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COMPÉTENCE. COMMERÇANT. ABANDON DES LOYERS D'UN

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IMMEUBLE A SES CRÉANCIERS. MANDAT D'ENCAISSER ET DE RÉPARTIR.

Est commercial le mandat d'encaisser les loyers d'un immeu.. ble appartenant à un commerçant, lorsqu'il est donné par les créanciers de ce commerçant tombé en état de suspension de payements, à l'un d'entre eux chargé d'en répartir le produit entre tous.

(CARLE CONTRE RIVIÈRE ET BÉRAUD ET MAUBERT. )

JUGEMENT.

Attendu que Rivière et Béraud et Maubert sont actionnés devant le Tribunal de céans par le sieur Carle, l'un des créanciers des sieurs Rivière et Béraud;

Qu'il résulte des débats que ces derniers ont fait abandon, à leurs créanciers, des loyers des immeubles leur appartenant îlot n. 2 de la Joliette;

Que c'est le sieur Maubert qui a été désigné par les créanciers pour percevoir ces loyers dans l'intérêt de tous et en faire compte aux intéressés ;

Qu'ainsi le sieur Maubert se trouve réellement chargé d'un mandat commercial, puisque ce mandat a été donné exclusivement en vue d'arriver à l'extinction de créances commerciales ;

Que l'encaissement des loyers n'a été que le moyen adopté pour arriver à ce résultat ;

Que Maubert ne peut donc exciper d'une incompétence ratione materiæ; qu'il doit compte de son mandat, et que le sieur Carle, l'un des créanciers qui le lui ont donné, a qualité pour lui demander règlement de compte comme partie intéressée ;

Que c'est devant le Tribunal de céans que les difficulté

qui peuvent surgir, à raison du mandat confié à Maubert, doivent être portées;

Attendu, quant à Rivière et Béraud, qu'étant entrepreneurs de travaux de constructions, ils sont commerçants et ne peuvent décliner la compétence du Tribunal de céans ;

Attendu qu'au fond, il y a lieu de nommer un arbitre rapporteur pour procéder à l'examen du compte qu'a à rendre le sieur Maubert;

Par ces motifs,

Le Tribunal se déclare compétent, et, préparatoirement, avant de statuer au fond, nomme M Lejourdan, avocat, arbitre rapporteur, à l'effet de procéder à l'examen des comptes du sieur Maubert et faire rapport.

Dépens réservés.

Du 15 octobre 1868. Prés. M. Guis, juge, chevalier de la Légion d'honneur. Plaid. MM. PELLEGRIN pour Carle, DROGOUL fils pour Rivière et Beraud, BOUTUEIL pour Maubert.

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CAPITAUX DÉLAISSEMENT DES

CORPS ET MACHINES.
RÉGLEMENTS SÉPARÉS.

SÉPARÉS. MACHINES NE RÉSULTANT PAS DE L'INNAVIGABILITÉ DU CORPS. Dans le cas d'une assurance sur corps et machines d'un bateau à vapeur, fixant des capitaux séparés pour le corps et pour les machines, et portant d'une part, dans une clause imprimée, que le délaissement du corps ne peut être fait qu'en cas de défaut de nouvelles et d'innavigabilité produite par fortune de mer, et d'autre part, dans une clause manuscrite, qu'en cas d'avaries et d'abandon, il sera fait des réglements séparés sur le corps et sur les machines, · il y a lieu de décider, par suite de la combinaison de ces deux clauses, que l'innavigabilité du corps n'entraine pas le délaissement des machines et que ce délaissement ne peut être admis que si les machines, considérées isolément, sont elles-mêmes innavigables, c'est-à

dire, dans un état de détérioration tel qu'elles ne peuvent plus servir de moteur à un navire.

(C DE NAVIGATION MIXTE CONTRE ASSUREURS.)

JUGEMENT.

Attendu que le bateau à vapeur Ville-de-Lyon, appartenant à la Compagnie de Navigation mixte, a été assuré pour la somme de fr. 840,000, dont 535,000 applicables aux corps et victuailles et fr. 305,000 aux machines et approvisionnements en charbon; que, suivant une clause écrite de la police, en cas d'avaries et d'abandon, il doit être fait des règlements séparés sur le corps et sur les machines; qu'aux termes d'une autre clause imprimée, formant l'art. 12, le délaissement du corps ne peut être fait que dans le cas de défaut de nouvelles, de naufrage et d'échouement qui rendent le navire innavigable ou d'innavigabilité produite par toute autre fortune de mer;

Attendu que le bateau à vapeur Ville-de-Lyon, dans un voyage de Volo à Marseille, a éprouvé un violent incendie. à la suite duquel la Compagnie de Navigation mixte a signifié aux assureurs le délaissement de ce bateau ;

Attendu que les assureurs ont déclaré accepter le délaissement en ce qui concerne le corps, et l'ont contesté en ce qui concerne les machines;

Attendu que les parties ont été en désaccord sur l'interprétation de l'art. 12, relativement aux cas de délaissement admis par la police;

Attendu que cet article ne comporte pas l'interprétation des assurés, qui voudraient que le délaissement pût avoir lieu dans les cas de naufrage, d'abandon de l'équipage et autres, alors même qu'il n'y aurait pas innavigabilité;

Attendu que, d'après l'art. 12, l'innavigabilité, indépendamment du défaut de nouvelles, est la condition essentielle du délaissement, quelle que soit d'ailleurs la fortune de mer qu'ait éprouvée le navire;

Attendu que les assurés ont reconnu, dans les débats à l'audience, que le corps et les machines du bateau pouvaient être séparés dans des règlements par avaries ou par délaissement, mais qu'ils ont prétendu que cette séparation de règlements n'était qu'une faculté stipulée à leur profit, et dont seuls ils étaient en droit d'user;

Attendu que la police a déterminé des capitaux distincts pour le corps et pour les machines; qu'elle a formé ainsi des assurances distinctes; que, comme conséquence de cette distinction, elle a établi des règlements séparés, non-seulement dans les cas d'avaries, mais encore dans le cas de délaissement; que ces clauses de la police ont le caractère de dispositions profitables, suivant les cas, à l'une et à l'autre des parties, et également obligatoires pour chacune d'elles;

Aftendu que, dans des notes versées au procès après les plaidoiries, les assurés, adoptant un autre point de vue, ont soutenu que la police n'avait restreint que le délaissement du corps du navire au cas d'innavigabilité, et celui des facultés au cas de détérioration de plus des trois quarts; que le délaissement des machines n'y avait pas été prévu, puisqu'on ne saurait les ranger parmi les facultés, et que, n'étant pas des choses navigables, elles ne pouvaient pas devenir innavigables; que, par suite, le délaissement des machines n'était pas régi par une clause spéciale de la police, et restait autorisé, dans tous les cas déterminés par l'art. 369 C. Comm.;

Attendu que la machine d'un bateau fait, par elle-même, partie du navire; que toutes les clauses de la police relatives au navire, sans que la machine en soit distinguée, comprennent, par suite, la machine;

Que tel est l'art. 12 de la police;

Attendu que la machine n'est séparée du corps que par les clauses manuscrites qui exigent des règlements séparés; que, de la combinaison de ces dispositions, il résulte que la machine doit être considérée isolément du corps, quand il s'agit de procéder au règlement par avaries ou par délaissement;

mais que le délaissement ne peut en être fait que dans le cas où la police l'autorise pour le corps;

Attendu que, si la machine d'un bateau n'est pas une chose navigable, elle est l'instrument de la navigation du navire; que le terme d'innavigabilité appliqué à une machine s'entend d'un état de détérioration qui ne permet plus de la faire servir à la navigation d'un bâtiment ou qui exigerait de trop fortes. dépenses pour que cet usage fût encore possible; qu'un même terme peut être pris dans des acceptions différentes, suivant les intentions des parties, et que les dispositions de la police sont trop formelles pour qu'elles puissent être éludées par l'application littérale du mot innavigable;

Attendu que, d'après les appréciations qui précèdent, le délaissement du corps n'entraînant pas celui des machines, il reste à déterminer l'importance des dommages éprouvés par les machines de la Ville-de-Lyon, ce qui exige une vérification préalable par experts;

Attendu qu'aucune des parties n'a conclu à l'expertise, mais que toutes ont reconnu qu'elle serait nécessaire dans le cas, adopté par le Tribunal, de règlements séparés pour déterminer s'il y aurait lieu à délaissement des machines ou pour fournir les éléments du règlement d'avaries;

Attendu que les pouvoirs à donner aux experts n'ont pas été débattus; que le Tribnnal, en nommant des experts, croit devoir leur donner les pouvoirs les plus étendus, sans préjudice d'aucun des droits des parties;

Par ces motifs,

Le Tribunal donne acte à la Compagnie de Navigation mixte, de l'acceptation faite par les assureurs du délaissement, en ce qui concerne le corps du, bateau Ville-de-Lyon, et ordonne que les assureurs lui paieront la quote part les concernant sur la somme de fr. 535,000, avec les intérêts et les frais en dépendant; déclare que le délaissement, en ce qui concerne les machines du même bateau, doit être apprécié d'une manière distincte de même suite, sous réserve de tous droits, soit

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