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qui déclare en effet, formellement, que les frais de rapatriement seront dus sur les débris du navire et sur l'ensemble des frets gagnés depuis qu'il a quitté le port d'armement;

Qu'ainsi la vraie, l'unique question du procès est celle de savoir si l'article 14 du décret de 1860 est obligatoire et a force de loi;

Et à cet égard,

Attendu que l'article 14 du décret de 1860 ne peut pas être considéré comme purement interprétatif des textes préexistants;

Que ce serait abuser du droit d'interprétation que de déclarer que le fret des marchandises sauvées doit s'entendre du fret des marchandises qui n'ont pas couru le péril, qui sont arrivées à destination et qui ont été débarquées à la suite d'un voyage heureusement terminé ;

Que, d'ailleurs, l'interprétation d'un texte de loi, pour avoir un caractère obligatoire, serait subordonnée à des conditions et à des formes qui font ici absolument défaut;

Qu'il est donc vrai de dire que l'article 44 du décret de 4860 est introductif d'un droit nouveau;

Or, attendu que ce droit nouveau impose aux armateurs, et sans leur consentement, une obligation plus onéreuse que celle à laquelle ils avaient été soumis jusqu'alors; qu'il donne naissance à une action insolite qui n'est ni l'action personnelle atteignant l'armateur dans toutes ses facultés, ni l'action réelle limitée aux débris du navire et du fret qui n'en est que l'accessoire, lorsqu'il ne se rapporte qu'au voyage pendant lequel le navire a péri; qu'il fait brèche à un principe élémentaire du droit maritime qui veut qu'en cas de sinistre, le propriétaire d'un navire ne soit jamais tenu au-delà de la valeur des choses exposées au risque, et qu'il puisse se libérer par l'abandon du navire et du fret; qu'il est en opposition avec les motifs même qui le déterminent, car ces motifs portent que les frais de rapatriement seront payés sur l'ensemble des frets comme les

salaires des gens de mer, alors qu'il est certain et reconnu par tous que ces salaires ne sont payés que sur les débris du navire et sur le fret des marchandises sauvées du naufrage;

Attendu cependant que, s'il est du domaine des décrets de réglementer tout ce qui a trait à l'inscription maritime et au rapatriement, en exécution et en conformité des lois existantes, c'est à la loi seule qu'il appartient d'imposer des charges nouvelles à toute une catégorie de citoyens;

Qu'eu égard au temps dans lequel elle a été rendue, l'ordonnance de 1743 était une loi véritable, et que l'arrêté de germinal an XII n'en est que la reproduction;

Qu'il faut donc conclure de tout ce qui précède, qu'en ajoutant aux obligations qui résultaient de cette ordonnance et de cet arrêté, l'article 14 du décret de 1860 est sorti des limites constitutionnelles; que le commerce a raison, par l'organe des chambres qui le représentent, d'en contester l'autorité légale, et que les tribunaux ont le droit et le devoir d'en refuser l'application;

Attendu que cette solution dispense d'examiner les autres questions du procès;

LA COUR met l'appellation au néant; ordonne que ce dont est appel sortira son plein et entier effet; condamne l'appelant à l'amende et aux dépens.

Du 24 juin 1869.- Cour d'Aix (4" Ch).— Prés. M. RIGAUD, pr. prés. — M. DESJARDINS av. gén. Plaid. MM. MISTRAL et BESSAT.

Le même jour la cour a rendu six autres arrêts semblables.

NANTISSEMENT. DÉBITEUR.

ABANDON DE SON MATÉRIEL.

POSSESSION RÉSERVÉE. DÉFAUT DE PRIVILÉGE.

L'accord en vertu duquel un entrepreneur de voitures cède à ses créanciers son matériel, mais en s'en réservant l'usage et en s'obligeant à l'entretenir et à remplacer les chevaux

morts ou hors de service, ne constitue pas une vente, mais un nantissement.

Et ce nantissement n'ayant pas été suivi d'une livraison réelle aux créanciers et d'une possession effective par eux, ne leur confère aucun privilége à l'encontre de ceux qui seraient devenus postérieurement créanciers du même débi

teur.

(BOUDIER et SEVERAN CONTRE BOUDIER PÈRE et AUTRES).

JUGEMENT.

Attendu qu'à la suite d'une faillite, le sieur Coulomb a concordé avec ses créanciers moyennant 60 % promis à divers termes; que, pour leur en assurer le paiement, il a déclaré leur céder tout le matériel de son entreprise d'omnibus, consistant en chevaux, voitures et harnais; que le sieur Coulomb s'en est réservé la jouissance et s'est obligé de l'entretenir en bon état et de remplacer les chevaux qui mourraient ou qui seraient mis hors de service; qu'il s'est réservé de le racheter contre paiement des dividendes qu'il devait payer à raison de fr. 20 par jour: qu'un des créanciers a reçu mandat, nonseulement de faire le recouvrement des fr. 20 journaliers, mais encore de tenir les écritures, contrôler, surveiller les affaires du sieur Coulomb, le tout à ses frais;

Attendu que, depuis lors, les demandeurs au procès ont fait des fournitures de foins pour les chevaux des omnibus, ou ont effectué des fournitures ou des travaux pour les réparations de ces voitures, du vivant du sieur Coulomb, qui est décédé récemment ;

Attendu que les demandeurs ont soutenu que c'était à tort que les représentants des créanciers concordataires s'étaient emparés du matériel du sieur Coulomb et l'avaient fait vendre; qu'il les ont assignés en paiement de leurs créances par privilége et en dommages-intérêts;

Attendu que la propriété du matériel du sieur Coulomb n'a pas été en réalité transférée par son concordat aux créanciers

avec qui ce concordat est intervenu; que, si des chevaux venaient à mourir, c'était pour compte du sieur Coulomb; que celui-ci n'a pas été libéré par une cession d'actif; qu'il a remis son matériel comme une garantie de paiement, c'est-à-dire qu'il l'a donné en nantissement à ses créanciers;

Attendu, d'autre part, que ce nantissement a manqué, pour sa validité, de la condition essentielle d'une possession suffisante de la part des créanciers; que ceux-ci n'intervenaient que pour contrôler et surveiller les écritures et les recettes; que le sieur Coulomb était le seul détenteur, le seul gérant, le seul maître apparent;

Attendu que les créanciers concordataires ne peuvent donc pas retenir pour eux seuls le matériel ou son prix; que d'autre part, les demandeurs au procès sont des fournisseurs ordinaires du sieur Coulomb, qui ne sauraient avoir droit à un privilége; que le matériel qu'il a laissé, ou son prix, est le gage commun de tous ses créanciers;

Attendu que les représentants des créanciers concordataires qui ont effectué des ventes, ont agi de bonne foi; que d'ailleurs ces ventes ne sont qu'une réalisation de l'actif utile à tous les créanciers; qu'il n'y a donc pas de responsabilité à prononcer contre les défendeurs;

Par ces motifs, le Tribunal reçoit l'intervention du sieur Martin Girard; déboute les demandeurs de leurs fins; déclare qu'ils ont le même droit que les créanciers parties dans le concordat, sur le matériel restant ou sur le prix non distribué du matériel vendu; ordonne que les dépens seront prélevés par privilége sur l'actif de feu Coulomb.

Prés. M. LUCE.

Plaid. MM. BER

Du 1 juillet 1869.
THOU, NEGRETTI et BOUTUEIL.

BATEAU A VAPEUR. COMPAGNIE.

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RESTITUTION D'UN PRIX DE passage. DÉFAUT DE QUALITÉ.

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Les agents à Marseille d'une Compagnie de bateaux à vapeur ayant son siége sur une autre place, ne sont que de simples mandataires sans qualité pour répondre à une action intentée par un passager en restitution du prix de son passage. Cette action ne peut être exercée régulièrement qu'à l'encontre de la Compagnie elle même ou de son capitaine (1).

(TRONE CONTRE D'AVITAYA ET C).

JUGEMENT.

Attendu que le bateau à vapeur Estramadura, parti de Marseille pour Barcelone, est rentré dans le port de Marseille par suite d'une avarie dans sa machine;

Attendu que le sieur Trone, qui avait pris passage sur ce bateau, pour lui et pour son épouse, a demandé aux sieurs d'Avitaya et C le remboursement des prix de passage par lui payés et des dommages-intérêts;

Attendu que les sieurs d'Avitaya et C, que le sieur Trone a qualifiés d'armateurs, ne sont que les agents de la Compagnie qui est propriétaire du bateau; qu'il s'agit d'une demande relative au voyage du navire; que l'action ne peut-être exercée que contre l'armateur ou le capitaine, et que, conformément à une jurisprudence constante, elle n'est pas recevable contre de simples agents de l'armateur;

Par ces motifs, le Tribunal déboute le sieur Trone de sa demande contre les sieurs d'Avitaya et C, et le condamne aux dépens.

Plaid.

Du 5 juillet 1869. - Prés. M. REGIS, juge. MM. FAURE pour Trone, Paul SENÈS pour d'Avitaya et C‘.

(1) Voy. conf. ce rec. 1863. 1. 124.

-

1865. 1. 35.

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