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VIII.

Savans du xv. fiécle, & du commence ment du xv1. préférables à ceux de notre tems.

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Ce grand nombre de Savans qui fleurirent vers la fin du quinziéme fiecle, & au commencement du feiziéme, me paroiffent bien plus eftimables que ceux de notre tems. Nous avons tant de fe-cours pour devenir favans, & nous fommes dans une fi grande lumiere des Lettres, qu'il femble qu'il ne faille que vouloir être favans pour y réuffir. Tant de Grammaires, tant de Dictionnaires,tant d'Indices,tant d'Abrégez, tant d'ouvra ges méthodiques dans toutes les fciences, qui fe font infiniment multipliez à la faveur de l'Imprimerie, font autant de chemins abregez & applanis pour parvenir promtement au fommet de la vraie érudition. Mais dans ces premiers tems d'obscurité & de ténébres, ces grandes, ames n'étoient aidées que de la force de leur efprit, & de l'affiduité de leur travail, Les livres n'étoient que manuf erits, & par confequent rares, chers, & en petit nombre. On trouvoit peu de

fon propre

perfonnes de qui on pût prendre confeil, moins encore que l'on pût imiter. H falloit trouver tous fes befoins dans fonds, & n'attendre rien du dehors. Je trouve enfin la même diffé. rence entre un Savant d'alors, & un Savant d'aujourd'hui, qu'entre Cristofle Colomb découvrant le nouveau monde, & le maître d'un Paquebot, qui paffe journellement de Calais à Douvre.

I X.

François de Beaucaire de Puiguillon,
Evêque de Mets,

J'ai lû depuis peu l'Histoire de François de Beaucaire de Puiguillon, Evêque de Mets. Cet homme n'a pas pris beaucoup de foin à cacher fa paffion & fa partialité. Il étoit né vaffal & domeftique du Conneftable de Bourbon, & il avoit reçû avec la naiffance une eftime fi aveugle pour ce Prince, qu'il l'a portée jufqu'à excufer fa défection fcélérate

, que le Chevalier Bayard lui reprocha fi noblement & fi courageufe. ment en mourant. Il décrie au contraire avec importunité & avec acharnement la conduite de François I.Il blâme

avec une médifance noire celle de Loui fe de Savoye mere du Roi. Quels traits perçans ne lâche-t-il point contre le Chancelier du Prat? Il s'attacha enfuite aux Princes de la Maison de Guife,& cet attachement a attiré de fa part au Conneftable de Montmorency de fi fanglans & de fi continuels reproches, qu'il ne le nomme jamais qu'avec l'accompagnement de quelque atroce calomnic. Pouvoit-il noircir avec une plus grande indignité la mémoire du Pape Jule III. Au furplus, fi vous purgez cette hiftoire de fa malignité, vous n'y trouverez rien de fort fin. Le ftile en eft ennuyeux,diffus, obfcur,& embarrassé. L'ouvrage plein d'ignorances puériles. Comme quand il fait venir le mot d'Amiral, du mot grec aves qui fignifie Salé, à caufe que l'eau de la mer, dont l'Amiral a le gouvernement, eft falée Comme quand il prétend que le pays de Forez eft ainfi nommé, à caufe de la quantité de forêts qui s'y trouvent. Comme quand il dérive le mot de Boulevard, ἀπὸ τῶν βελῶν, des traits qu'on lance du Boulevard. Comme quand il s'imagine que le pays de Liege a pris fon nom des Legions Romaines qui y prenoient leurs

quartiers. Comme quand il foûtient que le mot de Seigneurs, vient de Signatores, ce qui répond, felon lui, au titre δε σημάντορες λαῶν, qu'Homére donne aux Rois. Comme quand il nous veut perfuader que le mot d'Ecuyer vient d'Equarius, dérivé d'equus, confondant ainfi les Chevaliers & les Ecuyers : & que le nom de Heraut eft le même que Héros. Comme quand il propofe, fans la réfuter, l'opinion ridicule de ceux qui croyoient que le langage bas-Breton eft le langage des Troyens: d'où il faut conclure qu'Enée contoit des douceurs à Didon en bas-Breton, & qu'elle y répondoit en Phénicien ; ce qui faifoit un dialogue affez fingulier. Ces fadaifes deshonorent fon Hiftoire, & découvrent en lui un favoir affez fuperficiel.

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Jugement de Saint Auguftin.

Un certain Evêque d'Angleterre, qui a fait parler de lui, eut l'audace étant à Paris, d'avancer en bonne compagnie, dans la Bibliotheque du Roi, que Saint Auguftin n'avoit point d'efprit. Cet homme n'avoit point d'efprit lui-même,

ou n'avoit pas lû Saint Auguftin. Jelur trouve au contraire une grande étendue d'efprit, qui embraffe tout ce qui eft renfermé dans les matieres qu'il traite; une grande pénétration qui les creufe juf qu'au fond; & une grande fubtilité qui les débrouïlle & les éclaircit.Mais quand il faut prendre parti & le déterminer Fardeur de fon efprit le porte toûjours aux extrémitez, fans s'arrêter jamais dans le milieu. D'ailleurs il manque d'ordre & de méthode. Son livre de la Cité de Dieu eft un amas confus d'excellens matériaux. C'eft de l'or enbarres & en lingots.

X L

Les Anciens manquent de méthode.

Ce défaut de méthode fe trouve dans la plupart des Anciens. La Philofophie Académique dont Platon faifoit profeffion, & la maniere de la traiter par dialogues, qui étoit familiere à cette fecte, ne fouffre pas l'exactitude de la métho de. Mais au moins devoit-il garder quelque ordre, qui conduifit l'efprit felon la fubordination & la difpofition naturel. le des matieres, lui qui entendoit fi-bien

les

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