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qui n'a pu livrer la marchandise, les démarches ainsi faites par l'acheteur équivalent à une mise du vendeur en demeure de remplir son obligation. En conséquence, malgré l'absence de toute sommation, le vendeur ne peut, si le délai de la livraison est expiré, offrir un nouvel ordre de livraison pour remplacer celui qui n'est pas sorti à effet, et il doit subir la résiliation avec dommages-intérêts.

(SALOMON FRÈRES CONTRE SANITER ET C*).
JUGEMENT.

Attendu que les sieurs Saniter et C, en recevant des sieurs Salomon frères un ordre de livraison de 50,000 k. tourteaux arachides, livrables en octobre dernier, ont manifesté l'intention de recevoir la marchandise vendue; qu'ils ont agi conformément à cette intention, en se présentant ou en faisant présenter, chez les tiers indiqués pour effectuer la livraison, un acheteur désigné par eux, et en réclamant ou en faisant réclamer la marchandise;

Attendu que ce sont les vendeurs qui ont été en faute, parce qu'ils ont donné des indications qui ne devaient pas sortir à effet, les tiers indiqués n'ayant point alors de livraison à effectuer;

Attendu que la réception de l'ordre par les acheteurs, les démarches qu'ils ont faites ou qui ont été faites en leur nom, pour recevoir, équivalent à une mise en demeure restée sans effet; que, dès lors, les acheteurs n'étaient plus tenus d'accepter une nouvelle indication que si elle était faite dans le délai convenu pour l'exécution du marché; que, ce délai expiré, la résolution du marché est acquise aux acheteurs qui ne veulent plus prendre livraison;

Attendu que les dommages-intérêts de la résiliation ne doivent consister, suivant la jurisprudence, que dans la différence entre le prix convenu et le coût du jour de la demande en résolution:

Par ces motifs,

Le Tribunal déclare résiliée la vente faite par les sieurs Salomon frères aux sieurs Saniter et C"; condamne les sieurs Salomon frères à payer aux sieurs Saniter et C⚫ la différence entre le prix convenu et le cours au 4 novembre courant, jour de la demande en justice, avec intérêts de droit et dépens.

Du 9 novembre 1868. — Prés. M. GUIs, juge, chevalier de la Légion d'honneur. Plaid. MM. CHABRINIAC pour Salomon frères, LECOURT pour Saniter et C.

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Le capitaine à qui le payement de son fret est refusé par le consignataire, sans raisons plausibles, a droit à des surestaries, s'il est justifié que ce retard dans le payement a causé un retard dans le départ du navire et par suite une aggravation de frais de séjour (1).

(CAP. CASAREGOLA CONTRE FÉRAUD D'HONNORAT ET C).

JUGEMENT.

Attendu que les sieurs Feraud d'Honnorat et C ont reconnu devoir le solde du fret qui leur est demandé par le capitaine Casaregola;

Attendu que le capitaine Casaregola a demandé, en outre, des surestaries pour retard dans le paiement du fret, à partir du 12 novembre dernier ;

Attendu que, si les avaries du dernier voyage du capitaine Casaregola ont été réglées ce jour-là, ce capitaine n'a point alors réclamé le paiement du fret;

Qu'alors, d'ailleurs, le capitaine n'a pas éprouvé de préjudice qui lui donnât droit à des surestaries; mais que, dans

(1) Sur la question de savoir s'il est dû dans ce cas d'autres dommages-intérêts que l'intérêt du fret lui-même, consulter la Table générale, v° Fret, n° 155 et suiv. Ce rec. 1861, 1. 115. -1863 1. 305.1868. 1, 192,

les premiers jours de novembre, son armateur étant venu à Marseille, avec des fonds pour acquitter les billets de grosse résultant des avaries, le fret a été un complément nécessaire; que le capitaine et l'armateur ont insisté pour le recevoir, et que le capitaine a signifié une citation en paiement le 6 novembre; que le fret ne lui a été offert que le 9;

Attendu qu'après le long séjour qu'avait fait le capitaine à Marseille, les retards que lui ont fait subir les sieurs Feraud d'Honnorat et C, ont occasionné une prolongation de ce séjour, qu'il avait intérêt à faire cesser et qui a entraîné des frais pour lui; que ces retards n'ont pas été justifiés par des raisons plausibles; que les sieurs Feraud d'Honnorat et C doivent une réparation des dommages qui en ont la conséquence;

Attendu que le capitaine aurait pu recevoir, le 9, le fret, sous réserve des surestaries; qu'il y a lieu de faire courir du 7, soit du lendemain de la mise en demeure du capitaine, les surestaries à allouer à titre de dommages-intérêts et de les fixer à trois jours;

Par ces motifs,

Le Tribunal condamne les sieurs Feraud d'Honnorat et Co à payer au capitaine Casaregola la somme de 3,390 fr. 50 c. pour solde de fret, et trois jours de surestaries, à raison de 0,50 par tonneau et par jour, avec intérêts de droit et dépens, sous réserve de tous autres dommages-intérêts pour le cas où le fret ne serait pas immédiatement payé.

Du 11 novembre 1868. Prés. M. LUCE.

ABORDAGE. PORT ÉTRANGER.

NAVIRES DE NATIONALITÉS DIFFÉRENTES. PROTESTATION. SIGNIFICATION AU CONSUL.

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La protestation à raison d'un abordage arrivé entre deux navires de nationalités différentes dans un port étranger, se fait d'après l'usage par l'intermédiaire du Consul dụ capitaine abordé,

Cette protestation est régulière, bien que le Consul du capitaine abordé l'ait signifiée, non au capitaine abordeur lui-même, mais au consul de la nation à laquelle il appartient.

(CORVETTO CONTRE CANTON ).

JUGEMENT.

Attendu que, dans la soirée du 28 juin dernier, le navire italien Giuseppe Ferraro, qui était ancré dans la rade de Montevideo, a été abordé par le navire français Espérance qui venait d'appareiller; qu'à raison des dommages éprouvés dans cet abordage, le capitaine du navire italien a formé une demande en indemnité contre le capitaine et les armateurs du navire Espérance; que sa demande a été repoussée par une fin de non recevoir, basée sur le défaut de signification de protestation dans les 24 heures de l'accident;

Attendu que le capitaine du navire italien a fait, le 27 juin, devant le consul de sa nation, un rapport de l'abordage, qu'il a terminé en déclarant qu'il protestait contre le capitaine, les consignataires, chargeurs et armateurs du navire français Espérance, pour toutes les avaries éprouvées, retard, pertes et préjudices qu'il a soufferts et pourra souffrir, et a prié le consul de donner suite à tous les actes que de raison et de droit ;

Qu'à la suite de ce rapport, et à la même date, le consul italien a ordonné la transmission au consul de France, aux fins requises et de droit;

Attendu qu'il résulte, en outre, des autres documents versés au procès, et notamment d'une lettre écrite par M. le consul d'Italic de Montevideo au ministre des affaires étrangères de sa nation, que le rapport du capitaine du navire Giuseppe Ferraro a été transmis à M. le consul de France, immédiatement, et que les deux capitaines ont conféré à la chancellerie du consulat français, en présence de l'agent des assureurs; que cette lettre énonce encore que le consul de France ne voulait intervenir que pour une transaction amiable, et que,

les parties ne s'étant point entendues, lui, consul italien, avait nommé des experts pour faire constater les avaries du navire Giuseppe Ferraro; qu'en effet, des experts ont été nommés le 4 juillet, et ont procédé à la constatation des avaries;

Attendu qu'en matière commerciale, tous genres de preuves sont admissibles, et que les documents qui viennent d'être analysés, sont assez précis et ont assez d'autorité pour faire foi en justice, les défendeurs ne produisant aucuns autres. documents qui les contredisent;

Attendu qu'en l'état de ces faits, on doit reconnaître que le capitaine du navire Giuseppe Ferraro a manifesté, dans les 24 heures même, l'intention formelle de réclamer la réparation des dommages causés par l'abordage; qu'il a voulu que les formalités de droit fussent remplies, et que sa protestation a été connue du capitaine français, puisqu'elle a été transmise au consulat de France, et que les deux capitaines ont conféré postérieurement dans la chancellerie de ce consulat;

Attendu que, s'il faut que la protestation soit signifiée, il ne s'ensuit pas qu'il faille aussi soumettre cette signification, en pays étrangers et entre capitaines de nations différentes, à des formes de rigueur, qui peuvent varier suivant les pays et suivant les circonstances;

Qu'en pays étrangers, les consuls sont des intermédiaires. légaux des capitaines qui ne sont pas d'une même nation;

Attendu que c'est à la chancellerie des consuls français que doivent être faites les significations concernant les capitaines qui sont leurs nationaux, et que le grief qui pourrait être élevé dans l'espèce, se réduit à ce que la signification aurait été adressée, non au capitaine lui-même, mais à son consul;

Attendu qu'elle a été adressée au consul comme au représentant légal du capitaine; que le consul devait la lui communiquer et la lui a communiquée en effet; que le capitaine l'a connue aussitôt que si elle avait été adressée à lui-même,

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