues dans des bornes telles que la masse du territoire n'en soit pas affectée, ni le commerce sensiblement incommodé.

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Mais au-delà je ne vois plus rien de légal, et tout devient dangereux. On foule, on choque, on blesse la masse nationale sans utilité pour la chose publique, et seulement pour satisfaire des vanités secondaires, des prétentions insatiables (1), qu'il vaut mieux abandonner à elles-mêmes que d'essayer à les contenter.

Tout privilége vit d'incommunication. Il est d'autant plus beau, qu'il est plus restreint. C'est à la Chambre des Pairs surtout qu'il appartient de comprendre cette vérité dans son intérêt qui en cela est encore le nôtre. Qu'elle ne l'oublie pas la noblesse a aussi sa démocratie, qui, ne pouvant arriver à la Pairie qui est le privilége constitutionnel, ne sait plus que rêver des réminiscences féodales.

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- Il y aurait manque d'attention de la part des membres de la Chambre des Pairs

(1) Inexplebiles.

(dit un écrivain (1) que j'aurai encore occasion de citer), s'ils ne voyaient pas clairement tout ce qui milite contre son existence. La noblesse lui est bien plus adverse que la classe moyenne, qui constitue la nation. Celle-ci ne lui demande que de s'opposer aux mauvaises Lois; son utilité consacrera sa force: elle gagnera en confiance, tout ce que perdra la représentation populaire, (2) et, sous ce rapport, la conquête est facile et la récolte abondante. La noblesse est, par sa nature, essentiellement hostile pour une chambre des Pairs, par cela seul que celle-ci est une magistrature à laquelle on peut parvenir par de grands services, par de grands talens, et même par une grande fortune; tandis que, dans la noblesse, la hiérarchie s'établit exclusivement sur l'ancienneté des titres. La vérité est qu'une chambre des Pairs détruit l'ordre de la noblesse, dont les titres alors sont sans aucune influence, ou, tout au plus, l'objet d'une simple courtoisie. Aussi la noblesse de province

(1) L'auteur de la lettre signée A. L. dans le Constitutionnel du 13 février. (Hier.)

(2) Autrefois le peuple était au moins le tiers-état : actuellement la Chambre des députés est tellement envahie par la noblesse, qu'à l'exception d'une minorité dont les doléances sont fréquemment interceptées par les murmures, il ne reste réellement rien de populaire dans nos institutions.

est-elle ennemie de la chambre des Pairs, et celle qui remplit les bancs de la Chambre des députés l'est également. »

Les hommes éminens à toutes sortes de titres que renferme la Chambre des Pairs, et tout ce qui en France, est réellement digne du nom élevé d'aristocratie (1) doit mieux apprécier sa nouvelle position; et comprendre qu'elle est désormais de protectorat pour les personnes et pour les droits, et non plus de suzeraineté territoriale. A la tête de toutes les hautes fonctions, exerçant de fait tous les grands pouvoirs, capable de tous les services utiles au pays, ce ne sont plus des serfs, mais des clients qu'il faut à l'aristocratie française. Voilà ce qu'entendront tous les vrais amis des libertés publiques: voilà ce qu'entend fort bien l'aristocratie anglaise voilà ce qu'il convient à notre noblesse constitutionnelle de faire entendre du haut de la tribune aux Messires, aux vidames, à quelques écuyers, et à bon nombre de soi-disant nobles qui se sont titrés et fieffés eux-mêmes à la faveur de nos dissensions politiques, et dont les lettres, s'ils en ont jamais eu, auraient, après tant d'agitation, bon besoin d'être vérifiées !

(1) Gouvernement des principaux, des grands, des meilleurs : tout cela synonyme dans la traduction du grec aristos, devrait l'être aussi dans le fait.

§ 8.

Prétexte tiré du Droit électoral.

JUSQU'A présent les ministres ne s'étaient pas plaints qu'il y eût trop peu d'électeurs; on pensait même assez généralement qu'ils ne se souciaient pas d'en accroître le nombre.

Autrement comment expliquer toutes les mesures prises depuis plusieurs années, soit par la loi électorale elle-même, soit par le conseil d'état, soit par l'administration, dans un sens toujours restrictif ?

Tantôt, en décidant qu'une veuve ne pouvait pas communiquer ses impôts à son gendre âgé de trente ans, parce qu'elle avait un fils au berceau! refusant ainsi le Droit d'élection à l'homme capable, en alléguant le Droit non ouvert, d'un enfant pour long-temps encore frappé d'incapacité !

Tantôt en diminuant les patentes!

A plusieurs reprises, en dégrévant officieusement la propriété foncière; mesure qui a détruit toutes les proportions du cens que la Charte avait calculé sur le taux existant au jour de sa promulgation: mesure que l'on a reproduite encore cette année, et qui seule va

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