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recueillir les bonnes aux habiles Jardiniers, qui ont fçûrles cultiver, & en faire leur profit.

XXIV.

Expofition des logemens.

Les Jefuites chez qui je fuis logé à Paris, dans le choix de leurs cham trés, préférent celles qui font exposées au midi. Je fuis d'un fentiment tout contraire, & je préfére fans comparaifon l'expofition au Nord. Voici mes raifons. Tous les orages, les grands vents, les grêles & les pluies violentes viennent du midi. Les fenêtres qui y font tournées, fe trouvent fouvent bri fées par la tempête. Ces chambres font des fournaifes pendant les chaleurs de l'été ; & le foleil vous aveugle & vous brûle tout le long de la journée. Les objets du dehors qui fe préfentent aux yeux, ne font vûs que du côté de l'ombre, qui en dérobe, tout l'agrémenta Aucun de ces défauts ne se trouve dans l'expofition au Nord. Le calme y eft toûjours; la fraîcheur s'y trouve en été. On fe garantit de la bize & des froids de l'hyver, qui font par tout égaux, en

fe calfeutrant, & fe muniffant de chaf fis & de rideaux. Les objets n'y paroiffent que de leur beau côté, & du côté qu'ils font éclairez & dorez des rayons du foleil. L'expofition au Levant a aufli fes agrémens. Ce foleil naiffant, & l'aurore fa fourriere, font à mon gré. des objets délicieux: la fraîcheur de la nuit temperant l'ardeur de ses rayons. XXV.

Santé des villards.

La vigueur & la bonne fanté que l'on remarque dans quelques vieillards, reffemble à une tour fappée. Cette tour paroît auffi folide, aufli forte, & auffi* durable , que lorfqu'elle fut achevée de bâtir; cependant elle n'a plus de fondement, & n'eft foûtenuë que par quelques étais, qui venant tout d'un coup à manquer, elle eft ruinée en un inftant. Les fondemens de la vie font détruits dans les vieillards, le fuc radical est épuifé, les parties vitales font ufées, la machine n'eft plus foûtenuë que par quelques étais, c'eft-à-dire, par la force de la contexture, & par la continuation de l'impreffion du premier mouvement.

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Je comparerois encore cette apparence de fanté à ces larmes de verre, qui paroiffent parfaitement folides, & qui étant tant foit peu entamées pouffiere.

XXVI.

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Du menfonge.

s'en vont en

Le vice du menfonge ne confifte pas proprement en ce qu'il eft contraire à la vérité. On dit plufieurs chofes contraires à la vérité, fans aucun vice, & fans aucun peché. Les complimens font d'honnêtes menfonges, non-feulement permis, mais encore commandez par l'ufage. Quand un homme dit à un au tre qu'il eft fon valet, qu'il eft fon ferviteur, il parle contre la vérité; & tant s'en faut que ce menfonge foit vicieux, ce feroit un vice que de manquer à le. faire il blefferoit les loix de la focieté civile, il offenceroit fon prochain, qui a droit d'exiger de lui cette affûrance, toute fauffe qu'elle eft. Aufli ne faut-il pas prendre ces difcours au pied de la lettre, ni dans leur fignification gram. maticale : mais dans la fignification que la.coûtume leur a attribuée, qui n'c

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autre que d'une civilité fuperficielle. Le vice du menfonge confifte proprement en ce qu'il donne une fauffe idée. C'eft: une tromperie que l'on fait à fon prochain; c'eft un larcin qu'on lui fait de la vérité, ce qui eft contraire à la charité. Sur ce principe les reftrictions mentales font vicieufes; car encore qu'e elles ne foient pas contraires à la vérité, felon le fens grammatical des paroles, elles le font dans l'intention de celui qui parle, qui n'eft autre que de cacher la vérité à celui à qui l'on parle, & de lui donner une fauffe idée. Lorfqu'un homme parle à un autre,c'est pour lui donner une idée qu'il n'avoit pas. C'eft la formation de cette idée qui eft le but de celui qui parle, & de celui qui écoute. Et c'eft par la nature de cette idée, qu'il faut juger de la nature du difcours qui l'a formée. Si elle fe trouve contraire à la vérité, le difcours qui l'aura formée, sera menfonger & vicieux. Il ne s'agit pas de favoir fi elle eft conforme à l'idée de celui qui parle celui qni parle, ne parle pas pour lui-même, mais pour celui à qui il parle. Il n'a pas intention en parlant de fe donner à lui-même une nouvelle idée, qu'il n'avoit pas, ni de fe rien appren

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dre à foi-même. Si cela étoit, il n'auroit qu'à parler tout feul. Mais c'est à celni à qui il parle, à qui il veut don, ner cette nouvelle idée; & s'il la veut donner faulle ce fera une tromperie qui ne fera pas juftifiée par la conformité que cette idée aura avec celle de celui qui parle. Il y a plufieurs fortes de menfonges qui ne confiftent pas dans le difcours, mais dans l'action, & quelquefois dans l'inaction. Faire femblant de n'entendre pas ce que l'on entend, ou de ne voir pas ce que l'on voit; agir comme par hazard, lorsqu'on agit avec préméditation; ce font des menfonges & des tromperies, puifqu'on ne les emploie que pour faire naître de fauffes idées. Mais d'ailleurs la fincerité feroit blâmable en certaines rencontres. On donne à un homme des loüanges qu'il mérite, il bleffera la modeftie s'il les reçoit, il bleffera la vérité s'il les rejette. Il doit pourtant les rejetter, & affecter de s'en croire indigne, parce que cet ufage eft établi par la politeffe de la focieté civile, & que d'y contrevenir, ce feroit choquer cette même fo cieté, qui nous défend toute forte de fafte & d'oftentation.

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