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ses avec deux mille Suédois, le tsar fit des propositions de paix en termes aussi soumis que ses dépêches précédentes étaient arrogantes et grossières, et il fit suspendre les hostilités.

On célébra à Novgorod les noces de Magnus avec la jeune Marie, fille de Vladimir; le tsar avait promis de lui donner en dot cinq tonnes d'or; mais sa générosité se borna à l'envoi de quelques coffres remplis de linge et d'habits pour la princesse. Magnus, qui avait compté sur l'appui du tsar, s'en retourna a Oberpalen, réduit au dénûment le plus complet. La Suède tenait un langage ferme et digne, qu'elle soutenait de ses armes, et les négociations relatives à l'Esthonie prenaient une tournure moins défavorable. Les Russes avaient reçu un échec considérable sous les murs de Pernau, et, d'un autre côté, ils s'étaient emparés de plusieurs châteaux et de la place de Habsal.

En 1573, une diète s'ouvrit à Varsovie pour l'élection d'un roi. Jean suivait avec sollicitude les événements de Pologne, se flattant de réunir les suffrages des grands; les principaux compétiteurs étaient: Ernest, fils de l'empereur Maximilien; le duc d'Anjou, frère de Charles IX, roi de France; le roi de Suède et son fils Sigismond; et Jean, tsar de Moscovie. Ce dernier n'avait personne auprès de la diete pour appuyer ses prétentions, qui n'étaient guère de nature à lui concilier l'amour des Polonais. Il exigeait surtout la restitution de la Livonie et de Kief à la Moscovie. La diète, pour toute réponse, le raya de la liste des prétendants. Alors il fit appuyer l'élection d'Ernest contre le parti du duc d'Anjou, que l'alliance de la France avec la Porte pouvait rendre dangereux à la Russie. L'adresse de Montluc fit pencher la balance en faveur du prince français, et ce désappointement rapprocha l'Autriche de la politique moscovite. Mais Henri, informé de la mort de son frère, s'enfuit de ses États pour retourner en France. La Pologne s'émut à cette nouvelle, et les intrigues se renouèrent. L'Au

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triche et la Russie jouaient au plus fin; l'empereur se souciait peu du voisinage des Russes, et son ambassadeur Kobentzel, tout en caressant l'orgueil du tsar, restait scrupuleusement dans la limite de certaines instructions. Enfin la diète nomma deux souverains, l'empereur et Étienne Batory, duc de Transylvanie, qui jouissait de la faveur du sultan, et dont les grandes qualités justifièrent l'élection. Bientôt après, Maximilien mourut, et Batory fut couronné roi de Pologne.

Cependant le tsar était loin de renoncer à ses projets sur la Livonie. En 1577, il voulut faire le siége de Rével, et échoua devant cette place avec de grandes pertes. Au printemps suivant, il fit de nouveaux préparatifs, et pénétra lui-même dans la Livonie méridionale, malgré la trêve avec la Pologne, prit quelques villes et détruisit plusieurs châteaux. De son côté, Magnus, enorgueilli de ses succès, voulut isoler ses intérêts de ceux du tsar; et se considérant, d'après les promesses de Jean, comme roi de Livonie, il lui écrivit de ne plus inquiéter le pays. Jean était outré de colère; il avait appris que Magnus entretenait de secrètes relations avec le duc de Courlande, et qu'il avait l'intention de se mettre sous la protection de Batory, avec toutes les villes de la Livonie. Il marche sur Venden où commandait Magnus, et somme le transfuge de comparaître devant lui. Le malheureux n'osa désobéir; mais la garnison fit jouer les poudres et se fit sauter avec un grand nombre d'assaillants. La fureur de Jean s'appesantit sur les infortunés habitants qui furent pendus, brûlés, dépecés sur les corps déshonorés de leurs filles et de leurs femmes. De retour à Dorpat, Jean pardonna à Magnus, lui laissa le titre de roi de Livonie, se réservant celui de maître. Ces avantages faciles remportés par les Russes dans des pays dégarnis de défenseurs, enflaient l'orgueil de Jean; il écrivait en termes superbes à Batory, le menaçant du poids de sa colère s'il refusait de rendre les provinces contestées; en attendant la sé•

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vère leçon que le sort lui préparait, il faisait périr ceux mêmes qui auraient été le plus en état de le défendre. Le sauveur de Moscou, Vorotinski, fut livré au supplice, et brûlé vif sous les yeux de Jean qui attisait lui-même les charbons. Le prince Odoïevski et le vieux boyar Morozof, avec sa femme et ses deux fils, furent également exécutés. On vit périr successivement le prince Pierre Kourakin, le boyar Boutourlin, et une foule d'autres seigneurs, sans compter les victimes d'un rang plus obscur que leurs seules vertus désignaient à sa vengeance, ni un grand nombre d'ecclésiastiques vénérés pour leur sainteté. La tsarine Anne s'était réfugiée dans un cloître; Jean se maria une cinquième fois avec Anne Vassiltchikof, qui mourut peu de temps après, et une sixième, à Vassilissa Mélentiof, veuve d'une grande beauté. Il se contenta d'une simple bénédiction de son confesseur pour vivre avec elle. Cependant Rodolphe avait succédé à Maximilien Jean fit solliciter le nouvel empereur de s'unir avec lui contre Batory, afin de partager entre eux la Pologne et la Lithuanie, et de joindre ensuite leurs efforts contre le sultan il donnait en même temps l'ordre à ses agents de le tenir au courant de la politique des autres États; mais l'empereur éluda ses offres, sacrifiant sa haine pour Batory à la crainte que lui causaient les Turcs. Une trêve de quinze années fut conclue avec le Danemark; et Mahmet-Ghireï, qui avait succédé à son père Devlet, informa le tsar de son avénement, et porta la guerre en Lithuanie; mais Batory, plus généreux que le tsar, acheta la paix et envoya ses ambassadeurs à Moscou, pour gagner du temps. Il en résulta un renouvellement de la trêve pour trois ans; mais, dans l'acte russe, on avait frauduleusement intercalé ces mots : Le roi doit renoncer à ses prétentions sur la Livonie; circonstance qui frappait de nullité tous les articles consentis. Les affaires prenaient un tour défavorable à la Russie. Les Suédois battaient les Moscovites à Narva et à Kexholm;

les Lithuaniens s'emparaient de Dunabourg et de Venden; enfin Magnus, qui se méfiait avec raison du tsar, s'enfuit auprès de Batory. Jean essaya vainement de reprendre Venden; et le général suédois Schenkenberg brûla le faubourg de Dorpat. Sous les murs de Venden, les Polonais, réunis aux Suédois, culbutèrent vingt mille Russes; mais, en s'élançant sur les batteries, ils furent saisis de surprise, en voyant que les canonniers moscovites s'étaient pendus à leurs pièces. De quoi n'était pas capable le dévouement de tels hommes, qui mouraient ainsi pour un tyran? Humble et pusillanime dans les revers, Jean eut recours aux prières; mais il avait affaire à un homme qui savait profiter de ses avantages. Il déclara là guerre à la Russie; intéressa à sa cause le pape, le sultan, l'électeur de Brandebourg; fit un traité offensif avec le roi de Suède, et acheta la participation du khan de Crimée. Le roi de Danemark, sans se prononcer ouvertement, penchait en sa faveur. Il ne s'agissait plus seulement de la Livonie, mais bien d'une lutte plus sérieuse, d'une guerre entre la Pologne et la Russie. De son côté, Jean assemblait une armée nombreuse, et s'était avancé vers Novgorod pour donner ses derniers ordres : à peine s'y trouvait-il, qu'il reçut la déclaration de guerre de Batory, et la nouvelle que le roi venait de pénétrer dans le territoire russe. Ce prince commandait à une armée composée de peuples différents, qu'aucun lien national ne réunissait; il s'exprimait mal en polonais, mais ses paroles portaient le caractère de la grandeur; les soins de la guerre ne l'empêchaient point de s'occuper de tous les détails de l'administration; enfin, il savait allier la clémence à la fermeté; ses troupes observaient une exacte discipline dans le pays conquis; et cette conduite, qui lui valait la reconnaissance des vaincus, facilitait sa marche, et mettait entré son rival et lui la distance qui sépare le courage de la férocité. Tout à coup il marche sur Polotsk, prend la ville; et, au bout d'un mois, emporte les

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