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HUITIÈME QUESTION.

Ainé ingrat.

Les donations sont révoquées pour cause d'ingratitude. Pourquoi l'aîné ingrat ne perdrait-il pas son Droit d'Aînesse? Hommes qui parlez sans cesse, de mœurs, de mœurs, de famille, de subordination, de puissance paternelle, de liens de l'autorité trop relâchés, voilà un moyen simple de contenir les aînés dans le devoir!

On objectera que l'aîné tient son préciput de la loi, et non de la disposition de l'homme? Je réponds que la loi ne dispose que provisoirement, puisqu'elle permet à l'homme de déroger à sa disposition. C'est donc toujours l'homme qui est censé disposer implicitement: et par conséquent tous les motifs qui ont décidé à établir que les donations seraient révoquées pour cause d'ingratitude se rencontrent ici. J'ai pour moi, sur cette question, une grande autorité, celle de Dumoulin, tit. des fiefs, S. 13, glos. 3, no 10, tom. Ier de ses Œuvres, p. 247.

Un autre auteur (Prost de Royer) observe avec raison que cette décision n'avait son application qu'aux successions particulières, et non point aux titres qui ne sont point déférés par droit de succession, mais par celui

du

sang ou de l'investiture.

NEUVIÈME QUESTION.

Ainé fou ou hébété.

On s'est demandé anciennement « si l'aîné fou ou hébêté perd son Droit d'Aînesse? »

Grandes raisons de décider. - Dans les fiefs un fou ne pouvait prêter foi et hommage, ni satisfaire à la condition du service militaire.

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Pour les dignités, un fou ne peut les remplir. Pour l'éclat de familles, un fou n'en donne guère. - Pour la perpétuité, il n'est que trop prouvé que la folie se transmet plus sûrement encore que la noblesse. Enfin, en prenant notre projet au sein de l'auréole électorale, un aîné, dans cette situation, priverait le ministère du concours d'un électeur !

Néanmoins je trouve cette question résolue en faveur de l'aîné dans le pays de Bordeaux, << parce qu'il peut engendrer des enfans habiles, sages et prudens, ainsi que cela s'est

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vu en plusieurs grandes et nobles familles de « Guienne. On n'observe pas ce qu'a dit Ferron, « que, dans le cas d'inhabilité de l'aîné, tous

« les frères succèdent également. (AUTOMNE et Dupin, no 47, p. 388, sur la Cout. de Bordeaux. PROST DE ROYER, no 28.)

Je termine ici l'énoncé des questions qu'il m'a utile de rattacher au projet; on pourparu rait les multiplier à l'infini, mais sans objet. Je sais fort bien, que la Loi ne doit pas et ne peut pas prévenir tous les cas. Elle institue des règles générales d'après lesquelles ensuite il appartient aux tribunaux de juger. Mais il est des questions principales, des controverses graves qui doivent être décidées par le Législateur, pour prévenir l'arbitraire, et éviter de nombreux et fâcheux procès à ceux-là mêmes pour lesquels il dispose.

Toutes les questions que j'ai proposées ont ce caractère : elles sont du domaine de la législation; la preuve, c'est que le Code les a décidées dans le sens du droit commun; maintenant il s'agit d'en étendre ou d'en restreindre l'application dans le sens d'un privilége.

Si la Loi n'est pas rejetée comme elle mérite de l'être, on verra combien d'amendemens!!.. ou restrictifs. ... ou extensifs....

E

$17.

CONLLUSION.

Le Droit d'Ainesse est contraire au droit naturel, à l'égalité, qui, si elle était bannie de la société politique, devrait au moins se retrouver en famille dans le coeur de tous les frères.

Ce droit n'a été admis chez différens peuples, que par des raisons arbitraires, prises de leur situation particulière, ou du caprice de leurs législateurs.

Le plus grand peuple de l'univers l'a rejeté

de ses lois.

Les provinces romaines de la Gaule ne l'ont point connu.

Sous les deux premières races des Rois Francs, il n'a pas été pratiqué.

Sous la troisième, il est né de l'usurpation des fiefs; c'est l'enfant de la féodalité.

Il est tombé avec elle : et son abolition n'a produit que de bons effets.

On propose de le rétablir!

Et l'on convient qu'il est repoussé par les. moeurs actuelles de la nation!

Et l'on ne peut nier qu'il ne viole dans son essence le premier article de notre Loi fondamentale!

La proposition en soi est mauvaise;
Elle mérite d'être absolument rejetée.

Subsidiairement,

Le projet ne pourrait passer sans de graves amendemens: il est à refaire en entier.

1o. Il va contre son propre but qui est aristocratique; il introduit le privilége dans les familles non nobles, qui n'y prétendent rien, et n'en veulent point.

2o. La fixation de cent écus d'impôts, outre qu'elle descend trop bas, est purement arbitraire, variable comme les rôles, sujette au caprice de tous les dégrèvemens, et met en plusieurs cas les droits des citoyens à la merci des administrateurs.

3°. Le projet, dans ce qu'il a d'actuel et d'absolu, sans marquer aucune transition, blesse les droits acquis, il jette le trouble et la division dans les familles.

4°. Le projet laisse indécises des questions fondamentales qu'on ne peut, sans imprudence, abandonner au hasard et aux vacillations des jugemens humains: alea judicio

rum!

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