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Dans le premier cas, l'excédant du capital contribuable sur la somme assurée constitue pour l'assuré un bénéfice, et, comme l'assureur ne garantit pas le bénéfice, l'assuré doit supporter la contribution sur cet éxcédant.

Ainsi, si une marchandise assurée F. 40,000 et qui valait à l'arrivée F. 45,000, est frappée d'une contribution de 20 0/0, soit F. 3,000, l'assureur paiera 20 0/0 sur la somme assurée... F. 2,000

et l'assuré gardera à sa charge ia perte de 20 0/0 sur son bénéfice..

» 1.000

» 3,000

Dans le cas au contraire où la somme assurée est plus élevée que le capital contribuable, il y a eu perte pour l'assuré.

Ainsi une marchandise assurée F. 15,000 et ne valant plus que F. 12,000 à l'arrivée, est frappée d'une contribution de 20 0/0, soit F. 2,400.

Dans ce cas, l'assuré n'a droit qu'au remboursement pur et simple de sa contribution. Il ne peut demander que le règlement avec son assureur soit établi sur la somme assurée, car ce règlement, dans la supposition qui précède, lui donnerait F. 3,000, c'est-à-dire un bénéfice de F. 600, ce qui est inadmissible.

Les deux cas ci-dessus peuvent se rencontrer dans un même réglement; une même police peut avoir pour aliment des marchandises de plusieurs natures, ayant donné, les unes du bénéfice, les autres de la perte. Dans ce cas, il ne s'opère aucune compensation entre la perte et le bénéfice, et le réglement est établi comme s'il existait autant de contrats que de marchandises de natures différentes.

Les assureurs et les assurés conviennent de ces principes. Mais que doit-on faire lorsque le cas de bénéfice se complique d'une perte matérielle en cours de voyage, comme dans l'espèce ?

Une portion de la marchandise assurée est vendue au port de relâche, elle produit net F. 3,393 40. Le reste arrive à destination, et sa valeur assu

rée, suivant détail énoncé

dans la police, s'élève à..... F. 19,019 »

Le total.....

F. 22.414 40 forme la seule valeur que représentait, suivant l'estimation de la police, ce qui a été sauvé.

Tout ce qui dépasse cette somme est un bénéfice, et les assureurs doivent y rester étrangers.

Sans doute les assurés pourront dire qu'il n'y a, tout compte fait, bénéfice pour eux que lorsque le produit de la marchandise dépassera la somme assurée ou soit le prix de revient; mais c'est là le compte de la spéculation commerciale à laquelle les assureurs n'ont pas à prendre part; pour eux, chaque partie de marchandise doit être considérée isolément; les fortunes de mer ont distrait du capital assuré une certaine partie de la valeur qu'il avait; cette perte partielle est à la charge des assureurs; ils la supportent, ils la paient à l'assuré par voie d'avarie particulière; mais ils ne peuvent pas, sur cette perte partielle qu'ils paient en son entier, sauf les franchises, supporter encore une contribution d'avarie commune, car ce serait payer au-delà de leur engagement; et toutefois c'est à résultat que conduit le système des assurés :

Si en effet la marchandise était arrivée sans avarie particulière, la contribution d'avarie commune eût été fixée sur la somme assurée entière ...

...

F. 24,750

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L'avarie particulière a diminué la marchandise de .....

Il ne reste donc plus comme valeur assurée susceptible de nouvelles pertes et de contribution que la différence, soit....

F. 22.444 40

c'est-à-dire la somme même sur laquelle les assureurs offrent de régler

Les assurés cependant demandent que le règlement porte sur F. 24,750. Ils exigent donc une contribution sur la somme de F. 2,335 60 que les assureurs leur ont payée déjà en entier par voie d'avarie particulière, sur une valeur qui n'est pas arrivée à destination, qui n'a pas figuré par suite dans le réglement d'avaries communes, et sur laquelle en définitive les assurés n'ont rien payé eux-mêmes. A tous ces titres, il leur est impossible de justifier leur demande.

Cette somme de F. 2,335 60 forme donc en réalité un bénéfice sur la portion de marchandises arrivée à destination. Daprès tous les principes admis, et d'après la disposition formelle de l'art. 347 C. Com., ce bénéfice doit rester étranger au contrat d'assurance, les assureurs ne sont donc pas tenus de payer la contribution d'avarie commune qui le grève.

Répondant à l'argument tiré de l'usage où l'on était, sur la place de Marseille, de régler de cette manière, les assureurs soutiennent qu'il ne s'agit pas ici d'une interprétation de contrat qui pourrait se faire en invoquant l'usage, mais qu'il s'agit de l'application d'un texte formel (347 C. Com.) prohibant toute assurance sur bénéfice.

Ils font en outre connaître que cet usage n'est pas universellement admis sur toutes les places de commerce maritime : qu'à Nantes, il est vrai, on opère ainsi; mais qu'à Paris et au Havre on suit au contraire le mode de règlement proposé par eux; qu'à Bordeaux, enfin, la difficulté se règle par transaction. Le système des assureurs a été rejeté par le jugement sui

vant :

JUGEMENT.

Attendu que l'assurance maritime, suivant le Code de Commerce, a pour objet de procurer à l'assuré le recouvrement des débours qu'il fait et qui sont perdus par des accidents de

mer;

Attendu que, lorsqu'une marchandise périt partiellement ou est détériorée, cet objet ne peut être atteint que par un ré

glement par quotité qui, en déterminant la proportion de la perte, fixe aussi la proportion dans laquelle l'assuré a droit à recouvrer son prix d'achat et ses frais du lieu de charge;

Attendu que, dans les autres cas d'avaries, le droit légal de l'assuré est d'obtenir le remboursement pur et simple et intégral de ses dépenses; que tel est son droit en ce qui concerne les dépenses de réparations d'un navire endommagé par fortune de mer; que tel est également son droit, quant aux frais qu'exige la conservation de sa chose, tels que les frais de déchargement, emmagasinage et rechargement d'une marchandise pendant une relâche, quand ils ne sont pas classés en avarie commune;

Attendu que les avaries communes donnent lieu, entre capitaine et chargeurs, à un règlement qui établit la contribution à la charge de chacun d'eux; que, par l'effet de ce règlement, toute la perte se résout, pour chaque intéressé, en une contri. bution à l'ensemble des sacrifices;

Attendu que cette contribution, à l'égard des assureurs, est une dépense que supporte l'assuré et qui a eu pour cause la conservation de sa propriété; qu'elle est donc par sa nature répétible contre les assureurs au même titre qu'une avarie frais;

Attendu qu'il existe cette scule différence, que l'avarie frais ne dépend que de la plus ou moins grande importance des dépenses, tandis que la contribution d'un chargeur à l'avarie commune dépend aussi de la valeur de sa marchandise au lieu de destination;

Attendu que cette différence, d'après l'usage suivi jusqu'à aujourd'hui, n'a de l'influence que dans un seul cas le cas où la valeur réelle de la marchandise au lieu de destination est supérieure au prix de revient représenté par le montant de l'assurance; l'assuré faisant dans ce cas un bénéfice qui accroît sa contribution, l'usage a admis que la part de contribu tion afférant à ce bénéfice doit rester à sa charge;

Attendu que, dans l'espèce, où la marchandise, au lieu de

destination, a été évaluée au-dessus du prix de revient, bien que partiellement avariée, les assureurs ont élevé la prétention de réduire encore le remboursement de la contribution, en déduisant de la somme assurée le montant de l'avarie matérielle, et en appliquant au capital contribuable ainsi réduit la quotitée fixée par le règlement d'avaries communes ; Attendu que les assureurs peuvent intervenir dans un règlement d'avaries communes, même pour y exercer, dans leur intérêt. les droits de l'assuré; mais que, le règlement fait, il ne s'agit plus pour eux que du remboursement d'une dépense liquidée; qu'étrangers, au point de vue de l'avarie commune, aux pertes ou aux dégradations matérielles de la marchandise, aucune raison de justice ne les autorise à s'en prévaloir pour établir, à leur avantage, un capital contribuable nouveau, inférieur à la valeur réelle de la marchandise et au montant de l'assurance;

Attendu que le mode de procéder en usage et suivant lequel a été dressé le règlement soumis au Tribunal, ne produit que des résultats conformes à la loi ;

Qu'en effet, des assureurs peuvent avoir à supporter, tout à la fois, une quotité d'avarie matérielle et le remboursement d'une avarie frais et d'une contribution; qu'il est possible même que le cumul des avaries excède la somme assurée, parce qu'il arrive que l'on prend pour la conservation d'une chose des dispositions coûteuses dont les dépenses seules peuvent atteindre et dépasser sa valeur; mais qu'alors même que, dans ce cas, les assureurs n'useraient pas de leur droit de réduire les indemnités au montant de l'assurance, l'assuré net recevrait que la part du prix de revient de la chose correspondant à la perte matérielle et le remboursement de ses impenses; qu'il n'a donc jamais d'autre bénéfice que celui de son importation dans la proportion où la marchandise lui est délivrée saine; conséquence légitime de notre loi commerciale, qui laisse sortir à effet la spéculation du négociant dans la mesure où l'assurance elle-même n'a pas d'application ;

Attendu que le système mis en avant par les assureurs ré

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