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DES REFORMES

A OPÉRER

DANS L'EXPLOITATION

DES CHEMINS DE FER

ET

Des conséquences qui peuvent en résulter, soit pour l'augmentation du revenu des compagnies, soit pour l'abaissement des prix de transport, l'organisation de l'industrie voiturière, et la constitution économique de la société.

Le volume dont nous donnons le titre est attribué à Proudhom. Il a fait sensation. Pour en donner une idée nous transcrirons ici l'avant-propos et la table des matières.

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L'heure est venue de se rendre compte de la puissance, des condi-, tions d'exploitation, des résultats économiques et sociaux des chemins de fer.

Après tant de publications, les unes purement techniques, les autres financières, politiques, juridiques, ou seulement descriptives; celles-ci destinées à alimenter la curiosité vulgaire, celles-là composées pour l'usage des hommes spéciaux et des praticiens, il nous a paru que les questions les plus importantes que soulève l'établissement des chemins de fer, celles dont la solution permettrait seule d'apprécier avec certitude leur valeur industrielle, par suite leur influence sur la distribution du travail et de la richesse, sur le progrès de la civilisation et la vie des sociétés, n'avaient encore été sérieusement abordées par per

sonne.

Quelle lumière est sortie jusqu'à présent, pour la science économique, de l'emploi des voies ferrées? aucune. En quoi leur exploitation, telle que l'ont faite les heureux concessionnaires, est-elle venue confirmer ou modifier les lois connues de l'économie politique ? qu'estce qu'elle y ajoute? en quoi est-ce qu'elle les viole? nul ne le peut dire.

On ne sait véritablement rien de ces puissants instruments de travail, ni l'Etat qui les règlemente, ni les compagnies qui les possèdent, ni les jurisconsultes qui les codifient, ni les habiles ingénieurs qui les dirigent. Après trente ans d'existence, le chemin de fer, au point de vue de l'économie politique, est encore un mythe.

Les gens de l'art, dont notre intention n'est certes pas de médire, occupés exclusivement de la partie instrumentale, n'ont rien fourni jusqu'à ce jour dont puisse profiter l'économiste. Dans leurs réunions et leurs mémoires, il n'est guère question que de rails, de coussinets, de traverses, de trains articulés, de courbes, de pentes, etc. Toutes choses qui sans doute ont leur importance, et que nous n'entendons point déprécier, mais qui, ne sortant pas de la mécanique et de l'algèbre, sont sans intérêt pour l'économie politique.

Que dire de ces compilations, déjà volumineuses, de lois, de décrets, d'ordonnances, d'arrêts, d'instructions, etc., émanés de l'autorité publique, sur la matière des chemins de fer? A part ce qui est de droit commun, le plus grand honneur qu'on puisse leur faire, en l'absence d'une science positive qui les appuie, est de les accepter à titre provisoire... Comment croire à la prudence d'un législateur qui ne sait pas lui-même de quoi il légifère ?

Quant aux compagnies, bien qu'elles aient toutes dans leur administration un bureau de statistique, ce n'est pas leur faire injure de dire qu'elles ne savent des chemins de før autre chose que le monopole. Faire hausser les actions, faire pousser et mûrir la prime, acgaparer le trafic, former des coalitions, s'emparer des canaux, acheter messageries et batelleries, exagérer le dividende, dissimuler la dépense faute de savoir la réduire; avec tout cela se poser en organes des intérêts généraux, en protecteurs de la liberté commerciale et du travail, en gardiens de la fortune publique : voilà, sous l'influence des financiers qui les administrent, quel est aujourd'hui le grand, l'unique objet des compagnies, ce qui fait la substance, hebdomadaire et quotidienne, de leurs journaux.

L'Etat, nous ne voulons être à son égard ni flatteur ni critique; P'Etat, préoccupé du soin de la défense, a vu d'abord dans les chemins de fer un moyen de stratégie, puis un moyen d'influence..... L'Etat intervient pour concéder les lignes, accorder subventions et garanties d'intérêt, autoriser expropriations et fusions, imposer tarifs, stipuler çà et là quelques réserves de police voiturière, enrégistrer chaque année, pour l'édification des spéculateurs, les profits des compagnies, et c'est tout. Il ne sait des chemins de fer que ce que les exploitants lui en apprennent cette haute position, qui lui permettrait, s'il exploitait par lui-même, de voir si loin et si large, ne sert qu'à le rendre myøpe. A l'incapacité de produire, qui suivant les économistes distingue son éminente nature, il faut joindre l'incapacité de connaître,

Or, si les hommes spéciaux, hommes de l'art et hommes de la loi, si les compagnies et l'Etat, possèdent encore si peu de renseignements positifs sur le rôle économique des chemins de for, sur leur puissance de production et leur influence civilisatrice, faut-il s'étonner que le

public lui-même, après s'être livré aux espérances les plus chimériques, soit pris ensuite de méfiance et travaillé des imaginations les plus folles?

Qui interrogerait le public, sur les chemins de fer, croirait entendre la voix du chaos.

Passons, avec le bavardage du feuilleton et le charlatanisme de l'annonce, la clameur tour à tour apologétique et accusatrice des intérêts subalternes, qui, selon le sentiment qui les affecte, se déclarent pour ou contre les chemins de fer, les maudissent ou les prônent: commissionnaires et entrepreneurs de transports par terre et par eau, mariniers, rouliers, aubergistes, entrepositaires, ingénieurs, architectes, mécaniciens, maîtres de forge, exploiteurs de mines, etc.

Les villes, qui s'étaient d'abord réjouies de l'établissement des chemins de fer, sont étonnées de voir, à mesure que ces constructions s'achèvent, les affaires sur lesquelles elles avaient compté leur faire défaut, celles dont elles étaient en possession s'amoindrir, et, au mouvement de leurs places et de leurs quais, succéder peu à peu une triste solitude. Ville traversée, ville perdue, lisons-nous dans une brochure, à propos du chemin de fer de Lyon !...

Ce déplacement des affaires, symptôme d'une transformation plus profonde, sert de thème à des agitateurs d'une nouvelle espèce.

Un archevêque, dans un mandement pour le carême, dénonçait il y a un an à la piété de ses ouailles les chemins de fer, comme des signes de la vengeance du ciel contre l'incrédulité des hommes.

Plus fanatique encore, un auteur, annonçant l'arrivée de l'antechrist, signale, comme les symboles de sa puissance maudite, le télégraphe électrique et la locomotive.

Tandis que la démocratie salue dans les chemins de fer un agent d'égalité, plus efficace que le niveau de 93, la classe moyenne redoute dans le railway l'instrument irrésistible de la féodalité industrielle prédite par les novateurs; et elle se demande avec inquiétude si la première révolution, en déchaînant sur le monde les puissances de l'industrie, au lieu d'une ère de progrès, n'a pas ouvert une ère de rétrogradation.

Le doute planant dans les âmes, des questions qu'on croyait tranchées ressuscitent, de vagues aspirations se manifestent.

A qui, de compagnies privilégiées ou de l'Etat, convient-il d'attribuer l'exploitation des chemins de fer? Doit-on les considérer comme des parties inaliénables du domaine public; ou ne vaut-il pas mieux, suivant le langage du législateur de 1810, en faire, ainsi que des mines, une nouvelle catégorie de propriétés?

Question scabreuse, et il faut l'avouer, que les plus violents débats n'ont point éclaircie. Il y a tout à la fois des raisons et des exemples pour, des raisons et des exemples contre.

En Belgique, à ce qu'on assure, l'Etat serait à la veille d'abandonner
l'exploitation des chemins de fer, et d'imiter l'Allemagne, qui amodie
les siens.

En France, comme en Angleterre, nous avons préféré le régime des
compagnies : manière comme une autre de partager cette magnifique
conquête de l'industrie moderne. Lorsque les Francs envahirent la
Gaule et la divisèrent par lots, qu'ils tirèrent au sort, ils ne procé-
dèrent pas autrement. Maintenant, à côté de onze millions de cotes
foncières, nous avons près de cinq millions d'actions et obligations de
chemins de fer, qui se lèveraient comme un seul homme pour la dé-
fense des propriétés !...

On dit que la première idée des omnibus est due à Pascal, celle des
diligences à Leibnitz. Il serait digne de quelque grand philosophe du
dix-neuvième siècle d'entreprendre l'examen de cette grave question
des chemins de fer.

Nous n'avons pas la prétention d'avoir rempli cette tâche. Mais une
chose manquait pour la solution du problème: c'était une étude, dé-
gagée de toute élucubration technique, politique, législative, de tout
intérêt de parti, de corporation ou de localité, et composée unique-
ment au point de vue général de l'industrie voiturière, par un voitu-
rier. L'ouvrage que nous offrons en ce moment à nos lecteurs, conçu
dans cette pensée, résultat de longues et minutieuses recherches, s'il
ne remplit tout à fait le but, servira du moins, nous l'espérons, à l'in-
diquer, et contribuera pour sa faible part à l'œuvre attendue, en éveil-
lant l'attention des savants économistes.

Avant-Propos.

CHAPITRE PREMIER.

-

TABLE DES MATIÈRES.

Des modes de transport antérieurs à la construc-
tion des chemins de fer.

1. Colportage à dos d'homme.

2. Transport à d'os d'âne, de mulet ou de chameau.

3. Roulage.

4. Diligences.

5. Navigation intérieure.

6. Navigation maritime.

7. Rapport du poids mort au poids utile dans la navigation.
8. Etat général des transports par terre et par eau.
théorique du chemin de fer.

Programme

CHAPITRE II. Aperçu général du service des chemins de fer.

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1. Surface de roulement, force motrice, vitesse, précision, régu-

larité, fréquence. — Tarif.

2. Recherche du prix de revient.

3. Réseau des chemins de fer.

CHAPITRE III, Comparaison du poids mort et du poids utile dans les trains de chemins de fer.

Ch. de fer du Nord, exercice 1849: Inventaire du matériel.

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Chemins de fer de Lyon, Orléans, Rouen et Strasbourg.
Résultat général de l'exploitation des chemins de fer.
Loi économique du transport.

CHAPITRE IV.

De la réduction du poids mort et de l'augmentation du

poids utile dans les trains de chemins de fer.

Service de grande vitesse.

Service de petite vitesse.

Entretien des voies, administration, personnel, frais généraux.
Résultat financier et commercial.

CHAPITRE V. Questions diverses.

1. Les chemins de fer établissements d'utilité publique et d'exploitation privée.

2. Les chemins de fer étant des établissements d'utilité publique, l'intérêt du capital représentant le domaine public ne doit pas être compris dans le prix du transport. Principe de tarification des chemins de fer: accord des intérêts.

3. Révolution économique déterminée par les chemins de fer.
4. Agitation, déclassement et reclassement des populations à l'aide
des chemins de fer.

5. Déplacement du centre de gravité politique sous l'action des
chemins de fer.

6. Doutes sur la durée des chemins de fer,

CHAPITRE VI, 1. Résumé scientifique.

2. Incompatibilité des compagnies actuelles avec la destination des chemins de fer,

Conclusion.

Les chemins de fer changent l'Europe en ce moment et la Suisse entre dans ce grand mouvement. Les gouvernements et les administrés ne peuvent plus négliger l'étude de cette branche essentielle de la civilisation,

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